Sa tête était mise à prix. Ne pouvant compter ni sur Félix Tshisekedi ni sur une majorité désormais hostile, Vital Kamerhe a devancé l’inéluctable. En démissionnant de la présidence de l’Assemblée nationale, il a choisi de contrôler sa chute pour éviter l’humiliation d’une destitution en règle, un coup de théâtre qui plonge Kinshasa dans l’inconnu.
La démission surprise de Vital Kamerhe de la présidence de l’Assemblée nationale lundi a les allures d’un coup de théâtre. En réalité, elle est le résultat froid d’un rapport de force perdu d’avance. Lâché par ses alliés et mis en accusation par une commission parlementaire, l’ancien pilier de la majorité présidentielle a préféré une retraite anticipée à la sanction humiliante d’un vote de défiance.
L’ironie de l’histoire est cruelle pour celui qui fut le grand architecte de l’accord politique de janvier 2019, le sésame qui a porté Félix Tshisekedi à la Présidence de la République.
Alors que les actuels caciques du régime, de Mboso Nkodia à Sama Lukonde, en passant par Bahati Lukwebo et Jean-Pierre Bemba, étaient alors dans l’expectative, c’est bien Kamerhe qui a verrouillé les mécanismes de la victoire. Aujourd’hui, ces mêmes figures ont assisté, en spectateurs ou en acteurs de son isolement, à sa disgrâce.
Selon nos informations, la pression est devenue intenable ces dernières semaines. La Commission spéciale mise en place sous la férule du député UDPS Peter Kazadi, réputé pour son intransigeance, avait scellé son sort. Le rapport accablant qui s’annonçait ne laissait aucune chance de survie politique.
« Sa tête était mise à prix. Et il le savait », confie une source parlementaire. Plus significatif encore : le Chef de l’État, Félix Tshisekedi, l’a « totalement abandonné » à son sort, signant la rupture définitive du pacte qui les unissait.
Ne pouvant compter ni sur l’UDPS ni sur une majorité désormais hostile, Vital Kamerhe a tiré les conséquences de son impuissance. En démissionnant, il évite le spectacle d’une destitution en règle devant la plénière, préservant une part de dignité, tout en laissant le champ libre à l’UDPS, parti présidentiel, pour lui désigner un successeur.
Déléguée d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi pour le compte de l’opposition, Dominique Munongo Inamizi, alors rapporteur adjoint au Bureau de l’Assemblée nationale, a également démissionné.
Cette série de démissions n’est pas qu’un simple remaniement d’appareil. Elle propulse la politique congolaise dans une zone de fortes turbulences. La chute de Kamerhe, stratège aguerri, déstabilise l’échiquier et démontre que les alliances sont éminemment fragiles. Personne n’est à l’abri d’un revirement.
« On est désormais entré dans une zone où tout peut arriver – dans un sens comme dans un autre », analyse un observateur politique.
La suite dépendra de la réaction des différents camps. L’UDPS parviendra-t-elle à imposer son candidat sans heurts ? Vital Kamerhe préparera-t-il sa revanche dans l’ombre ?
Le plus évident est que l’équilibre précaire du pouvoir à Kinshasa vient de connaître une secousse dont les répliques pourraient être imprévisibles.
Econews

