En 2021, les investissements directs étrangers (IDE) vers les pays africains ont atteint un niveau record de 83 milliards de dollars, soit un rebond de 113 %, selon le rapport 2022 sur l’investissement dans le monde de la Cnuced publié le 9 juin. Après une chute en 2020 avec le choc de la crise sanitaire, les IDE semblent donc avoir retrouvé l’an dernier leur niveau d’avant la pandémie. Faut-il, pour autant, y voir un rebond ? Les experts sont beaucoup plus nuancés. En fait, les flux d’investissement vers l’Afrique n’ont représenté que 5,2 % des IDE mondiaux, contre 4,1 % en 2020.
En effet, avertissent les auteurs du rapport, environ 45 % du total des investissements n’est lié qu’à une seule transaction financière intra-entreprise en Afrique du Sud. « Si nous excluons cette transaction, l’augmentation des flux d’IDE vers l’Afrique, tout en restant positive, serait plus conforme à ce que nous avons observé dans d’autres régions en développement », commente James Zhan, directeur de la division de l’investissement et des entreprises de la Cnuced.
Les nuances du terrain
D’après le rapport, la situation est très différente selon les régions. Si l’Afrique australe, l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest ont vu leurs flux d’investissement augmenter, ceux destinés à l’Afrique centrale sont restés stables et l’Afrique du Nord a enregistré une baisse. Hormis un échange d’actions entre Naspers et Prosus au troisième trimestre 2021, l’Afrique du Sud connaît un regain d’intérêt avec de nouveaux projets annoncés, notamment dans le domaine de l’énergie propre, pour un montant de 4,6 milliards de dollars, ainsi qu’un projet d’investissement d’un milliard de dollars par la société américaine Vantage Data Centers pour construire son premier campus africain.
Tout aussi notables, les flux d’investissement vers le Mozambique, qui ont augmenté de 68 % pour atteindre 5,1 milliards de dollars. Le pays a connu un bond des nouveaux projets d’investissements, notamment celui de la société britannique Globeleq Generation qui va construire des centrales électriques pour 2 milliards de dollars.
En revanche, les flux d’investissement vers la Zambie sont restés négatifs à – 457 millions de dollars, une chute brutale par rapport à – 173 millions de dollars en 2020 due principalement à la cession d’une mine de cuivre de 1,5 milliard de dollars par la société suisse Glencore à la société publique ZCCM Investments Holdings.
L’Afrique de l’Ouest voit les IDE augmenter de 48 % pour atteindre 14 milliards de dollars. Avec le Nigeria, en tête, qui a vu ses flux doubler pour atteindre 4,8 milliards de dollars, principalement en raison d’une reprise des investissements dans les secteurs du pétrole et du gaz. Les projets dans les industries extractives ont également contribué à faire grimper les IDE au Ghana à 2,6 milliards de dollars, soit une augmentation de 39 % par rapport à 2020. Le Sénégal a également connu une augmentation notable de 21 % des IDE, qui ont atteint 2,2 milliards de dollars. Le pays a enregistré une hausse de 27 % des nouveaux projets d’investissements annoncés.
Les flux d’investissement vers l’Afrique de l’Est ont augmenté de 35 % pour atteindre 8,2 milliards de dollars L’Éthiopie, plaque tournante centrale de l’initiative chinoise Belt and Road, a vu les flux d’IDE augmenter de 79 % pour atteindre 4,3 milliards de dollars en 2021. Quatre annonces de financement de projets internationaux sur cinq dans le pays concernent les énergies renouvelables.
Alors que les flux d’investissement vers l’Afrique centrale sont restés stables, les IDE vers la République démocratique du Congo ont augmenté de 14 % pour atteindre 1,9 milliard de dollars, les tendances d’investissements restant positives principalement en raison des flux vers les champs pétroliers offshore et les mines.
L’Afrique du Nord en recul
Les IDE vers l’Afrique du Nord ont diminué de 5 % pour atteindre 9,3 milliards de dollars en 2021. Les flux d’investissement vers le Maroc ont augmenté de 52 % pour atteindre 2,2 milliards de dollars en 2021, tandis que l’Égypte a vu ses IDE baisser de 12 % pour atteindre 5,1 milliards de dollars. Malgré cette baisse, l’Égypte est le deuxième plus grand bénéficiaire d’IDE en Afrique. Les promesses des États du Golfe d’investir environ 22 milliards de dollars dans divers secteurs économiques en Égypte pourraient stimuler les IDE à l’avenir.
Malgré la tendance globalement positive des IDE sur le continent, le total des annonces de projets nouveaux est resté faible, à 39 milliards de dollars, ne montrant qu’une modeste reprise par rapport aux 32 milliards de dollars enregistrés en 2020 – et bien en dessous des 77 milliards de dollars enregistrés en 2019.
La part des énergies renouvelables en hausse
Focus de ce rapport 2022 : les projets internationaux dans le domaine des énergies renouvelables, 71 – soit près du double des 36 enregistrés en 2011. Parmi ceux-ci figure un projet de 20 milliards de dollars visant la fourniture par le Maroc d’énergie solaire et éolienne au Royaume-Uni via 3 800 km de câbles sous-marins. « À long terme, le continent africain présente un grand potentiel pour attirer les investissements internationaux dans les économies vertes et bleues, ainsi que dans les infrastructures, a analysé James Zhan. Le défi consiste à améliorer encore le climat des affaires et à renforcer la capacité de l’Afrique à absorber ces investissements durables ».
Mais 2022 s’annonce sous de mauvais auspices, avec des flux d’investissement direct étranger qui « devraient connaître une trajectoire descendante, au mieux rester stables ». La Cnuced a annoncé que les investissements directs étrangers devraient repartir à la baisse cette année, l’invasion de l’Ukraine provoquant une « triple crise alimentaire, énergétique et financière » qui plombe le climat des affaires. Les plus gros détenteurs d’actifs étrangers en Afrique sont restés européens, avec en tête les investisseurs du Royaume-Uni (65 milliards de dollars) et de la France (60 milliards de dollars).
Avec Le Point Afrique