L’armée ougandaise en opérations «concertées» sur le sol congolais : c’est confirmé !

Tout aurait donc basculé en 24 heures. La veille, soit lundi 29 novembre, le porte-parole du Gouvernement congolais, Patrick Muyaya, rassurait l’opinion publique qu’il n’existerait pas de troupes ougandaises sur le sol congolais, avant qu’on signale mardi des bombardements de l’armée ougandaise sur certaines positions des rebelles ADF (Forces démocratiques alliées) en terres congolaises. En langage militaire, ça s’appelle juste de la diversion. Et le ministre de la Communication et Médias a bien joué le jeu, prenant l’ennemi à contre-pied dans les opérations «concertées», menées depuis mardi dans la partie Est de la République Démocratique du Congo, entre l’armée congolaise et celle de l’Ouganda. Sur son compte twitter, le porte-parole du Gouvernement congolais s’est voulu rassurant : «Comme annoncé, les actions ciblées et concertées avec l’armée ougandaise ont démarré aujourd’hui avec des frappes aériennes et des tirs d’artillerie à partir de l’Ouganda sur les positions des terroristes ADF en RDC».

Après la dernière attaque terroriste de Kampala, aussitôt revendiquée par les rebelles de l’ADF, le Gouvernement congolais s’est tourné vers l’armée ougandaise pour pacifier la partie Est de la République Démocratique du Congo.

Est-ce que les forces armées ougandaises auraient déjà traversé la frontière congolaise ? A cette question, Patrick Muyaya, porte-parole du le Gouvernement congolais, a répondu par la négative. «Il n’y a pas de troupes ougandaises en RDC», a-t-il déclaré lundi devant la presse, conviée au briefing habituel dans les installations de la télévision nationale.

Vingt-quatre heures après, les opérations ont pris une autre tournure sur le terrain. Selon RFI, l’Ouganda et la RDC ont affirmé avoir lancé une opération conjointe visant les camps du groupe armé des ADF originaire d’Ouganda, mais basé dans l’Est de la République démocratique du Congo depuis plus de vingt ans.

C’est d’abord l’armée ougandaise qui s’est exprimée en fin de matinée. Flavia Biekwaso, porte-parole des UPDF (Forces armées ougandaises), a affirmé que des frappes aériennes et d’artillerie ont été lancées, mardi matin 30 novembre, en partenariat avec la République Démocratique du Congo, contre les camps du groupe rebelle des ADF.

Une annonce confirmée quelques instants plus tard sur Twitter par Patrick Muyaya, le porte-parole du Gouvernement congolais. Dans sa déclaration, le ministre Muyaya a affirmé que des actions ciblées et concertées entre les deux armées ont débuté ce mardi, à partir de l’Ouganda, pour viser les positions des terroristes.

Depuis les attaques à la bombe du 16 novembre 2021 à Kampala attribuées par les autorités au groupe des ADF, dont les camps sont basés notamment au Nord-Kivu dans l’Est de la RDC, le gouvernement ougandais a, à plusieurs reprises, assuré être en discussion avec Kinshasa. Ce week-end, des sources onusiennes avaient affirmé que le président congolais Félix Tshisekedi avait donné son feu vert à une coopération militaire conjointe entre les deux pays.

Contre toute attente

C’est donc en l’espace de 24 heures que tout a changé. Car, la veille, soit le lundi 29 novembre 2021, le porte-parole du Gouvernement congolais avait affirmé urbi et ordi qu’il n’y avait pas de troupes ougandaises sur le sol congolais. Il avait, à ses côtés, le porte-parole des Forces armées de la RDC (FARDC) et celui de la Police nationale congolaise.

A l’occasion, le ministre Patrick Muyaya et les deux porte-paroles des FARDC et de la Police nationale ont mis quiconque à défi de prouver le contraire sur le terrain en apportant des preuves sur une certaine présence des troupes étrangères sur le territoire congolais.

Néanmoins, le Gouvernement de la RDC a souligné, par la voix de son porte-parole, qu’il reste préoccupé à ramener la paix dans l’Est de la RDC, notamment dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, placées depuis mai 2021 sous état de siège.

Quant à la présence des troupes ougandaises en RDC, Patrick Muyaya a relativisé, faisant plutôt allusion à des «actions concertées » et non pas à des opérations conjointes.

«Plus de place pour des scoops et des intox. Et il n’y a rien à cacher du côté du gouvernement, nous avons choisi la voix de la transparence», a assuré le porte-parole du Gouvernement.

Devant la presse nationale et internationale, Patrick Muyaya a rappelé l’engagement et la détermination du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi à ramener la paix dans la partie Est de la RDC.

«Il est ainsi logique qu’il engage son gouvernement dans des actions bien précises sur le terrain pour que la paix soit retrouvée dans la partie Est de la RDC. C’est dans ce cadre que depuis toujours des échanges de renseignements entre la RDC et ses voisins sont fréquents par rapport à la nature de la menace commune entre les pays de la sous-région», a-t-il souligné.

Scepticisme dans la Société civile

Dans la Société civile, on soupçonne l’Ouganda de chercher juste à éloigner les ADF de sa frontière avec la RDC.

«Les ADF en débandade ont abandonné leurs positions proches de la frontière ougandaise en destination des zones rassurées à l’intérieur de la RDC vers Beni et Ituri. Ce qui laisse croire que les éloges seront plus pour la sécurité de l’Ouganda que du Congo-Kinshasa», note Patrick Ricky Paluku, activiste de la Société civile de Beni.

Selon lui, «disperser les ADF à l’intérieur du Congo, n’est pas une solution pour les Congolais qui se verront sous peu payer le prix des représailles desdites ADF dont leurs mouvements sont toujours incontrôlables ».

A ce titre, il est d’avis que «Kinshasa doit des explications claires aux Congolais pour que l’on sache en des mots très clairs et simples que l’objectif de ces opérations n’est pas de disperser les ADF, comme c’était le cas avec l’entrée de l’armée rwandaise sous Joseph Kabila ayant couté cher à Vital Kamerhe ». Et de préciser : «Ils nous disaient qu’ils veulent en finir avec les FDLR, mais en réalité l’objectif, c’était de les éloigner loin des frontières rwandaises avec la RDC. Et aujourd’hui les Congolais continuent à payer le lourd tribut notamment dans le Rutshuru et Nyiragongo … »

Econews