1103 21

Boji Sangara au perchoir de l’AN sans l’accord de l’UNC : L’Union sacrée pousse Kamerhe à la faute

L’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe, qui attendait la validation de son candidat officiel, Jean-Baudouin Mayo Mambeke, pour la succession à la présidence de l’Assemblée nationale, se retrouve face à un coup de théâtre. Le Chef de l’État a préféré Boji Sangara, pourtant en froid avec les instances de l’UNC, pour succéder à Vital Kamerhe. Cette décision, intervenue après la démission de Kamerhe, est interprétée au sein de l’UNC comme un sabotage et un message clair signifiant que Vital Kamerhe n’aurait plus sa place au sein de l’Union sacrée de la nation (USN), la majorité au pouvoir. Alors que Boji Sangara, désormais député national, se lance dans la course au perchoir, un bras de fer semble s’engager entre l’UDPS/Tshisekedi et l’UNC, partenaire de poids de l’alliance au pouvoir.

L’hémicycle de l’Assemblée nationale est le théâtre d’une recomposition politique majeure, aux allures de règlement de comptes. La démission de Vital Kamerhe de la présidence de l’institution, suite à la motion de défiance lancée contre lui, a ouvert une crise de succession que beaucoup anticipaient serrée, mais dont l’issue révèle une fracture profonde au sein de la majorité présidentielle. Contre toute attente et, surtout, contre le vœu de son propre parti, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), c’est Boji Sangara, l’actuel Ministre d’État en charge de l’Industrie, qui a reçu l’onction du Président de la République, Félix Tshisekedi, pour occuper le perchoir.

Cette décision, tombée comme un couperet, a provoqué un séisme politique à l’UNC. Le parti de Vital Kamerhe, discipline de fer et allié historique du pouvoir, attendait pourtant le feu vert traditionnel du Chef de l’État, considéré comme le chef de file de l’Union Sacrée de la Nation (USN), pour officialiser la candidature de son poulain déclaré, Jean-Baudouin Mayo Mambeke. Le « feedback » reçu du Palais de la Nation n’a pas été celui escompté. Il constitue, aux yeux de nombreux cadres de l’UNC, une rebuffade cinglante et un acte de défiance calculé.

Le choix de la rupture : Boji Sangara, épine dans le pied de Kamerhe

Le message porté par la nomination de Boji Sangara est limpide pour tous les initiés. L’actuel Ministre d’État, bien que nommé au Gouvernement sur le quota de l’UNC, n’était plus en odeur de sainteté avec les instances dirigeantes de son parti depuis plusieurs mois. Évoluant en « électron libre », il s’était progressivement affranchi de l’influence tutélaire de Vital Kamerhe. Le choisir pour succéder à ce dernier à un poste aussi symbolique que la présidence de l’Assemblée nationale est bien plus qu’une nomination; c’est une déclaration de guerre politique.

«En jetant son dévolu sur Boji Sangara, le Président de la République et Haute autorité politique de l’USN envoie un message clair et net au leader de l’UNC : il n’a plus de place dans le cercle restreint du pouvoir », analyse un député de la majorité sous couvert d’anonymat.

Cette manœuvre est largement interprétée comme une tentative de pousser Vital Kamerhe à la faute, de l’acculer à une réaction qui justifierait son éviction définitive de l’appareil d’État. Le pouvoir, semble-t-il, n’en veut plus.

Une mise en scène parfaitement réglée

La rapidité et la précision avec laquelle cette transition a été orchestrée confirment qu’il s’agit d’un plan longuement mûri. Dès lundi, Boji Sangara a déposé sa démission de ses fonctions de Ministre d’État, une formalité obligatoire pour toute candidature au bureau de l’Assemblée. Dès le lendemain, mardi, il a réintégré son siège de député national, élu de Walungu, lui ouvrant ainsi légalement et grandement les portes du perchoir.

«Tout a été réglé comme une horloge suisse », constate amèrement un cadre de l’UNC, soulignant l’efficacité d’une machinerie politique qui a court-circuité son propre parti.

Un bras de fer historique s’engage

La balle est désormais dans le camp de Vital Kamerhe. Le choix de Boji Sangara est une façon élégante de le contraindre à partir de lui-même, à quitter une majorité où il se sentirait marginalisé et humilié. Mais l’homme est un animal politique averti, un stratège aguerri qui a survécu à de nombreuses tempêtes. Il n’est pas certain qu’il cède aussi facilement à ce qui ressemble à une provocation.

Un bras de fer, dont l’issue est incertaine, s’installe donc entre l’UDPS, parti présidentiel maître de l’échiquier, et l’UNC, le parti de Vital Kamerhe – le même qui, il est utile de le rappeler, a contribué de manière décisive à la victoire de Félix Tshisekedi à la présidentielle de décembre 2018.

Cette crise dépasse la simple querelle de personnes. Elle questionne la nature même de l’Union Sacrée de la Nation, révélant ses fragilités et les ambitions contradictoires qui la traversent. La suite des événements montrera si l’UNC accepte cette humiliation ou si elle est prête à se rebeller, au risque d’ébranler les fondations de la majorité présidentielle.

La bataille pour le perchoir n’est que la partie émergée d’une lutte bien plus vaste pour le contrôle de l’après-Tshisekedi.

Econews