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Kinshasa assume sa cohérence stratégique et place la paix avant l’intégration économique régionale

Alors que les regards diplomatiques étaient tournés vers Washington, la République Démocratique du Congo (RDC) a choisi, pour l’instant, de ne pas parapher le document fondateur du cadre d’intégration économique régionale. Cette décision, qui a surpris certains partenaires, traduit selon Kinshasa une «cohérence stratégique» dans un contexte sécuritaire encore volatil dans l’Est du pays.

Patrick Muyaya, ministre de la Communication et Médias ainsi que porte-parole du Gouvernement, a justifié cette position lors d’un briefing spécial tenu à Kinshasa sous le thème : «Cohérence stratégique de la RDC : la paix comme préalable à l’intégration économique régionale».

LA PAIX COMME FONDEMENT DE TOUTE INTEGRATION DURABLE

Dans son exposé, Patrick Muyaya a rappelé la ligne directrice du Président Félix Tshisekedi : aucun développement économique ne peut s’enraciner dans l’instabilité.

«Le Président a toujours été clair : on ne bâtit pas l’intégration sur des ruines. La paix, la stabilité et la souveraineté nationale sont les conditions préalables à tout cadre économique solide », a-t-il martelé.

Pour le ministre, la décision de temporiser n’est pas un désengagement, mais une manière d’affirmer la vision du Chef de l’État.

«Nous n’avons pas signé parce que les conditions de paix ne sont pas réunies sur le terrain. C’est une position cohérente, fondée sur la vision du Président Tshisekedi», a-t-il insisté.

Ainsi, au-delà du symbole diplomatique, Kinshasa affirme une position de principe : la paix d’abord, l’économie ensuite.

UNE DIPLOMATIE DE RESPONSABILITE ET DE LUCIDITE

Patrick Muyaya a replacé cette décision dans la logique d’une diplomatie réaliste et souveraine. Il a rappelé que, lors de la dernière Assemblée générale des Nations unies, le Président Tshisekedi avait réaffirmé la volonté du pays d’agir pour la paix et de faire reconnaître le génocide perpétré sur le sol congolais.

«L’élection de la RDC comme membre non permanent du Conseil de sécurité traduit la reconnaissance internationale d’un pays qui défend une approche de paix durable avant toute intégration économique», a expliqué le porte-parole du Gouvernement.

Selon lui, cette cohérence diplomatique incarne la maturité politique d’un État qui refuse la complaisance.

«La cohérence n’est pas la complaisance », a-t-il répété, soulignant que le Chef de l’État place la sécurité des Congolais au cœur de son action diplomatique.

WASHINGTON : UN ENGAGEMENT SOUS CONDITIONS DE SECURITE

Revenant sur le processus dit de Washington, Patrick Muyaya a précisé que la RDC reste engagée, mais dans un cadre conditionné par des impératifs sécuritaires clairs.

«Le mécanisme conjoint de coordination et le comité de surveillance fonctionnent déjà. Ils visent à garantir le retrait des troupes rwandaises, la levée des mesures dites de défense et la cessation du soutien au M23. Ces éléments constituent pour nous des conditions non négociables», a-t-il insisté.

Le ministre a expliqué que l’ordre opérationnel adopté à Washington prévoit une mise en œuvre par phases : d’abord le retrait des troupes étrangères, ensuite la restauration complète de la souveraineté nationale.

«Ce n’est qu’à cette étape que nous pourrons envisager sereinement un cadre économique régional. Nous voulons un partenariat fondé sur la réalité, pas sur l’illusion », a-t-il ajouté.

UNE POSTURE DE COHERENCE, NON D’ISOLEMENT

Patrick Muyaya a tenu à clarifier que Kinshasa ne se retire pas du processus d’intégration.

«Il aurait été mal compris par notre population que nous signions un cadre économique alors que notre souveraineté n’est pas encore restaurée. Ce n’est pas un refus de collaborer, c’est un acte de responsabilité», a-t-il expliqué.

Il a également rappelé que le chapitre 6 de l’accord conditionne explicitement la mise en place du cadre d’intégration économique à la stabilité politique et à la paix.

«Dans tous les textes, la paix vient toujours en premier. Elle n’est pas un slogan, mais une exigence logique. Ce que nous vivons depuis juin ne correspond pas encore à l’esprit de cet accord», a-t-il observé.

UNE VISION FERME TOURNEE VERS L’AVENIR

Le ministre a annoncé la tenue de nouvelles rencontres diplomatiques «dans la troisième semaine d’octobre», afin d’évaluer le respect des engagements sécuritaires, notamment du côté du Rwanda.

«Si l’ordre opérationnel s’applique comme prévu, nous verrons enfin les conditions de paix se matérialiser. Alors, oui, nous pourrons parler d’économie, d’échanges et de développement. Mais pour l’instant, notre priorité, c’est la paix », a-t-il conclu.

En maintenant cette ligne de conduite, la RDC entend prouver qu’elle ne cède ni à la hâte ni à la pression internationale. Pour Kinshasa, la paix n’est pas un préalable symbolique, mais une exigence de souveraineté. C’est sur cette base que le pays espère bâtir une intégration économique véritablement durable et équitable.

Tighana MASIALA