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Revirement à Washington sur la crise dans l’Est : Plutôt un «Dialogue national » qu’un accord avec Kigali

L’administration américaine opère un virage stratégique significatif dans son approche de la crise sécuritaire qui déchire l’Est de la République Démocratique du Congo. Alors qu’elle avait parrainé avec force l’accord du 27 juin 2025 entre Kinshasa et Kigali, Washington semble aujourd’hui privilégier une solution purement congolaise à ce conflit, au grand dam des espoirs entretenus par le gouvernement congolais. La réorientation américaine a été formulée sans ambages par Massad Boulos, conseiller Afrique de Donald Trump, lors d’une rencontre avec la presse à New York. « La crise actuelle en RDC doit être considérée comme un conflit intercongolais », a-t-il déclaré, marquant une rupture nette avec l’approche régionale qui prévalait jusqu’ici. Ce nouveau positionnement ramène essentiellement le problème de l’Est de la RDC à une crise entre Congolais, minimisant l’influence extérieure, notamment rwandaise, pourtant longuement dénoncée par Kinshasa. « Seul un dialogue inclusif entre Congolais pourra ouvrir la voie à une paix durable », a insisté Boulos, appelant implicitement Kinshasa à « assumer sa part de responsabilité ».

Le récent changement de ton de l’administration américaine sur la crise de l’Est de la RDC devrait être analysé comme un coup de semonce stratégique. En qualifiant soudainement le conflit d’intercongolais et en prônant un dialogue national, Washington opère un revirement diplomatique qui sonne comme un désaveu pour la stratégie jusqu’ici défendue par Kinshasa.

Il y a à peine quelques mois, les États-Unis parrainaient un accord entre la RDC et le Rwanda, actant par là même la dimension régionale du conflit. Aujourd’hui, le conseiller Afrique de Trump, Massad Boulos, renvoie dos à dos Kinshasa et Kigali en estimant que « la crise congolaise est avant tout congolaise ». Ce repositionnement n’est pas anodin : il traduit la lassitude de Washington face à l’incapacité persistante des acteurs régionaux à résoudre une crise dont les racines plongent profondément dans les défaillances internes du Congo.

Une vérité qui dérange

Derrière la froideur diplomatique de ce changement de cap se cache une réalité que Kinshasa ne peut plus éluder : après trente ans de conflits cycliques, la communauté internationale commence à douter de la thèse commode qui fait du Rwanda l’unique responsable de tous les maux congolais. En appelant Kinshasa à « assumer sa part de responsabilité », Washington pointe du doigt l’absence de gouvernance crédible dans les territoires de l’Est de la RDC, la persistance des corruptions multiformes et l’incapacité à construire une armée nationale véritablement républicaine.

En faisant de l’accord de Doha la pièce manquante du puzzle, les Américains enferment paradoxalement la RDC dans une impasse. Comment croire qu’un dialogue avec les groupes armés pourrait aboutir sans une réelle volonté politique de s’attaquer aux causes structurelles du conflit ? La délégation sécuritaire dépêchée en urgence à Washington par Kinshasa témoigne de la panique qui s’empare des autorités congolaises, conscientes que le parapluie américain pourrait se refermer plus vite que prévu.

L’heure des choix

Ce revirement américain devrait pourtant être perçu comme une opportunité historique. Plutôt que de chercher désespérément à préserver une coopération sécuritaire vouée à l’échec sans réformes profondes, le gouvernement congolais ferait mieux d’entendre le message sous-jacent : le salut du Congo ne viendra que des Congolais eux-mêmes.

La construction d’un État de droit, la réforme en profondeur de l’armée, la lutte contre l’impunité et la corruption, et l’établissement d’un dialogue national véritablement inclusif – au-delà des seuls groupes armés – constituent l’unique voie vers une paix durable. Washington, en se retirant du premier plan, offre à la RDC la chance de reprendre son destin en main. Reste à savoir si la classe politique congolaise saura saisir cette occasion ou continuera à se complaire dans le rôle confortable de victime géostratégique.

Le temps des solutions miracles importées est révolu. Celui des responsabilités congolaises commence.

Econews