Je ne partage pas du tout le point de vue de certains économistes. Pourquoi accuser le Gouverneur de la BCC (Banque Centrale du Congo). La sur-réaction (sur-appréciation ou sur-dépréciation) de la monnaie face à un choc monétaire de forte ampleur est un phénomène économique bien connu et confirmé par les théories monétaires et les études empiriques (cfr. le modèle de Dornbush, 78). Et si ce choc est internalisé par les agents comme crédible (ici les agents savent que la BCC dispose d’un matelas de 7 milliards USD de réserves pouvant être activé à tout moment), alors la monnaie va se sur-apprécier.
C’est un bon signal pour casser définitivement les anticipations inflationnistes des agents ancrées depuis des décennies, dans le contexte d’une économie fortement dollarisée. La dollarisation a fait beaucoup de tords à notre économie. La BCC et notre Gouverneur doivent continuer à appuyer sur la pédale pour marquer le Congolais et le sortir de tout dollar. Certes, pour un temps, les prix sur les marchés des biens et services resteront rigides. Quoi de plus normal, car les coûts de production engagés pour produire les biens actuellement en transactions sur le marché l’ont été en USD, évalués au taux antérieur.
Contraindre les opérateurs à réduire les prix des biens susvisés serait plus catastrophique à l’économie que de le laisser momentanément. Au fur et à mesure de l’épuisement des présents stocks, les prix vont se réajuster progressivement, amenant le taux de change à son niveau d’équilibre (E=P/P*).
Il importe maintenant que les experts de la BCC puissent calculer ce taux de change d’équilibre, et re- intervenir sur le marché pour accélérer ou contrôler l’acheminement du taux de change à sa valeur d’équilibre.
La BCC ne doit donc pas céder aux sirènes des pseudos économistes. Elle doit continuer à contrôler le processus de réajustement du taux de change jusqu’à pousser les Congolais à se défaire du dollar US, qui plombe l’efficacité de la politique monétaire et de crédit, et donc de l’économie. La monnaie nationale doit retrouver toutes ses fonctions (de réserve de valeur, d’unité de compte, et d’instrument d’échange).
Quant au prétendu appauvrissement de la population. Qui s’appauvrit en réalité ? Est-ce les 74,5% de la population vivant au seuil de la pauvreté de 2,1 USD par jour ou les 85 % vivant dans la pauvreté extrême, nouvellement calculée par la Banque mondiale au seuil de 3,0 USD. Pas eux, évidemment, car ils ne peuvent pas subir de pertes en capital qu’ils n’en ont pas. C’est plutôt les 5% des riches (prédateurs, corrompus, voleurs, ou spéculateurs) qui détiennent d’immenses réserves en dollar qui vont connaître les pertes en capital.
S’agissant des pertes du pouvoir d’achat qui frappe les pauvres, liés à la rigidité à la baisse des prix sur les marchés des biens et services, cette perte sera de courte durée, le temps que les prix s’ajustent par les forces du marché et le taux de change aille vers sa valeur d’équilibre.
Jean Amisi (CP)

