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De patriotes adulés à l’épine dans le pied : Wazalendo, le monstre qui échappe à son créateur

Longtemps célébrés comme les remparts de la patrie face au M23, les «Wazalendo» sont aujourd’hui la source d’une crise grandissante, prouvant que les sauveurs d’hier sont devenus incontrôlables. De vaillants guerriers financés et armés par l’État, ces combattants se retournent contre Kinshasa, comme en témoignent les affrontements récents à Uvira. Alors que même le porte-parole des FARDC avoue ne plus les « contrôler », la question brûlante se pose : Qui contrôle désormais cette force hors-la-loi ? L’adulation a cédé la place à l’inquiétude : la République Démocratique du Congo fait face à la bombe à retardement qu’elle a elle-même activée. Le monstre échappe au créateur.

Longtemps adulés et présentés comme des patriotes indispensables à la lutte contre le M23, les combattants Wazalendo sont aujourd’hui une force « incontrôlable » qui se retourne contre l’État qui les a armés. Les récents affrontements à Uvira et la déclaration fracassante des FARDC avouant ne plus les maîtriser sonnent comme un aveu d’échec cinglant pour Kinshasa et confirment les pires craintes des observateurs.

Ils étaient les héros d’un récit patriotique, fabriqués et portés aux nues par les autorités pour barrer la route aux imposteurs du M23. Aujourd’hui, les Wazalendo sont devenus une écharde dans la peau de Kinshasa, une milice non maitrisable dont les exactions menacent la stabilité même de la République Démocratique du Congo.

Le soulèvement dans la ville d’Uvira, où ces combattants se sont ouvertement opposés à une décision de l’État et ont affronté les Forces Armées de la RDC (FARDC), marque un point de non-retour. Ce qui n’était hier qu’une crainte exprimée par des observateurs avertis est devenu une réalité tragique : le monstre a échappé à ses créateurs.

L’aveu accablant des FARDC

La preuve de cette perte de contrôle est tombée, crue, de la bouche même de l’institution censée les superviser. Samedi dernier, le porte-parole des FARDC a effectué un mea culpa pour le moins troublant, déclarant devant la presse : «Nous ne les contrôlons pas les Wazalendo ».

Cette déclaration laconique, lourde de conséquences, soulève des questions brûlantes : si ce n’est pas l’armée régulière, qui contrôle donc ces milliers d’hommes armés ? Opèrent-ils en loup solitaire, comme une force parallèle et autonome ? Cet aveu d’impuissance ravive les inquiétudes sur l’existence d’un État dans l’État.

Une bombe à retardement prévisible

Dès le début, pourtant, des alertes avaient été tirées. De nombreux experts mettaient en garde contre le danger de créer, d’armer et de légitimer une milice en dehors du cadre strict et hiérarchisé de l’armée nationale. Ces mises en garde sont malheureusement restées lettres mortes, sacrifiées sur l’autel de l’urgence sécuritaire et de la communication patriotique.

Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si la bombe allait exploser, mais comment désamorcer la crise. Les Wazalendo, «fabriqués par Kinshasa et longtemps vantés pour leur bravoure», ne seraient donc «plus maîtrisables et seraient prêts à tout – dans le bon comme dans le pire», note un expert en sécurité intérieure.

Une menace pour la sécurité nationale

La situation à Uvira n’est probablement qu’un premier signe avant-coureur. Le fait que des affrontements armés aient pu éclater entre les FARDC et les Wazalendo qu’elles étaient censées encadrer illustre la gravité de la rupture. Cette milice, échappant à tout contrôle, représente désormais une menace directe pour la sécurité interne et la souveraineté de l’État congolais.

Le défi pour le gouvernement est désormais colossal : comment désarmer une hydre qu’il a lui-même créée, sans provoquer une escalade de violence ? La gestion des Wazalendo devient le casse-tête sécuritaire le plus urgent et le plus périlleux que Kinshasa doit résoudre, avec le risque de voir le remède qu’il avait imaginé contre le M23 se transformer en poison mortel pour la stabilité du pays.

Hugo Tamusa