La Conférence humanitaire sur la région des Grands Lacs, convoquée par le président français Emmanuel Macron ce jeudi 30 octobre, a été marquée par une absence de taille qui en souligne la portée limitée. Alors que l’événement visait à mobiliser l’aide pour l’Est de la RDC, les figures clés de la région, notamment les présidents rwandais Paul Kagame et ougandais Yoweri Museveni, n’ont pas répondu à l’appel. Seuls le Président Félix Tshisekedi de la RDC et le facilitateur de l’Union africaine, le Togolais Faure Gnassingbé, ont fait le déplacement. Ce boycott de vrais tireurs de ficelles du conflit soulève de sérieuses interrogations sur l’efficacité de l’initiative parisienne, d’autant que les processus de paix sont déjà activement menés par Washington et Doha. Malgré la bonne volonté affichée, cette conférence humanitaire de Paris semble avoir manqué son objectif de rassembler les acteurs incontournables pour une solution politique durable.
Ils étaient les invités de marque, les acteurs sans lesquels aucune résolution durable de la crise dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) n’est envisageable. Pourtant, jeudi 30 octobre, les présidents rwandais Paul Kagame, ougandais Yoweri Museveni et burundais Evariste Ndayishimiye ont brillé par leur absence à la conférence humanitaire sur les Grands Lacs, convoquée par le président français Emmanuel Macron.
Alors que Washington et Doha avaient déjà pris une longueur d’avance dans les efforts de médiation, Paris espérait, à travers ce volet humanitaire, apporter sa contribution et affirmer son influence dans une région en proie à des conflits depuis trois décennies. Mais l’initiative française, malgré sa «bonne foi», selon les termes des observateurs, a accouché d’une souris.
Dans la salle, un seul chef d’État de la région avait fait le déplacement : Félix Tshisekedi de la RDC. À ses côtés, le Président togolais Faure Gnassingbé, désigné facilitateur de l’Union africaine dans cette crise, complétait le tableau des personnalités de premier plan. Une représentation pour le moins limitée, qui en dit long sur le défi de réunir autour d’une même table des parties aux intérêts profondément divergents.
L’absence qui pèse lourd
La crédibilité de la rencontre a été immédiatement minée par les fauteuils vides. Comment, en effet, prétendre adresser les racines d’une crise humanitaire sans convoquer, ou sans parvenir à convaincre, ceux qui sont perçus comme les vrais tireurs de ficelles? L’absence criante de Paul Kagame, dont le Rwanda est régulièrement accusé de soutenir les groupes rebelles dans l’Est congolais, a jeté une ombre sur les discussions. Celle de l’imprévisible Yoweri Museveni et du fidèle allié de Kinshasa, Evariste Ndayishimiye, a confirmé l’isolement diplomatique de la démarche parisienne.
Cette conférence sans les décideurs de premier plan ressemble à un dialogue de sourds, où la victime, la RDC, parle dans une salle presque vide, en l’absence présumée de ses bourreaux.
Un signal faible face à une urgence forte
Si l’objectif affiché était de mobiliser des fonds pour l’aide humanitaire, l’échec politique à rassembler les protagonistes clés risque de réduire l’impact des annonces à un simple cautère sur une jambe de bois. Sans une feuille de route politique contraignante et partagée par tous, l’acheminement de l’aide restera périlleux, et les causes profondes des violences, intactes.
Pour le Président Tshisekedi, cette réception à Paris offrait une tribune pour alerter une nouvelle fois la communauté internationale.
Mais pour le président Macron, cet épisode est un cuisant rappel à la réalité : la complexité géopolitique de la région des Grands Lacs ne se laisse pas apprivoiser par une invitation à Paris. La France, en retard dans ce dossier, devra faire ses preuves sur le terrain de la diplomatie active et de la persuasion, bien au-delà des déclarations de bonnes intentions. La conférence de Paris restera comme celle où les absents avaient raison.
Situation alarmante
Pendant ce temps, divers rapports des instances onusiennes rapportent que le conflit entre l’armée congolaise et les rebelles de l’AFC-M23, soutenus par le Rwanda, a fait plus de deux millions de nouveaux déplacés internes. Ce qui porte à plus de 5,7 millions, le nombre des personnes déplacées en RDC. 90 % des 5,7 millions de déplacés internes congolais se trouvent dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, dans l’Est de la RDC.
Des ONG locales et internationales appellent donc à une action urgente en faveur de la région des Grands Lacs.
Parmi ces organisations figure Action contre la faim, l’ACF. Florian Monnerie, son directeur en RDC, redoute que si rien n’est fait, la crise pourrait s’aggraver dans les prochains mois. Pour lui, «il s’agit de voir, non seulement les conséquences du conflit et comment y faire face, mais aussi de voir quelles sont les causes du conflit et comment travailler avec les populations, avoir la population au centre de la réponse. Ça prend du temps de pouvoir recréer, dans certaines zones, quand elles ont disparu, toutes les actions de paix qui sont nécessaires au niveau local, afin que les humanitaires puissent continuer à fournir l’assistance pour les services de base ».
Le nombre de personnes qui ont besoin d’un soutien humanitaire augmente chaque jour en RDC. L’ACF estime ainsi que près de 30 millions de Congolais sont en insécurité alimentaire et précise qu’un enfant sur deux a besoin d’une aide alimentaire.
Bruno Lemarquis, représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’Onu et coordinateur humanitaire en RDC, rappelle que les femmes doivent être la priorité de l’action conduite sur le terrain : «C’est une crise essentiellement de protection (des femmes), car ce sont elles qui sont les premières victimes de ces crises, constate-t-il. Et c’est une crise de déplacement puisqu’en ce moment, les derniers chiffres qu’on a validés, ce sont 5,7 millions de déplacés internes au Congo. Des besoins vraiment énormes, auxquels les humanitaires font tout pour répondre, mais ils n’ont pas de moyens, surtout maintenant avec les coupes budgétaires ».
Pour les ONG présentes en RDC, la région des Grands lacs traverse l’une des pires crises humanitaires au monde.
Econews

