La République Démocratique du Congo a franchi un pas historique dans sa quête de justice internationale. Ce mardi, lors de la 60e session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies qui s’est réuni à Genève (Suisse), le ministre d’État en charge de la Justice, Guillaume Ngefa, a présenté une requête officielle et sans équivoque : la reconnaissance internationale du génocide congolais.
Dans une déclaration percutante, le représentant de Kinshasa a détaillé l’ampleur et la nature systématique des violences subies par le peuple congolais depuis près de trente ans. Il a fermement désigné les responsables : «l’armée rwandaise et les multiples rebellions qu’elle continue à financer et à armer sur le sol congolais, dont la toute dernière est la coalition AFC/M23 ». Le ministre Ngefa a employé le terme «Génocost» – néologisme poignant associant «génocide» et «coût» humain – pour décrire l’horreur vécue par des millions de Congolais.
«Le Gouvernement réitère son engagement à faciliter le travail de cette commission et poursuit les réformes en matière de justice, y compris des justices transitionnelles, pour mettre fin à l’impunité et garantir réparation aux victimes. Enfin, la RDC continuera son plaidoyer pour la reconnaissance internationale du Génocost, ces génocides perpétrés sur son sol », a-t-il affirmé, appelant la communauté internationale à «inscrire dans les annales de l’humanité le génocide congolais comme l’une des atrocités majeures de ces trente dernières années ».
UNE ACCUSATION FONDEE SUR TROIS DECENNIES DE VIOLENCES
Cette démarche s’appuie sur un lourd passif de conflits, d’atrocités de masse et de déstabilisation chronique de l’Est de la RDC. Depuis les guerres des années 1990, qui ont impliqué plusieurs pays voisins, jusqu’à la résurgence récurrente de groupes armés comme le M23, Kinshasa construit son argumentaire sur la répétition et la systématisation des massacres, des déplacements forcés de population, des violences sexuelles employées comme armes de guerre et de l’exploitation illégale des ressources naturelles.
Le gouvernement congolais estime que ces actes, perpétrés sur une aussi longue période et avec une intention destructrice, répondent aux critères juridiques de la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide.
JUSTICE, MEMOIRE ET REPARATION
La reconnaissance internationale n’est qu’un premier objectif. Derrière ce plaidoyer se cache une stratégie plus vaste qui comprend :
La lutte contre l’impunité : Une reconnaissance officielle ouvrirait la voie à des poursuites devant des juridictions internationales, notamment la Cour Pénale Internationale (CPI), pour les principaux responsables de ces crimes.
La justice transitionnelle : Le ministre Ngefa a réaffirmé la volonté de son gouvernement de mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle pour faire lumière sur les crimes passés, permettre la réconciliation nationale et accorder des réparations aux victimes.
La mémoire historique : Il s’agit de graver dans la mémoire collective mondiale l’ampleur de la tragédie congolaise, souvent minimisée ou ignorée dans les récits internationaux.
UN CONTEXTE REGIONAL EXPLOSIF
Cet appel intervient dans un moment de tension extrême dans l’Est de la RDC, où la ville de Goma est partiellement encerclée par la rébellion du M23, soutenue selon Kinshasa et plusieurs rapports d’experts de l’ONU par le Rwanda. En portant le débat sur la scène internationale à Genève, la RDC cherche à exercer une pression diplomatique maximale sur Kigali et à mobiliser la conscience mondiale pour obtenir une intervention plus ferme et un soutien accru à sa souveraineté et à l’intégrité de son territoire.
La réponse de la communauté internationale à cet appel crucial est maintenant attendue. Elle déterminera si les souffrances du peuple congolais seront enfin élevées au rang des grandes tragédies humaines que le monde s’est engagé à ne jamais oublier, et surtout, à ne jamais laisser se répéter.
Francis N.