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Allié d’hier, ennemi d’aujourd’hui

La maxime n’a jamais semblé aussi actuelle qu’en observant la dégradation accélérée des relations entre le Président Félix Tshisekedi et son ancien frère d’armes, Vital Kamerhe. Ce dernier, contraint à la démission de la présidence de l’Assemblée nationale, vient d’essuyer un affront politique dont la symbolique dépasse la simple recomposition institutionnelle.

Le choix de Boji Sangara pour lui succéder au perchoir de l’Assemblée nationale n’est pas un hasard. En portant à ce poste stratégique un homme ouvertement en rupture avec le leadership de Kamerhe au sein de l’UNC, le pouvoir envoie un message d’une brutalité rare : les alliances se révisent, les fidélités s’usent, et la reconnaissance en politique a ses limites.

Cette nomination ciblée, ce presque « coup de poignard » dans le dos d’un ancien compagnon de route, sonne comme une déclaration de guerre à peine voilée.

La question n’est désormais plus de savoir si la rupture aura lieu, mais qui osera franchir le premier le Rubicon. Cette référence historique à César n’est pas anodine : traverser le fleuve, c’est s’engager dans un conflit dont on sait qu’il sera sans retour.

Pour Tshisekedi, franchir ce cap signifierait assumer pleinement l’éviction d’un homme qui a pourtant été déterminant dans son accession au pouvoir en 2018. Pour Kamerhe, ce serait reconnaître que la voie de la conciliation est définitivement bouchée et envisager toutes les options, y compris l’opposition frontale.

Le calcul du pouvoir semble transparent : en isolant Kamerhe, en le poussant dans ses retranchements, on l’invite à commettre l’irréparable, à donner lui-même le prétexte de son exclusion définitive. Une stratégie du pourrissement qui évite à l’exécutif d’assumer les conséquences politiques d’une rupture ouverte avec un parti important de sa majorité.

Mais en sous-estime-t-on l’adversaire ? Vital Kamerhe, politicien expérimenté, n’est pas homme à se laisser dicter sa conduite. S’il choisit de traverser le Rubicon, ce pourrait être à la tête d’une UNC unie dans l’épreuve, capable de devenir une force de déstabilisation non négligeable pour la majorité présidentielle.

La suite de cette crise dépendra largement de la réponse à cette question cruciale : dans ce jeu d’échecs politique, qui maîtrise le mieux l’art de la patience et du timing ? Le pouvoir, qui cherche à asphyxier progressivement son ancien allié ? Ou Kamerhe, qui pourrait retourner la situation en transformant cette mise à l’écart en catalyseur d’une nouvelle dynamique politique ?

A tout prendre, le paysage politique congolais est en train de vivre un séisme dont les répliques se feront sentir bien au-delà des murs de l’Assemblée nationale. La rupture semble inéluctable. Reste à savoir qui aura le courage – ou la nécessité – de la consommer le premier.