L’appel à la «paix des braves», lancé par le Président de la République, Félix Tshisekedi, à son homologue rwandais Paul Kagame pour mettre fin aux violences dans l’Est de la RDC, a visiblement échoué. Le Chef de la diplomatie rwandaise, Olivier Nduhungirehe, a rejeté l’offre de Kinshasa avec une virulence rare sur son compte X, déclarant que le Rwanda n’est «vraiment pas intéressé à participer à cette ‘commedia dell’arte’» et accusant Kinshasa de bloquer les processus de paix en cours à Washington et à Doha. Face à la diaspora belge, le Président Félix Tshisekedi a cependant défendu sa démarche comme un acte de «noblesse» et non de «faiblesse», tout en affirmant qu’il attendait toujours une offre de paix de la part de Kigali. Ce rejet cinglant laisse craindre un regain de tensions et la poursuite du cycle de violence alimenté par la rébellion de l’AFC-M23, totalement portée par Kigali.
La tentative de rapprochement du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, envers son homologue rwandais Paul Kagame a tourné court. Lancé depuis la capitale belge, l’appel à la «paix des braves» s’est heurté à un mur de dérision de la part de Kigali, creusant un peu plus le fossé diplomatique entre les deux pays et assombrissant les perspectives de paix dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
A l’appel à la «paix des braves » de Félix Tshisekedi, les autorités rwandaises ont opposé un refus catégorique, qualifiant cette ouverture de «commedia dell’arte» et de «cinéma politique», creusant un peu plus le fossé diplomatique entre les deux nations.
LE PARI DIPLOMATIQUE DE TSHISEKEDI
C’est depuis la capitale européenne que le Président Tshisekedi a choisi de tendre la main à son homologue Paul Kagame. Devant un parterre de diplomates et lors d’un échange franc avec la diaspora congolaise, le chef de l’État a détaillé sa vision d’une résolution pacifique du conflit qui ravage l’Est de son pays depuis plus de deux décennies.
«Les aigris, les ignorants, laissez-les parler. Nous, nous savons ce que nous faisons », a déclaré le Président Tshisekedi, dans un discours vibrant devant la communauté congolaise de Belgique.
Et de rassurer : «Je peux vous garantir qu’en aucun moment je ne trahirai mon pays ni mon peuple. Surtout, ce que vous devez savoir, faire la paix, ce n’est pas une faiblesse. Croyezmoi, je suis très loin d’être faible.
Je crois que j’ai réussi à le prouver à plusieurs reprises ».
Le Chef de l’Etat a longuement justifié sa démarche, la présentant comme un acte de courage politique nécessaire pour sortir le pays de l’impasse sécuritaire : « Si aujourd’hui on parle sanctions, médiation africaine, américaine et qatarienne, je crois que c’est grâce quelque part à ce que j’ai réussi à faire. Ce n’est pas du tout une faiblesse, au contraire, c’est une noblesse de savoir faire la paix des braves. Je l’ai proposée.
J’attends la réponse ».
LA REPONSE CINGLANTE DE KIGALI
La réponse rwandaise n’a pas tardé, et elle a été sans appel. Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, Kigali a rejeté avec mépris l’initiative congolaise. Dans une série de publications sur le réseau X (anciennement Twitter), le chef de la diplomatie rwandaise a taclé vertement le Président Tshisekedi.
«Il pourra toujours attendre jusqu’aux calendes grecques, car le Rwanda n’est vraiment pas intéressé à participer à cette ‘commedia dell’arte’ improvisée, destinée à un public congolais et international non averti », a écrit le ministre rwandais, avant de renvoyer la balle dans le camp congolais.
«C’est plutôt le médiateur américain qui attend toujours que le Président Tshisekedi revienne sur sa décision de rejeter le Cadre régional d’intégration économique (REIF), pourtant approuvé par la délégation congolaise à Washington le 3 octobre 2025 ».
Dans une déclaration antérieure à Bruxelles, le ministre rwandais avait été tout aussi direct : «C’est quand même assez consternant de voir un chef d’État qui est en train d’abuser d’un forum ou d’un podium qui est destiné à la coopération entre l’Union européenne et les pays africains pour en faire une tribune pour faire du cinéma politique».
Interrogé sur la main tendue du président congolais, il avait ajouté : «Mais de quelle main tendue parlez-vous ? Moi, je vous ai dit que c’est du cinéma politique, puisque le Président Tshisekedi sait lui-même qu’il y a déjà un accord qui a été signé, mais que c’est lui qui viole cet accord ».
UN CONTEXTE SECURITAIRE DEGRADE
Cette passe d’armes diplomatique intervient dans un contexte sécuritaire extrêmement préoccupant dans l’Est de la RDC.
La rébellion du M23, activement soutenue, selon les experts de l’ONU et les autorités congolaises, par le Rwanda, connaît une recrudescence d’activités militaires.
Les combats se sont intensifiés ces dernières semaines dans les territoires du Nord-Kivu, provoquant de nouveaux déplacements massifs de populations civiles.
Les observateurs régionaux notent avec inquiétude que le langage utilisé par les deux camps est particulièrement belliqueux, laissant peu de place à un éventuel compromis à court terme. «Le ton employé par le ministre rwandais est particulièrement agressif et méprisant, ce qui ne présage rien
de bon pour les prochaines étapes », analyse un diplomate africain sous couvert d’anonymat.
LES MEDIATIONS INTERNATIONALES DANS L’IMPASSE
La crise actuelle met également en lumière les limites des multiples médiations internationales déployées pour résoudre ce conflit. Le processus de Luanda, piloté par l’Angola, semble au point mort. La médiation qatarienne, évoquée par les deux parties, peine à produire des résultats tangibles. Quant au cadre américain, il se heurte à l’opposition ferme de Kinshasa qui conteste certains de ses termes.
Le Président Tshisekedi, dans ses propos à la diaspora congolaise de Belgique, a semblé miser sur une approche plus directe, bilatérale, contournant les médiateurs traditionnels. «Je sais que ça a troublé, je ne tiens pas compte de ce qui est sorti, je sais qu’ils vont réfléchir et ils vont réfléchir et vont me faire une offre et c’est ce que j’attends », a-t-il affirmé, affichant une confiance qui contraste avec le rejet catégorique de Kigali.
PERSPECTIVES INQUIETANTES
Pour les populations civiles du Nord-Kivu, cette impasse diplomatique se traduit par une prolongation de leurs souffrances.
Des milliers de familles continuent de fuir les combats, vivant dans des conditions précaires dans des camps de déplacés surpeuplés, tandis que les violations des droits de l’homme se multiplient.
La balle est désormais dans le camp de la communauté internationale, qui peine à trouver une solution viable. L’Union européenne, par la voix de son haut représentant pour les Affaires étrangères, a appelé les deux parties à «la retenue et au dialogue », sans toutefois proposer de cadre concret pour briser l’impasse actuelle.
Alors que les canaux diplomatiques semblent se boucher les uns après les autres, la crainte d’une régionalisation du conflit grandit, avec des conséquences potentiellement dévastatrices pour toute l’Afrique des Grands Lacs. La «main tendue» de Kinshasa est pour l’instant restée sans réponse positive, laissant place au bruit des armes qui continue de retentir dans les collines du Kivu.
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