La Cénco chez Tshisekedi : la diplomatie souterraine de Sassou Nguesso en marche

Chassez le naturel, il revient au galop, a prédit le fabuliste. Et d’ajouter : «La loi du plus fort est toujours la meilleure». En réalité, dans le bras de fer que le pouvoir en place à Kinshasa a engagé avec l’Eglise catholique au Congo, réunie au sein de la Cénco (Conférence épiscopale nationale du Congo), il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Le plus important est que le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, s’est rendu compte qu’il était plus que temps d’engager un dialogue sincère avec la Cénco, se détourant de la ligne dure de ses partisans, largement portée par son parti l’UDPS. Enfin, le Président de la République a accepté d’échanger, vendredi dernier, avec la Cénco. Les deux parties sont bien disposées à tourner la page pour répartir sur de «bases nouvelles». Si ces retrouvailles ont été possibles, il faut saluer la diplomatie souterraine menée par Denis Sassou Nguesso, président du Congo/Brazzaville. Depuis Brazzaville, Denis Sassou Nguesso a travaillé au corps Félix Tshisekedi pour assumer enfin d’enterrer la hache de guerre avec la Cénco.

La rencontre était prévue de longue date. Finalement le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, et les évêques de la Cénco (Conférence épiscopale nationale du Congo) se sont rencontrés, le vendredi 26 novembre 2021. Une belle occasion pour les deux parties de dissiper leurs malentendus.

En effet, entre l’Eglise catholique au Congo et le pouvoir en place à Kinshasa, un grand fossé s’est créé autour du processus de désignation, au sein de la plate-forme de «Confessions religieuses», du président de la Céni (Commission électorale nationale indépendante). S’étant ligués avec l’ECC (Eglise du Christ au Congo), la Cénco s’était farouchement opposée au choix de Denis Kadima, remettant en cause son indépendance vis-à-vis du pouvoir en place.

A plusieurs reprises, la Cénco et l’ECC ont sollicité une audience de clarification auprès du Chef de l’Etat. Malheureusement, leur demande est restée sans suite, jusqu’à ce que le Président de la République investisse, par ordonnance, le bureau Kadima, après son entérinement à l’Assemblée nationale. Pour la Cénco, la ligne rouge était franchie, confirmant la rupture avec le Président Tshisekedi.

Mais, en politique, dit-on, rien n’est impossible. Finalement, c’est le vendredi 26 novembre 2021 que les évêques de la Cénco ont été invités à des échanges plus ouverts avec le Président de la République.

La main de Sassou

Qu’est-ce qui s’est donc passé entre-temps ? Dans la ville de Kinshasa, on soupçonne une fois de plus la main invisible du président du Congo/Brazzaville, Denis Sassou Nguesso.

En recevant dernièrement à Brazzaville le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, le président Sassou a pris l’engagement de rapprocher le président  Tshisekedi et la Cénco.

Profitant de son séjour de deux jours à Kinshasa, soit du 24 au 26 novembre 2021, Denis Sassou Nguesso a finalement convaincu les deux parties à renouer avec le dialogue.

Ainsi, vendredi dernier à la Cité de l’Union Africaine, les évêques membres du Comité permanent de la Conférence épiscopale du Congo (Cenco) ont été reçus, en séance de clarification, par le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi.

Conduits par leur président, Mgr Marcel Utembi, les prélats catholiques sont allés présenter les conclusions de leur dernière session extraordinaire tenue récemment à Kinshasa.

Un pas vers la décrispation

« Il a fallu que nous puissions venir partager les résultats de nos réflexions avec le Président de la République, dans la mesure où les questions que nous avons abordées ont concerné la situation sécuritaire, l’état du processus électoral et l’éducation chrétienne», a déclaré à la presse, l’archevêque de Kisangani.

Concernant le processus électoral qui tient à cœur l’opinion congolaise, Mgr Marcel Utembi a indiqué qu’un mémorandum a été transmis à ce sujet au Chef de l’Etat dont il s’est gardé, par ailleurs, de livrer le contenu à la presse, préférant réserver la primeur à l’autorité suprême du pays.

Pour Mgr Marcel Utembi qui considère le processus électoral comme une dynamique, une étape a déjà été franchie. Le plus important, a-t-il déclaré, est d’aller de l’avant. «Il y a un temps pour tout, un temps pour réfléchir, un temps pour se quereller, un temps pour se concerter et un temps pour être réaliste et pour prendre des décisions », a-t-il martelé. Et d’ajouter qu’en tant que parties prenantes au processus électoral, «l’Eglise, l’État et d’autres partenaires, sont astreintes à travailler en synergie dans le cadre d’un certain nombre d’aspects liés à la dynamique électorale. Tel est le cas, par exemple, de l’éducation civique électorale et de la mission d’observation dont il faut poser, d’ores et déjà, les fondements plutôt que d’attendre 2023 ».

«C’est cela les points sur lesquels nous pouvons fédérer et mutualiser nos forces pour aller de l’avant afin d’atteindre cet objectif qui consiste à assurer le bien-être du peuple congolais», a-t-il ajouté.

A en croire Mgr Marcel Utembi, il n’y a donc pas de désaccord entre l’église et le pouvoir. « Nous regardons tous dans la même direction, même si par moment, il y a des petits couacs qui ne manquent pas dans toute organisation humaine », a-t-il précisé, rappelant que le plus important, «c’est de chercher à recadrer les choses quand il le faut».

Concernant la situation sécuritaire du pays, Mgr Utembi a indiqué que la Cénco a fait une série de recommandations au Président de la République pour qu’il voit dans quelle mesure l’état de siège pourrait être requalifié en Ituri et au Nord-Kivu.

Quant au secteur de l’éducation, plombée par une gratuité de l’enseignement de base qui peine à décoller, Mgr Utembi a fait remarquer que la Cénco s’est dorénavant engagée à prêter main forte au Gouvernement afin d’apporter des solutions idoines aux problèmes qui minent ce domaine vital de la vie nationale.

A noter que les présidents de deux chambres du Parlement, Mboso N’Kodia (Assemblée nationale) et Modeste Bahati (Sénat), ont assisté à ces retrouvailles.

Les présidents de deux chambres, accompagnés du Premier ministre et du conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité, avaient récemment initiés des pourparlers directs avec le Cardinal Ambongo et le président de l’ECCpour baliser le terrain, rappelle-t-on.

Econews