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Budget 2024 : l’ODEP dénonce une gestion «anti-peuple » et une souveraineté sociale bafouée

65 ans après l’indépendance, l’exécution du budget de l’État congolais reste marquée par une marginalisation criante du peuple, déplore l’Observatoire de la dépense publique (ODEP). Dans une étude publiée ce 9 juillet 2025 à Kinshasa, l’organisation fustige une gouvernance budgétaire qui privilégie les logiques administratives et institutionnelles au détriment des droits constitutionnels des citoyens. « Les finances publiques ne reflètent ni les engagements de l’État ni les besoins prioritaires de la population », dénonce le Pr Florimond Muteba, président de l’ODEP, appelant à une refonte radicale pour placer enfin les Congolais au cœur des politiques de développement et de justice distributive.
Voici en intégralité son mot d’introduction de l’étude présentée par l’ODEP.

« Exécution budgétaire 2024 : 65 années après l’indépendance, l’exécution du budget de l’État continue de refléter un déni profond de la souveraineté sociale, en marginalisant le rôle du peuple comme moteur, acteur et véritable bénéficiaire du développement national »

Chers compatriotes, à l’occasion du 65ème anniversaire de l’indépendance de notre pays, l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) a estimé opportun de rendre public le présent rapport portant sur l’exécution de l’année budgétaire 2024. Le contenu de ce document démontre les graves faiblesses de notre gouvernance budgétaire et de nos finances publiques qui ne reflètent pas les droits des congolais garantis par la constitution, ni les engagements gouvernementaux inscrits dans la loi de finances 2024. Cette mauvaise gouvernance continue de privilégier la logique administrative et la souveraineté institutionnelle au détriment de la souveraineté sociale c’est-à-dire, de la place du peuple avant tout comme moteur, acteur et bénéficiaire du développement et de la justice distributive.

L’exercice budgétaire 2024 de la République Démocratique du Congo s’inscrit dans un contexte post-électoral délicat, caractérisé par des attentes sociales pressantes, une tension sur la trésorerie publique, et une pression accrue sur les gouvernants en matière de redevabilité. Au lendemain des élections générales de décembre 2023, le nouveau cycle institutionnel a hérité d’un budget ambitieux, censé traduire les engagements politiques en actions concrètes.

Adoptée sous la loi n°23/056 du 10 décembre 2023, la Loi de finances 2024 repose sur une enveloppe globale de 37 366 milliards de francs congolais,

(14,7 milliards de dollars US) articulée autour d’une promesse présidentielle de transformation structurelle de l’économie. Comme l’indique l’exposé des motifs du texte budgétaire : « Ce budget vise à améliorer les conditions de vie de la population à travers des investissements massifs dans les secteurs sociaux et productifs, en renforçant la gouvernance et l’efficacité des institutions publiques.» (Loi de finances 2024, exposé général)

Pourtant, cette ambition se confronte dès le premier semestre à de fortes contraintes opérationnelles : une faible mobilisation des recettes extérieures ; des blocages institutionnels dans la chaîne d’engagement et de liquidation; une instabilité dans la coordination des politiques sectorielles; et un déséquilibre croissant entre les besoins des provinces et les dépenses effectivement décaissées.

Comme l’a rappelé la Cour des comptes dans son rapport de 2022 : «La performance budgétaire ne se mesure pas uniquement à travers le respect des plafonds votés, mais à la capacité de transformation des allocations publiques en résultats tangibles pour les citoyens. »

Ce rapport annuel propose ainsi une analyse approfondie de l’exécution des dépenses publiques sur l’ensemble de l’année 2024, mois par mois, secteur par secteur. Il repose sur : l’exploitation systématique des données d’exécution budgétaire publiées par le Ministère du Budget (rapports mensuels ESB) ; la lecture comparative avec les crédits votés par la loi de finances; une ventilation par fonction, rubrique, titre, nature économique, financement et territoire.

En ligne avec l’article 9 de la loi organique n°11/011 relative aux finances publiques (LOFIP), cette étude vise à : évaluer la conformité de l’exécution avec les priorités nationales ; identifier les retards, distorsions ou inefficacités dans la mise en œuvre ; proposer des recommandations opérationnelles pour corriger les écarts, améliorer la transparence et renforcer la performance budgétaire de l’État.

Dans un pays où à peine 2% des crédits d’investissement ont été effectivement exécutés à mi-parcours, révélant un blocage profond dans la traduction budgétaire des promesses de développement; où le Fonds de péréquation, pourtant inscrit dans la Constitution et la loi de finances, demeure une fiction institutionnelle, privé de mécanismes clairs de financement et d’allocation; où la majorité des ressources publiques continue d’être absorbée par les institutions politiques à travers des charges de fonctionnement pléthoriques, des privilèges budgétivores et des dépenses à faible impact socio-économique, cette analyse se veut à la fois un outil de veille citoyenne, un instrument d’alerte pour les décideurs publics, et un levier de plaidoyer pour une réforme budgétaire en profondeur.

Elle appelle à replacer le budget de l’État dans sa vocation première : servir le développement, garantir les droits sociaux fondamentaux, réduire les inégalités territoriales et renforcer la redevabilité dans la gestion des ressources publiques.

Pour l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) 

Prof Florimond MUTEBA TSHITENGE 

Président du Conseil d’Administration