La date du 21 octobre 2025 marque le début de la détention de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy. Reconnu coupable d’association de malfaiteurs dans l’affaire dite « du financement libyen » de sa campagne de 2007 et condamné à cinq ans de prison ferme, l’ancien fringant leader de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) n’aura donc pas su éviter la case prison. Un événement inédit, hautement symbolique, dont la portée dépasse largement les frontières françaises, notamment en Afrique où les peuples gardent encore l’amer souvenir des pratiques obscures de la Françafrique. Malgré que Nicolas Sarkozy semblait avoir l’intention de s’en éloigner, il n’a fait, pratiquement, que poursuivre la politique de ses prédécesseurs. L’impression de nombreux Africains est qu’il paie les péchés accumulés sur leur dos.
La chute de Nicolas Sarkozy, incarcéré à la prison de la Santé, a tout de la parabole mythologique : l’homme qui s’est adonné à l’hurbis voit s’abattre sur lui le courroux de Némésis, déesse de la vengeance. Au sommet de sa gloire, de 2007 à 2012, l’ancien président français s’est bien cru tout-puissant : « L’État, c’est moi », semblait-il clamer à la façon d’un Louis XIV. Carla Bruni au bras, il avait tout misé sur une seule carte, et il semblait avoir gagné.
Plus encore que la plupart des personnalités politiques, Nicolas Sarkozy était convaincu que la fin (sa propre ascension à l’Élysée) justifiait les moyens, tous les moyens. D’autres présidents français, avant lui, se sont crus au-dessus des lois : le général de Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac (qui fut lui aussi condamné par la justice, mais à la toute fin de sa vie).
Aucun cependant n’a fait preuve d’aussi peu de scrupules et de tant d’audace que Nicolas Sarkozy dans sa quête de pouvoir déguisée sous les atours de la raison d’État. Peut-être était-il convaincu, étant lui-même un avocat rompu au métier, qu’il trouverait toujours une défense plausible. Même dans l’affaire libyenne, il a été acquitté des trois des quatre chefs d’inculpation retenus contre lui.
TOUS ÉGAUX DEVANT LA LOI
La métaphore du coup de tonnerre est souvent utilisée, pour ne pas dire galvaudée. Mais pas cette fois. Le verdict dans le jugement de l’ancien président, Nicolas Sarkozy, est bien un coup de tonnerre dans une France souvent orageuse, et c’est historique. Que d’affaires criminelles, que de scandales que ce pays a-t-il donc vécus tout au long de son histoire. Y compris et surtout dans le monde politique.
Et pourtant, la condamnation à la prison d’un ancien chef de l’État pour association de malfaiteurs, lesquels souhaitaient s’attirer les faveurs et l’argent du président libyen, Mouammar Kadhafi, ainsi que l’a établi le tribunal de Paris, c’est vraiment énorme : des « faits d’une gravité exceptionnelle », selon les juges, qui justifient la sévérité de la condamnation. Et cela le sera plus encore avec la décision de la juge, Nathalie Gavarino, qui a réclamé que l’application de la peine soit immédiate ou presque.
L’ancien chef de l’État, dont la peine est assortie d’un mandat de dépôt à effet différé et d’une exécution provisoire, est donc incarcéré à la prison de la Santé, même s’il a fait appel du jugement. Ce qui signifie qu’il « devra peut-être comparaître lors de son procès en appel avec des menottes.
La question que l’on peut se poser est la suivante : combien de temps Nicolas Sarkozy, 70 ans, ancien président de la République, qui ne représente aucun danger pour les Français, et est susceptible d’être menacé à chaque instant, va-t-il rester en prison ? A peine leur client derrière les barreaux, ses avocats ont déposé une demande de mise en liberté (DML). Elle devrait être examinée dans un délai de trois à quatre semaines. Mais le signal envoyé est déjà essentiel : tous égaux devant la loi.
L’ancien président a fait appel de son jugement, pour, selon ses mots, dénoncer une « injustice » et un jugement d’une « gravité extrême pour l’État de droit ». Il y voit également un « acharnement motivé par la ‘haine’ des magistrats envers les politiciens de droite », Et justement, dès l’annonce du verdict, c’est la tête de file de l’extrême droite française, Marine Le Pen, elle-même condamnée à l’inéligibilité avec exécution provisoire pour corruption, qui s’est dite inquiète de « la généralisation de l’exécution provisoire par certaines juridictions ».
Nicolas Sarkozy crie à l’injustice, mais la justice française, elle, « hurle » que l’impunité qui protège les politiciens français n’a que trop duré. C’est peut-être aussi un peu à la sanction d’une époque française (révolue, espère-t-on) que l’on a assisté, le 25 septembre dernier. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, l’accumulation de comportements immoraux à ce niveau de responsabilité et d’incarnation symbolique est vertigineuse.
Ainsi, l’argument selon lequel « tout le monde a toujours fait comme ça », invoqué encore cette année par le Rassemblement national (RN), le parti de Marine Le Pen, à l’occasion du procès dit « des emplois fictifs du Front national » ne tient plus. Hélas pour eux, Sarkozy et Le Pen « prennent peut-être pour tous les autres », mais heureusement pour les Français, « ce jugement est aussi la condamnation d’une époque par une autre ».
Le nom de Nicolas Sarkozy n’est pas seulement celui d’un ancien président de la République et de l’une des figures politiques les plus célèbres de France, mais aussi d’un condamné, à l’instar de Marine Le Pen, Jacques Chirac, François Fillon, Nicolas Sarkozy…Le pays est riche, très riche en responsables politiques délinquants.
LES PÉCHÉS ACCUMULÉS
En Afrique, cette chute suscite un intérêt particulier, tant les rapports entre Nicolas Sarkozy et le continent noir furent faits d’arrogance, de promesses trahies et de blessures encore ouvertes. Lui qui, le premier, promettait de rompre avec la Françafrique, se retrouve pris au piège d’une affaire libyenne qui le fait passer, ironie du sort, pour l’un des plus fidèles héritiers de ce système qu’il jurait de démanteler.
Il faut dire qu’en Afrique, Nicolas Sarkozy ne laisse pas beaucoup d’amis derrière lui. Pour autant, personne n’aurait imaginé le voir un jour derrière les barreaux. Après tout, les puissants des pays puissants échappent souvent à la reddition des comptes, même pour leurs fautes les plus graves. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à nombre d’Africains que Nicolas Sarkozy paie, aujourd’hui, les péchés accumulés sur le dos du continent.
Durant sa présidence, Nicolas Sarkozy aura multiplié les maladresses et les provocations à l’égard de l’Afrique. Son fameux discours de Dakar en juillet 2007, où il affirmait, péremptoire et un brin provocateur, que « l’homme africain n’était pas assez entré dans l’histoire », reste à ce jour une blessure symbolique, révélatrice de sa méconnaissance des réalités africaines et de son manque d’humilité. Derrière son prétendu franc-parler se cachait un mépris à peine voilé.
Nicolas Sarkozy, c’est aussi une série de promesses non tenues. Qu’il s’agisse de la réduction de l’empreinte militaire sur le continent ou de ses liens avec certains régimes autoritaires, qu’il aura défendus au détriment des droits humains et de l’idéal démocratique, il aura surtout prolongé les pratiques obscures de la Françafrique qu’il prétendait combattre. Candidat, il avait posé les bons diagnostics ; président, il s’est montré incapable d’appliquer les remèdes nécessaires.
UNE FORME DE JUSTICE MORALE
Mais le plus lourd de ses héritages reste incontestablement son intervention militaire en Libye et la mort de Mouammar Kadhafi. Cette décision, motivée autant par des calculs géopolitiques que par des ambitions personnelles, incarne à elle seule la persistance du reflexe françafricain. Beaucoup d’Africains ne lui ont jamais pardonné cet épisode tragique, non seulement pour la disparition d’un dirigeant perçu, à tort ou à raison, comme un symbole d’émancipation africaine, mais aussi pour le chaos que cette guerre a engendré. Le démantèlement de l’État libyen ayant favorisé la prolifération des armes et l’essor des groupes terroristes, plongeant le Sahel dans une insécurité chronique dont les peuples paient encore, aujourd’hui, le prix fort.
En définitive, l’incarcération de Nicolas Sarkozy, si elle relève d’une procédure judiciaire française, résonne comme une forme de justice morale aux yeux de nombreux Africains. Pour tous les torts qu’il a semés sur les terres africaines, son emprisonnement apparaît donc presque comme un retour du destin.
Espérons simplement que, la solitude carcérale aidant, il en profitera pour méditer sur l’ensemble des actes qu’il aura posés, notamment à l’égard de l’Afrique. Peut-être en émergera-t-il enrichi d’une certaine sagesse. N’est-ce pas, d’ailleurs, la philosophie même de la prison : corriger en l’humain ses tares ?
Le livre « La biographie de Jésus » écrit par l’historien Jean-Christophe Petitfils, qu’il a emporté avec lui dans sa cellule de la prison de la Santé, pourrait l’aider à soulager le stress et lui apporter un sentiment de bien-être et de satisfaction.
Robert Kongo (CP)

