Le franc congolais affiche une santé insolente en ce mois de septembre. Une appréciation de plus de 7% face au dollar américain, voilà un chiffre qui, sur le papier, devrait annoncer des jours meilleurs pour l’économie et le portefeuille des Congolais. Pourtant, sur le terrain, cette embellie monétaire ressemble à un mirage. Loin de se traduire par un soulagement dans les ménages, elle crée une situation paradoxale et anxiogène : le dollar s’effondre, mais les prix, eux, résistent farouchement. Le panier de la ménagère, ce baromètre incontestable de la vie chère, reste désespérément lourd. Cette schizophrénie économique révèle une vérité crue : la bataille des changes se joue dans les bureaux climatisés des institutions, mais elle se perd dans la rue, sur les étals des marchés. Le Gouvernement et la Banque Centrale du Congo peuvent se féliciter d’avoir raffermi la monnaie nationale, un effort qui a nécessité de puiser précieusement dans les réserves internationales à hauteur de 50 millions de dollars. Mais à quel prix ? On assiste désormais à une déconnexion dangereuse entre les indicateurs macroéconomiques et la microéconomie du quotidien.
Le mois de septembre s’achève sur une performance remarquable pour le Franc Congolais (FC). En quelques semaines seulement, la devise nationale a connu une appréciation impressionnante de plus de 7 % face au dollar américain. Une embellie que le Gouvernement attribue à une « bonne coordination » avec la Banque Centrale du Congo (BCC).
Cependant, l’analyse des experts est plus nuancée : cette poussée positive est largement due à l’injection massive d’environ 50 millions USD dans le marché par la BCC, puisée dans les réserves internationales du pays pour raffermir le FC. Pour certains économistes, il ne s’agit là que d’une mesure conjoncturelle dont l’impact durable est sérieusement remis en question, faisant craindre un prochain retournement de situation.
Le pouvoir d’achat miné par l’inertie des prix
Si l’avancée du franc congolais sur le marché parallèle est indéniable – la parité FC/USD plongeant dans une profonde incertitude – l’effet de cette appréciation reste mitigé, voire inexistant, sur le panier de la ménagère.
Malgré la chute du dollar, les prix intérieurs résistent pratiquement et stagnent à leur niveau habituel, celui qu’ils atteignaient lorsque le dollar US dépassait encore largement la barre des 2.800 FC. Dans ce contexte de prix totalement inélastiques à la baisse, le pouvoir d’achat du Congolais se retrouve doublement rogné : par un taux de change plus fort, mais qui ne se reflète pas dans les étiquettes des marchés.
Les autorités pointent du doigt la « volonté délibérée des spéculateurs ». Si ce facteur n’est pas à négliger, il ne saurait servir d’explication unique à un phénomène aussi structurel. La véritable raison réside dans un marché intérieur ankylosé, victime d’un cycle inflationniste profond et d’une défiance généralisée. Les commerçants, brûlés par des années de volatilité, se refusent à ajuster leurs prix à la baisse, craignant un retour de bâton du « roi dollar » que tous les experts annoncent comme inévitable. Cette anticipation d’un futur revirement paralyse les bienfaits potentiels du présent.
Désarroi dans les ménages
Le résultat est un carnage silencieux pour le pouvoir d’achat des Congolais. Leur revenu, libellé en francs congolais, ne vaut soudainement plus grand-chose face à des produits dont les prix restent indexés sur un dollar fantôme, celui d’hier. Cette situation érode davantage la confiance déjà fragile des populations et expose les limites d’une politique monétaire qui, si elle est nécessaire, reste insuffisante si elle n’est pas accompagnée de mesures structurelles fortes.
Il est urgent de comprendre que la valeur d’une monnaie ne se mesure pas seulement à son taux de change, mais à ce qu’elle permet d’acheter. La force du franc congolais sera véritablement démontrée le jour où son appréciation se traduira par une baisse du prix de la farine, de l’huile et du savon.
En attendant, le Gouvernement doit impérativement passer de la bataille du change à la guerre contre la vie chère, en s’attaquant aux véritables goulets d’étranglement qui maintiennent les prix artificiellement haut. Sans cela, cette victoire monétaire restera une coquille vide, une illusion qui continue de saigner le peuple congolais.
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