Une source informée explique le caractère organisé de l’assaut mené par des ressortissants majoritairement soudanais sur la clôture de Melilia, la portée dissuasive de la réaction des forces de l’ordre et les leçons à tirer d’un drame humain qui a entraîné la mort de 23 personnes dans un mouvement de foule. Analyse.
Que l’on ne s’y trompe pas : la bousculade survenue, le vendredi 24 juin 2022, qui a coûté la vie à 23 migrants parmi un bon millier d’autres qui avaient lancé un assaut sur la clôture séparant Nador à Melilia, est un drame humain. Cela en dit long sur le chemin qui reste à parcourir pour tout un continent, l’Afrique, sur la voie du développement et pour la dignité de ses peuples. Ce drame appelle certes bien des questionnements, mais certains, notamment des influenceurs, le plus souvent tapis dans leurs bureaux climatisés dans les plus belles capitales européennes, préfèrent porter les mauvaises lunettes pour n’y voir que «brutalité policière» et «atteinte aux droits des migrants». Rien ne saurait être plus réducteur.
Contactée par Le360, une source informée éclaire à plus d’un titre tant sur les évènements que sur leur (véritable) portée.
Au défi de l’ordre
Il y a d’abord ce qu’il s’est passé et le caractère organisé de l’assaut mené vendredi dernier par une centaine d’individus, majoritairement soudanais.
«Les images le prouvent: ce n’était pas une tentative hasardeuse ou spontanée de passer de l’autre côté de la clôture. Nous sommes face à une bande organisée, dont les membres sont des ressortissants soudanais qui s’activaient déjà en Libye, à la faveur de la guerre civile dans ce pays, et qui combattaient en tant que mercenaires dans des milices armées dans ce pays en échange de 100 dollars par jour. Le cessez-le-feu proclamé en Libye, ils ont cherché à s’en sortir autrement, en envisageant de partir en Europe. Ils ont en cela été poussés par un pays qui veut gêner le Maroc et l’Espagne (l’Algérie, Ndlr)», explique notre source.
Le schéma «classique» des drames humains liés à l’émigration clandestine voudrait en effet qu’il y ait des tentatives de passage, par Sebta et Melilia ou par mer, de personnes dans le désespoir qui tentent le tout pour le tout en empruntant des embarcations de fortune pour traverser la Méditerranée, au risque de leur vie. «Mais là, nous avons affaire à une action organisée, tant dans le choix du moment que le choix de ceux qui l’ont menée que dans les moyens utilisés et la violence qui l’a accompagnée. Ce n’est pas une action spontanée mais une opération menée par des réseaux avec des connivences qui ont mobilisé des gens bien entraînés», indique notre interlocuteur.
Or, le Maroc est un Etat organisé qui ne peut pas permettre que quelques centaines de personnes décident de défier les forces de l’ordre et attaquer une clôture gardée et surveillée sans qu’il y ait des conséquences. «Accepter de tels actes, ne serait-ce qu’une seule fois, c’est admettre que les évènements de Melilia peuvent se démultiplier à l’envie, aujourd’hui à Nador, demain à Rabat, après-demain à Casablanca», avertit notre source. Pour cet interlocuteur, le Maroc est Etat qui repose sur des institutions solides, et nul ne peut décider impunément de braver l’autorité, s’en prendre aux forces de l’ordre à coups de bâtons, de coutelas et autres objets contondants sans que les pouvoirs publics ne réagissent. Le message est clair: contre de telles manœuvres, la seule réponse sera la fermeté. Et entre autorité publique et loi de la jungle, le choix est vite fait et assumé.
Du Maroc et de l’Afrique
Le regard extérieur et bien-pensant que certains peuvent porter aux événements est somme toute secondaire. «Le Maroc se bat d’abord pour ses propres citoyens, et avant de s’interroger sur ce qu’on peut en penser à l’étranger, imaginez un seul instant ce que les Marocains auraient pensé de leurs propres forces de l’ordre si celles-ci avaient cédé à cette défiance. Céder, justement, c’est ouvrir la porte à d’autres dépassements», observe notre source. «Le Maroc n’agit pas pour l’Europe, mais pour les Marocains, qui sont en droit de se sentir en sécurité chez eux ».
Cela, d’autant que le Maroc n’a pas de leçon à recevoir ni en matière de droits des migrants, ni sur ses rapports avec son continent, l’Afrique. Le Royaume accorde chaque année 13.000 bourses d’études aux étudiants africains. Plus de 30.000 étudiants y poursuivent actuellement leurs études. Il a régularisé la situation de 60.000 subsahariens qui, aujourd’hui, peuvent travailler librement, se faire soigner dans ses hôpitaux, scolariser leurs enfants. Le tout est payé par le contribuable marocain. Aucun pays d’Afrique n’en a fait autant. Même les migrants clandestins vivent en paix au Maroc et sont protégés.
«Les ambassadeurs des pays africains à Rabat, qui sont au fait de la réalité sur le terrain s’agissant des migrants, le savent pertinemment. L’Union africaine, qui a demandé une enquête, a déploré le drame humain, sans citer le Maroc», précise notre source. Sur cet aspect, en dépêchant une mission d’information sur les lieux, composée de cinq membres, le Conseil national des droits de l’Homme a apporté la preuve que le Royaume a ses propres institutions et qu’il n’a nullement besoin qu’on «enquête» pour lui.
Dans le cas de Melilia, poursuit notre source, nous sommes devant des personnes qui ont choisi d’attaquer. Et ce qui doit choquer, c’est le contexte et le recours à la force et à la violence. Il ne faut pas s’attendre à ce que le pays leur déroule le tapis rouge. «Ce qui est évident, c’est que personne n’est allé chercher ces gens-là dans les bois où ils habitent, ni démanteler leurs camps ou les agresser. Mais ouvrir la voie à une bande organisée et violente, ce n’est clairement pas le Maroc. Nos partenaires africains en sont pleinement conscients et nous appuient», poursuit notre source.
Feuille de route
Plus au nord, l’Espagne, avec laquelle le Maroc a ouvert une nouvelle phase de coopération, avec une nouvelle feuille de route, adoptée en avril dernier et qui a fait l’objet d’une déclaration conjointe. Dans celle-ci, on lit clairement que «la coopération dans le domaine des migrations sera relancée et renforcée» et que «la coordination dans le cadre des présidences respectives du processus de Rabat, pendant la période 2022-2023, sera menée de manière à mettre en exergue la coopération exemplaire entre les deux pays dans ce domaine, à la faveur d’une approche globale et équilibrée du phénomène migratoire».
En luttant contre les réseaux de trafic d’êtres humains et contre l’émigration clandestine, le Maroc ne fait qu’honorer sa part d’engagements. «A la lumière des déclarations des dirigeants et responsables politiques espagnols, il est indiscutable que nos voisins comprennent et apprécient», conclut notre source, qui parle de loyauté.
Un changement de paradigme s’impose cela étant, au même titre qu’un renforcement de la coopération entre les deux pays, et les deux continents. Les attaques comme celle de Melilia sont appelés à se multiplier à l’avenir. La guerre en Ukraine pèse lourdement sur l’Afrique et le réchauffement climatique, dont sont responsables, entre autres, les pays européens qui ne veulent pas des migrants africains, assèche les terres et raréfie l’eau sur le continent. Rien n’arrêtera des personnes galvanisées par la force du désespoir. Le défi de la migration impose au Maroc de réfléchir différemment à la façon de le gérer. Le mode opératoire adopté jusqu’ici ne pourra pas résister longtemps à une démultiplication d’assauts.
Avec le360.net