Face au monde, le Président de la République, Félix Tshisekedi, qui participe dès ce lundi à New York (Etats-Unis) à la 80ème Assemblée générale des Nations Unies, est déterminé à faire reconnaître un «génocide congolais» qui aurait fait plus de 10 millions de morts. Alors que les discussions de paix avec le Rwanda sont en cours, Kinshasa entame, depuis New York, un assaut diplomatique, fort de rapports officiels de l’ONU documentant des massacres de civils et des violations graves des droits humains depuis 1996.
La République Démocratique du Congo mène une offensive diplomatique sans précédent. Alors que s’ouvre cette semaine la 80ème Assemblée générale des Nations Unies à New York, la délégation congolaise a un objectif clair : obtenir la reconnaissance internationale du «génocide congolais». Cette campagne, qui s’appuie sur une documentation minutieuse et des rapports onusiens accablants, vise à briser des décennies de silence et à rendre justice aux millions de victimes des conflits qui ravagent l’Est du pays depuis 1996.
Portée par la dernière session du Conseil des droits de l’Homme à Genève, la requête de Kinshasa gagne en puissance et arrive maintenant à la tribune la plus importante du monde. Malgré les pourparlers de paix en cours avec le Rwanda sous l’égide de Washington, les autorités congolaises refusent de taire un chapitre aussi sombre de leur histoire. Cette détermination, bien que source de tension avec Kigali, est présentée comme un prérequis indispensable à toute réconciliation nationale et à toute paix durable.
« L’heure n’est plus au silence, mais à la vérité », tel semble être le credo de la délégation congolaise, prête à « intensifier son discours» pour amener la communauté internationale à regarder en face une tragédie humaine d’une ampleur cataclysmique.
L’AGENDA DE TSHISEKEDI A NEW YORK
Outre le sommet des chefs d’Etat et de gouvernement qui s’ouvre ce mardi 23 septembre, le Président Tshisekedi, qui est arrivé dimanche à New York, participe dès ce lundi aux activités commémoratives du 80ème anniversaire de l’ONU, sous le thème «Mieux ensemble : plus de 80 ans au service de la paix, du développement et des droits humains ».
Selon le programme de prise de parole devant la tribune des Nations Unies, Félix Tshisekedi devrait s’exprimer, le mardi 23 septembre, autour de 14 heures de New York (19 heures de Kinshasa).
Désigné vice-président de l’Assemblée générale de cette année, le président Felix Tshisekedi a la lourde tâche de remplacer le Président en cas d’absence ou d’empêchement et de présider certaines réunions des commissions.
«Le discours du Chef de l’Etat est très attendu au regard des avancées significatives obtenues grâce à sa diplomatie de paix en faveur de son pays », commente la presse présidentielle.
Le rendez-vous annuel des chefs d’Etat intervient cette année dans un contexte mondial marqué par des tensions géopolitiques, de remise en cause grandissante du multilatéralisme et de crises sécuritaires.
Cette assemblée générale est aussi une opportunité de plus offerte au chef de l’Etat d’intensifier son plaidoyer à l’international pour la reconnaissance du « Génocost » congolais. C’est dans ce cadre qu’il va présider ce lundi une grande activité avec le Fond national des réparations des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (Fonarev).
En marge de sa participation à cette assemblée générale de l’ONU, le Président de la République aura des contacts de haut niveau dans le cadre bilatéral et multilatéral.
L’ARSENAL JURIDIQUE ET MORAL DE KINSHASA
Pour conforter son plaidoyer en vue de la reconnaissance internationale du génocide congolais », Kinshasa s’appuie sur un arsenal de preuves incontestables. Lors d’un point de presse tenu vendredi à Kinshasa, le ministre des Droits humains, Samuel Mbemba Kabuya, a brandi une série de documents onusiens qui dressent un tableau accablant de violences systématiques.
Parmi eux, le célèbre Rapport Mapping du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, qui documente les violations les plus graves commises entre 1993 et 2003, ainsi que les rapports successifs des groupes d’experts de l’ONU et le récent rapport final S/2025/446 du 3 juillet 2025. Ces documents ne listent pas seulement des morts, ils qualifient certains actes de «génocide» en citant des massacres d’une brutalité inouïe : Tingi-Tingi : Entre 100.000 et 300.000 réfugiés hutu tués par l’Armée patriotique rwandaise; Kalimantan : 200 réfugiés massacrés dans les territoires de Pangi et Kasongo; Makobola : 800 personnes tuées et des centaines de maisons incendiées; Katoga : Des civils brûlés vifs, des habitations incendiées et des exécutions à bout portant; Mwenga : 15 femmes et un homme enterrés vivants; Kamituga : Des centaines de personnes tuées à l’arme blanche; Kasika : 1.000 civils, dont des femmes enceintes, des enfants et un prêtre, massacrés dans une église.
Justice pour les victimes, protection pour l’avenir
Pour Samuel Mbemba Kabuya, la reconnaissance de ces actes est bien plus qu’une formalité juridique ou diplomatique. Il s’agit d’un impératif moral et d’une condition sine qua non pour tourner la page. « Il est urgent de reconnaître ces actes pour rendre justice aux victimes et prévenir de nouvelles exactions», a-t-il insisté, exhortant l’opinion nationale et internationale à se mobiliser.
En plaidant sa cause sur la scène mondiale, la RDC cherche à obtenir une qualification juridique qui obligerait la communauté internationale à agir, à poursuivre les responsables et à garantir que de tels crimes ne se reproduisent plus. C’est un combat pour la mémoire des millions de morts, pour la dignité des survivants et pour l’avenir d’une nation meurtrie qui refuse que son calvaire reste une note en bas de page de l’histoire.
Le monde, à New York, sera-t-il enfin à l’écoute ?
Francis N.

