Trop polluant à exploiter et d’une efficacité plus que discutable, le lithium qui domine nos batteries depuis quelques décennies se dirige vers la sortie, au profit de l’hydrogène, qui sera essentiel dans la course au zéro carbone.
L’engouement pour les batteries au lithium est, au mieux, une parenthèse industrielle et, au pire, une bulle spéculative qui éclatera tôt ou tard. Malgré la hausse de la demande tirée par la démocratisation des véhicules électriques, ce vecteur d’énergie souffre de limites infranchissables.
Le lithium a tout faux
Tout d’abord, l’approvisionnement en batteries au lithium est ultra-dépendant du fonctionnement sans faille des chaînes logistiques internationales. Or, comme nous l’a prouvé la pandémie de Covid, le moindre grain de sable peut venir gripper les circuits longs et obliger les industriels à interrompre leurs productions.
La pénurie de semi-conducteurs et venu nous rappeler qu’il n’existe pas de composants «mineurs» dans un assemblage, et les batteries au lithium sont irremplaçables là où elles sont utilisées.
Ensuite, leur fabrication est tributaire de la disponibilité de métaux mal répartis sur la planète. Cela signifie que les fabricants de cellules dépendent de certains pays pour leurs approvisionnements, et sont à la merci d’une guerre commerciale, d’enjeux politiques, mais aussi de variations des capacités minières à un instant T.
Là où le pétrole a mis plus de 150 ans avant de voir sa production peiner à augmenter, le lithium pourrait connaître le même destin bien plus rapidement.
Enfin, même si tous ces facteurs de risque étaient réglés d’un coup de baguette magique, resterait un problème fondamental : les batteries au lithium ne sont pas efficaces. Leur rapport puissance/poids est tout simplement catastrophique.
Malgré les améliorations apportées ces dernières années – qui ont eu le mérite de rendre possible la création de voitures électriques désirables comme les Tesla et autre Porsche – ces batteries restent l’un des plus mauvais vecteurs d’énergie qui soit.
Là où les vénérables batteries au plomb apportaient 28 Wh/kg embarqué, les 500 Wh/kg des accumulateurs au lithium peuvent, et à juste titre, être considérés comme un progrès appréciable. Las, ils font bien pâle figure face à l’essence et ses plus de 13.000 Wh/kg. Ainsi, les batteries sont intrinsèquement une solution inexploitable à grande échelle pour les besoins de mobilité comme de lissage de la production d’électricité à base de sources renouvelables.
Il existe cependant un composé simple, non polluant, et qui peut être produit à la demande : le dihydrogène (formule chimique H2). Dans leur course au zéro carbone, Etats et entreprises se tournent de plus en plus vers ce gaz pour leurs besoins de stockage d’énergie.
L’hydrogène : les hydrocarbures, en mieux
Là où les batteries électriques sont un pis-aller aux hydrocarbures qui reste inexploitable à grande échelle ou lorsque les contraintes de performance sont importantes, l’hydrogène se paye le luxe d’avoir des performances supérieures à celles du pétrole et de ses dérivés.
En termes de densité énergétique, tout d’abord, le H2 permet de libérer 34.000 Wh/kg – soit le triple du kérosène. Sa combustion, ensuite, est totalement pure. Il réagit avec l’oxygène de l’air selon l’équation: 2H2+O22H2O
Or, le composé H2O, sous-produit de la combustion de l’hydrogène, n’est autre que… l’eau pure, omniprésente sur notre planète. Cela signifie que l’utilisation d’hydrogène n’émet aucun gaz à effet de serre, ni aucune particule cancérigène ou polluante. Il peut donc être consommé dans des usines, des centrales électriques ou même des véhicules sans créer de pollution locale. Enfin, sa principale faiblesse s’avère être une force.
Ses détracteurs ne croient pas à son usage sous prétexte que l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais un vecteur. Cela signifie qu’il est nécessaire de le produire avant de pouvoir l’exploiter, une opération qui induit nécessairement un gaspillage d’énergie. Avec des rendements de production de l’ordre de 50%, et à l’heure où la sobriété énergétique est dans tous les discours, gaspiller 50% de notre énergie pour fabriquer du H2 peut sembler ubuesque.
Pourquoi la fabrication d’hydrogène est notre avenir énergétique
C’est oublier que cette différence avec les énergies fossiles est, paradoxalement, un avantage face aux hydrocarbures qu’il est appelé à remplacer.
Certes, il suffit de creuser dans la croûte terrestre pour trouver pétrole, charbon, et gaz naturel. Mais derrière cette facilité d’accès se cache la plus grande faiblesse des ressources fossiles : leur quantité est, par définition, finie.
Cela signifie que, tels des naufragés sur une île déserte qui consommeraient petit à petit les quelques vivres qu’ils ont ramenés avec eux, nous utilisons un stock d’énergie fossile qui est voué à disparaître. Seule la quantité initiale et la vitesse d’utilisation décideront de la date à laquelle nous viendrons à en manquer : l’issue, elle, est inéluctable.
L’hydrogène-énergie, qui doit être produit industriellement, est, pour sa part, inépuisable. Sa production à partir d’électricité ne nécessite que de l’eau et ne rejette, comme effluent, que du dioxygène (O2) dont raffolent les êtres vivants. L’humanité ne pourra donc jamais manquer de H2.
Même la question du rendement de sa production pourrait bientôt devenir un problème secondaire. Pour parvenir au zéro carbone, certains pays se dotent de plus en plus de capacités de production d’électricité d’origine renouvelable. Or, panneaux photovoltaïques et autres champs d’éoliennes ont pour mauvaise habitude de produire leur électricité lorsque les conditions météorologiques sont favorables, et non lorsque les utilisateurs en ont besoin.
Cette décorrélation entre l’offre et la demande est bien connue sous le prisme de la pénurie : l’Allemagne, par exemple, est connue pour ses périodes de sous-production chroniques qui la conduisent à importer massivement de l’énergie. Une problématique moins médiatisée est celle de la surproduction électrique.
Une production économiquement rentable
Lorsque les centrales photovoltaïques sont bien éclairées et que les éoliennes tournent à pleine vitesse, les réseaux peuvent se trouver saturés d’électricité sans débouchés. Cette situation est bien plus dangereuse – pour les producteurs comme pour les consommateurs – que la sous-production car elle peut conduire à la destruction irréversible d’équipements.
Dans ce cas de figure, les opérateurs baissent de plus en plus le prix de vente de l’énergie… mais vient parfois un moment où l’électricité produite ne trouve tout simplement plus preneur.
Comme nous l’avons vu sur le pétrole lors du premier confinement mondial du printemps 2020, le prix spot de l’électricité peut dans ces moments de crise devenir nul, voire négatif – l’urgence pour les producteurs étant d’être débarrassés de ce trop-plein d’énergie devenue encombrante.
Dans ce contexte, la production d’hydrogène peut être non seulement économiquement rentable, mais aussi valorisable pour sa capacité à délester les réseaux électriques.
C’est pour ces avantages que de plus en plus de nations intègrent désormais l’hydrogène-énergie dans leur feuille de route de la transition énergétique. Selon la Commission européenne, les investissements dans le secteur devraient atteindre les 470 milliards d’euros à horizon 2050. Selon Bernd Heid, du cabinet McKinsey, les investissements augmenteraient de près d’un milliard de dollars par semaine, notamment grâce aux plans ambitieux de la Chine et des USA.
Si le secteur de l’hydrogène n’est pas immunisé contre les bulles, les titres de ses acteurs restent à ce jour bien moins survalorisés que ceux de Tesla, NIO et autres Rivian. Leur activité a, en outre, l’avantage de pouvoir se reposer sur les caractéristiques physiques avantageuses du H2 plutôt que sur la technologie imparfaite et de transition qu’est la batterie au lithium.
Une chose est certaine: la transition énergétique ne pourra se faire que grâce à l’hydrogène.
Econews avec Chronique Agora