Lors d’une émission diffusée sur la radio Top Congo FM, animée par Christian Lusakweno et Thierry Kambundi, l’invité du jour, M. José Makila, figure politique proche du Président honoraire Joseph Kabila, a été interpellé sur la question de l’agression dont la République démocratique du Congo est victime.
Au cours d’un échange devenu viral sur les réseaux sociaux, le journaliste Thierry Kambundi lui a posé une question simple : pourquoi tant de réticence, au sein de sa famille politique, à désigner clairement le pays agresseur de la RDC ? Pris de court, M. Makila s’est défendu avec hésitation, affirmant ne pas savoir qui agresse son pays.
Face à cette réponse déconcertante, le journaliste lui a rappelé que même la Résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies établit, dans les faits, que le Rwanda agresse la République démocratique du Congo. Une affirmation aussitôt contestée par certains, qui, de bonne ou de mauvaise foi, ont soutenu que cette résolution ne «mentionnerait pas explicitement » le Rwanda comme pays agresseur.
Cette controverse invite donc à revenir au texte lui-même et à examiner, dans le langage précis du droit international, ce que dit réellement la Résolution 2773 (2025).
La Résolution 2773 (2025) du Conseil de sécurité des Nations Unies établit, dans sa lettre comme dans son esprit, l’existence d’un acte d’agression commis par la République du Rwanda contre la République démocratique du Congo.
Ce constat découle directement de la description précise et circonstanciée des faits qu’elle énumère, lesquels suffisent, en droit, à constituer une agression au sens de la Résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 de l’Assemblée générale des Nations Unies. En droit, la qualification ne dépend pas du mot employé, mais de la nature des faits établis.
Déjà dans son préambule, le Conseil se déclare «profondément préoccupé par la rapide détérioration des conditions de sécurité et la crise humanitaire dans l’est de la République Démocratique du Congo du fait de l’offensive menée dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, notamment la prise de contrôle du centre de Masisi le 4 janvier 2025, de Sake le 23 janvier 2025, de Goma le 28 janvier 2025, de Nyabibwe le 5 février 2025 et de Bukavu le 14 février 2025 par le Mouvement du 23 mars (M23), avec l’appui et la participation directs de la Force de défense rwandaise» ( paragraphe 4 du dispositif).
Ces termes sont d’une portée juridique incontestable : ils établissent la participation militaire directe d’un État étranger, le Rwanda, à des opérations armées sur le territoire d’un État souverain, la République Démocratique du Congo.
La Résolution 3314 (XXIX) définit l’agression comme « l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État ».
Son article 3 précise notamment :
(a) «L’invasion ou l’attaque par les forces armées d’un État du territoire d’un autre État, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d’une telle invasion ou attaque, ou toute annexion, par l’emploi de la force, du territoire ou d’une partie du territoire d’un autre État.»
(g) «L’envoi par un État, ou en son nom, de bandes, groupes, forces irrégulières ou mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre État d’une gravité telle qu’ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou sa participation substantielle à de tels actes.»
La Résolution 2773 répond intégralement à ces deux qualifications. La mention de la «participation directe » de la Force de défense rwandaise équivaut, en droit, à une invasion armée au sens de l’alinéa (a). Le soutien militaire au M23 relève, quant à lui, de l’emploi de forces irrégulières agissant pour le compte d’un État contre un autre, conformément à l’alinéa (g). Ces deux comportements constituent, en droit coutumier comme en droit conventionnel, des actes d’agression caractérisés.
Le dispositif de la Résolution 2773 est sans ambiguïté : le Conseil « condamne fermement l’offensive menée par le M23 et les avancées qu’il réalise dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu avec le soutien de la Force de défense rwandaise » et « demande à la Rwanda Defence Force de se retirer immédiatement du territoire de la République démocratique du Congo, sans conditions préalables ».
Une telle injonction de retrait ne peut viser qu’une présence militaire illégale. Autrement dit, le Conseil de sécurité constate une violation manifeste de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo.
Le Conseil ne «déclare » pas un agresseur; il établit les faits qui, en droit, suffisent à le désigner. Ainsi, la Résolution 2773 (2025) ne se limite pas à une expression de préoccupation politique : elle constate, en droit, une agression interétatique.
Les faits qu’elle rapporte et attribue nommément à la Force de défense rwandaise remplissent tous les critères juridiques de l’agression, tels que définis par la Résolution 3314 (XXIX) et la Charte des Nations Unies.
En droit, l’agression ne se proclame pas : elle se constate. Et la Résolution 2773 (2025), par la rigueur de ses formulations et la clarté de ses constatations, établit sans équivoque la responsabilité du Rwanda dans un acte d’agression caractérisé contre la République démocratique du Congo.
Me Prince Lukeka
Juriste publiciste et analyste en communication stratégique et droit international public

