Baisse des prix du carburant à la pompe : «La délinquance de l’Etat»* (Tribune de Nzuka Mapengo)

En rabattant de 13% les prix du carburant à la pompe, le Gouvernement «n’a pas subventionné la baisse des prix des produits pétroliers, mais n’a fait que décharger ce prix des rentes jouissives de certaines entités instaurées dans la structure des prix du fait du prince, du fait de la délinquance de l’Etat». C’est la position que défend Nzuka Mapendo, dans sa peau d’économiste. Il reste cependant sceptique : «Si beaucoup saluent cette décision, certains experts s’inquiètent de la pérennité de cette mesure, estimant que le marché devrait fixer les prix plutôt que le ministère de l’Économie». Et de s’interroger : «Serait-il raisonnable de penser que la réduction des prix aura un impact sur les autres biens de consommation quand on sait que la rigidité à la baisse est une réalité économique indéniable?» Tribune.

La décision du Gouvernement de réduire les prix des produits pétroliers à la pompe a suscité une multitude de réactions. Certains voient cette mesure comme un coup de bluff, tandis que d’autres s’interrogent sur sa durabilité.

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D’après l’arrêté n° 002/CAB/VPM/MIN-ECONAT/DMS/TMN/2024, le prix de l’essence est passé de 3.440 CDF à 2.990 CDF, et celui du gasoil de 3.435 CDF à 2.980 CDF, représentant une baisse respective de 13 %.

Si beaucoup saluent cette décision, certains experts s’inquiètent de la pérennité de cette mesure, estimant que le marché devrait fixer les prix plutôt que le ministère de l’Économie.

Les économistes les plus critiques soulignent que cette baisse entraînerait une perte de 250 USD par mètre cube pour l’État. Ils basent leur analyse sur les fluctuations des indices PLATTS et le niveau de différentiel de transport (PREMIUM) avant et après la décision. Selon eux, abaisser les prix alors que les cours internationaux augmentent pourrait avoir des conséquences néfastes, notamment sur les marges bénéficiaires des sociétés pétrolières, conduisant à des ruptures de stocks. Ces économistes invitent plutôt le Gouvernement à «la structuration du marché pour permettre à la loi de l’offre et de la demande d’agir efficacement » car notre économie souffrirait à la fois «de la défaillance du marché» et de «la délinquance de l’Etat». Le prix devra donc être fixé par les forces du marché et non par le Ministère de l’économie.

Mais, depuis l’annonce de la nouvelle structure, une pénurie à la pompe se fait sentir, ce qui amène à se demander si la réforme a été bien articulée et comment l’a-t-elle été. Serait-il raisonnable de penser que la réduction des prix aura un impact sur les autres biens de consommation quand on sait que la rigidité à la baisse est une réalité économique indéniable? Il est impératif de répondre à ces questions pour éviter que la population ne soit laissée dans l’ignorance, comme le dit si bien la Bible : «Mon peuple périt faute de connaissance ».

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Le niveau des stocks avant l’annonce de la baisse des prix des produits pétroliers était satisfaisant pour les trois produits phares, Essence, Gasoil et JET A1. Le volume global sur lequel est assis la reforme, à la date du 3 octobre 2024, est de 55.204 m3 alors que l’ancienne structure était assise sur un volume de 39.692 m3. Rien ne pourra donc expliquer qu’une pénurie puisse s’observer à la pompe.

Mais Les explications de la pénurie actuelle sont multiples. D’un côté, la panique des consommateurs, qui se sont précipités pour faire des réserves. Avec la logique des anticipations nous pouvons reconnaitre que les consommateurs se soient rués vers les stations pour profiter de la baisse des prix et faire des stocks craignant que la mesure ne soit que passagère.

DES ANTICIPATIONS IRRATIONNELLES

Cette propension du consommateur à accroitre ses réserves et sa consommation a été observée aux premiers jours de la réduction des prix. Des personnes qui ne faisaient pas le plein de leurs véhicules s’en sont données à cœur joie. Sous la même contrainte de revenu, le consommateur non seulement maximise ainsi sa consommation, mais se permet aussi une allocation additionnelle du revenu vers cette denrée rare qui lui est désormais prenable à bas prix. La conséquence inéluctable est donc la baisse accélérée du stock disponible. C’est cela qui pourrait se qualifier d’être les anticipations irrationnelles.

De l’autre côté, les contraintes logistiques liées au calendrier d’approvisionnement des stations-service apparait aussi comme une des justifications de la pénurie observée.

Cependant, il est peu probable que la pénurie soit liée à une rétention des stocks par les distributeurs, puisque le Gouvernement est dans le processus d’apurement de toutes les pertes et manques à gagner certifiés au profit de la profession pétrolière dans un bref délai.

Enfin, bien que les prix internationaux aient connu une hausse en raison des conflits au Moyen-Orient, la structure actuelle des prix tient compte des fluctuations passées. Le Gouvernement a agi pour aligner les prix à la pompe avec les cours mondiaux, tout en cherchant à réduire la dette publique envers les pétroliers. En ajustant certaines composantes du PREMIUM, comme les frais études sur projet SOCIR ou les droits de trafic des lignes maritimes congolaises, il a réussi à alléger la structure des prix sans subventionner directement les produits pétroliers.

Certes, le PLATT à l’international connaît une variation haussière suite à la guerre au moyen orient. Cela aurait dû donc militer pour le maintien du prix à la pompe comme ils étaient à l’avant dernière restructuration.

Mais c’est cela tout le mérite de la dernière structure des prix. Ce changement a répondu aux variations antérieures du PLATT et voudrait voir les prix à la pompe suivre les variations à l’international. Les derniers trimestres ont vu le PLATT sensiblement baisser même quand les incidents du moyen orient ont commencé. Il s’imposait donc de ne pas laisser les pétroliers continuer à se faire une rente indue.

Il s’imposait de suivre la tendance à l’international.

Conjugué au relèvement du taux de change structure, la dernière structure des prix des produits pétroliers a aussi le mérite d’encadrer, en la diminuant, la création de la dette du Gouvernement envers les pétroliers.

Les prix des produits pétroliers sont administrés dans notre pays comme dans bien de pays de par le monde. Mais pour conduire à des prix n’entraînant plus d’autres dettes, il est important de laisser le taux de change structure rejoindre le vrai taux de change du marché.

Ici apparaît ainsi nettement l’action faite par le Gouvernement au travers de la dernière baisse des prix à la pompe.

Relèvement du taux de change pour tendre vers le taux du marché et assainissement des charges ou lutte contre la délinquance de l’Etat (à chacun son regard et son discours), mais la réalité est la même. Le Gouvernement n’a fait que nettoyer les charges non incompressibles dans la structure des prix des produits pétroliers. En effet, le Prix moyen frontière commercial des produits pétroliers est constitué du prix FOB à l’achat de ces produits auquel on ajoute un différentiel de transport (communément appelé PREMIUM) qui lui comprend l’ensemble des frais supportés par les produits jusqu’à Matadi.

LES MOTIVATIONS DE LA BAISSE

En jouant sur les éléments constitués de ce différentiel il s’est observé que le PMFC de l’essence pouvait passer de 752 USD au m3 à 573 USD le m3, de même pour le gasoil, ce PMFC pouvait passer de 827 USD au m3 à 620 USD au m3.

Le Gouvernement n’a fait rien d’autre qu’élaguer ou diminuer certains frais constitués de ce différentiel de transport. Sans crainte de redites, ces éléments sur lesquels le Gouvernement a joué sont : la commission fournisseur, les frais DGM, les frais des études de la SOCIR, le droit de trafic des Lignes maritimes congolaises et les frais de coloration de l’essence. Que cela soit clair, l’Etat n’a pas subventionné la baisse des prix des produits pétroliers, mais n’a fait que décharger ce prix des rentes jouissives de certaines entités instaurées dans la structure des prix du fait du prince, du fait de la «délinquance de l’Etat». A chacun de lire attentivement ces éléments du PREMIUM sur lesquels le Gouvernement a joué et à dire sincèrement si cela ne valait pas la peine de les élaguer.

Le débat sur la pertinence de ces mesures reste ouvert, mais il est indéniable que le Gouvernement a pris des mesures pour éliminer certaines rentes abusives.

Il est donc essentiel d’examiner les ajustements opérés et de se demander s’ils étaient justifiés.

(*) Le titre et les intertitres sont de la rédaction Nzuka Mapengo

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