Dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, la République Démocratique du Congo passe pour un mauvais élève. Au niveau du GAFI (Groupe d’action financière) chargé de la lutte à l’échelle planétaire contre ce fléau, il y a une épée de Damoclès qui est suspendue sur le pays de Félix Tshisekedi. Pour échapper aux sanctions du GAFI, la RDC a jusqu’à fin septembre 2022 pour adapter sa législation aux recommandations du GAFI. Vendredi en Conseil des ministres, le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, a alerté le Gouvernement sur l’urgence de «faire approuver, par les deux Chambres du Parlement, la Loi anti-Blanchiment et la nouvelle Loi Bancaire d’ici la fin du mois de septembre afin de réduire le risque pour notre pays d’être classé sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI)».
En République Démocratique du Congo, c’est la course contre la montre qui est engagée pour rattraper le retard dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. En cette matière, le GAFI (Groupe d’action financière) considère la RDC comme un mauvais élève où l’argent sale circule en masse.
A cet effet, le GAFI menace de classer la RDC sur sa liste noire. Une situation qui serait catastrophique autant pour le secteur bancaire congolais que l’ensemble de son système financier. L’intégrité du marché financier d’une nation est un gage de confiance pour les institutions financières externes, les entreprises clientes en interne et pour les probables investisseurs étrangers.
Vendredi en Conseil des ministres, le ministre des Finances a saisi le Conseil sur l’urgence de «faire approuver, par les deux Chambres du Parlement, la Loi anti-Blanchiment et la nouvelle Loi Bancaire d’ici la fin du mois de septembre prochain afin de réduire le risque pour notre pays d’être classé sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI)».
Selon le ministre des Finances, tout doit être fait au cours de la session parlementaire de septembre pour doter la RDC d’une législation bancaire compatible avec les recommandations du GAFI.
La RDC serait-elle devenue une plaque tournante mondiale de l’argent sale ? Le GAFI y croit pour autant que Kinshasa a accumulé un grand retard pour adapter sa législation à ses 40 recommandations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
L’on se rappelle qu’en août dernier, une délégation de la facilité globale de l’Union européenne a eu des entretiens avec la Cellule nationale des renseignements financiers (Cenaref), avec l’objectif d’aider la RDC dans le cadre des enquêtes et sanctionner des auteurs des faits portant sur les infractions autonomes de blanchiment des capitaux ainsi que le développement et l’implémentation d’une stratégie nationale en matière de transparence des bénéficiaires effectifs.
«Il y a 90% de chance que la RDC soit classée sur la liste noire du GAFI, faute d’avancées significatives», avait lancé dernièrement Ernest Mpararo de la Ligue nationale de lutte contre la corruption (Licoco). Selon lui, la RDC a jusqu’à fin septembre pour s’aligner aux normes du GAFI.
Comment en est-on alors arrivé à cette situation ? A ce sujet, Ernest Mpararo note que la RDC a été évaluée d’abord par le groupe régional des évaluations de la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC). Le résultat a montré que le pays satisfait seulement à quelque cinq ou sept indicateurs sur les 40 recommandées par le GAFI.
«On a donné à la RDC le temps de se conformer en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux, notamment le vote des lois et mesures réglementaires», a-t-il poursuivi.
Pour une amélioration législative
Le secteur bancaire congolais fait face au phénomène de risking – lequel est susceptible d’isoler sur le plan économique et financier, la RDC en raison du non-respect des normes en matière de conformité, particulièrement dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme demeurent les pires fléaux mettant en péril les systèmes économiques et financiers des pays et menaçant la sécurité internationale par la multiplication des actes terroristes dans diverses parties du monde.
Cette situation est bien plus réelle en RD Congo à la suite des différents scandales qui éclaboussent le monde économique et financier congolais alors que son champ financier s’étend davantage avec la libéralisation du secteur des assurances en 2015. D’où la nécessité pour les Etats de disposer de normes juridiques et d’institutions de contrôle pour éradiquer ces calamités de leur environnement financier.
La législation congolaise en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est constituée de normes internationales et nationales.
Au niveau international, il existe des instruments juridiques qui formulent des recommandations pour impulser une lutte commune et impérativement coordonnée face à cette criminalité sans frontière. Il s’agit notamment du Groupe d’Action Financière sur le Blanchiment de Capitaux (GAFI), de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
En outre, la RDC est membre associé du Groupe d’Action contre le Blanchiment de l’Afrique Centrale depuis le 05 Septembre 2017 (GABAC régie par l’Acte additionnel du 14 décembre 2000) qui est un organe spécialisé de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (régie par le Règlement n°01/03 CEMAC-UMAC).
De plus, la RDC est également membre observateur du Groupe d’Action contre la Blanchiment de l’Afrique Centrale.
Au niveau national, en revanche, la loi n° 04/016 du 19 juillet 2004 sur la lutte contre le blanchiment de capitaux le financement du terrorisme disposent de normes, d’obligations pour éviter l’expansion de cette calamité et éradiquer ces fléaux. Sans oublier l’instruction 15 de la Banque centrale du Congo fixant les normes relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et financement du terrorisme dans le secteur financier en RDC.
La loi du 19 juillet 2004 a créé la Cellule Nationale des Renseignements Financiers (CENAREF), mise en place par le décret n°08/20 du 24 septembre 2008 portant organisation et fonctionnement de la CENAREF.
Aux côtés de ces deux textes juridiques, il existe le décret n° 08/21 du 24 septembre 2008 portant création du Comité consultatif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLUB).
Le décret n°16/001 du 26 janvier 2016, portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation et de contrôle des assurances (ARCA) par son article 6 exige le respect de la législation portant la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme aux sociétés soumises à son contrôle. Il en est de même pour la Charte de conformité de l’Association Congolaise des Banques adoptée le 28 septembre 2018.
Malgré cet arsenal juridique, le GAFI estime que la RDC doit faire plus. Et Kinshasa a jusqu’à fin septembre pour éviter un éventuel isolément financier.
F.K.