Les premiers soldats kényans sont arrivés samedi à Goma, dans l’Est de la RDC, dans le cadre d’une force régionale est-africaine, alors que l’armée congolaise affrontait le M23 au nord de la ville.
Au lendemain d’une contre-offensive militaire contre les positions du Mouvement du 23 mars (M23), cette rébellion tutsie, qui a repris les armes fin 2021, a progressé samedi de quelques kilomètres vers Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu de plus d’un million d’habitants, selon des sources sécuritaires et des témoins sur place contactés par l’AFP.
En fin de journée, les affrontements entre l’armée et le M23 se poursuivaient à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma, autour de Kibumba et Gikeri, un ancien poste de contrôle du Parc national des Virunga.
«Nous ne savons plus par où passer pour fuir», a témoigné un habitant retranché chez lui avec ses voisins dans la périphérie de Kibumba. «Depuis 15H00, ça tire à Gikeri».
«Le M23 a attaqué nos positions mais nous les avons repoussés», a assuré une source militaire sous couvert d’anonymat. L’armée n’a pas communiqué officiellement sur les combats de la journée.
Force de pacification
Samedi, deux avions transportant une centaine de militaires kényans ont atterri à Goma, où ils ont été accueillis par des dignitaires locaux, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Le lieutenant-colonel kényan Dennis Obiero a déclaré aux journalistes que leur mission était de «mener des opérations offensives» aux côtés des forces congolaises et d’aider à désarmer les milices. Il a précisé que le contingent kényan travaillerait aux côtés des organisations humanitaires.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) avait déploré vendredi le pillage de cantines scolaires qu’il soutient dans des écoles de Rutshuru-centre et Kiwanja, deux localités sous contrôle rebelle au nord de Goma.
Le parlement kényan avait approuvé mercredi le déploiement de 900 soldats dans le cadre de cette force est-africaine pour stabiliser l’Est de la RDC, en proie depuis près de trois décennies aux attaques de groupes armés.
Plus de 120 de ces derniers sont actifs dans la région, beaucoup étant un héritage des guerres régionales qui ont flambé au tournant du millénaire.
La force militaire de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), annoncée en juin par les dirigeants des sept Etats membres de l’EAC (Burundi, Kenya, Rwanda, Tanzanie, Soudan du Sud, Ouganda et RDC), sera placée sous commandement kényan. Sa taille et ses objectifs restent flous pour l’instant.
Regain de tension
Les nouvelles violences du M23 ont provoqué un regain de tension entre la RDC et le Rwanda, accusé par Kinshasa depuis le début de l’année de soutien actif à cette rébellion.
Un rapport confidentiel de l’ONU, consulté en août par l’AFP, pointe une implication du Rwanda auprès du M23. Des dirigeants américains ont aussi évoqué une aide de l’armée rwandaise au M23.
Kigali dément et accuse en retour la RDC – qui nie également – de collusion avec les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), mouvement de rebelles hutu rwandais, dont certains sont impliqués dans le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda.
Il y a exactement 10 ans, en novembre-décembre 2012, les rebelles du M23 avaient occupé Goma pendant une dizaine de jours, avant d’être vaincus l’année suivante par l’armée congolaise et les Casques bleus.
Après des années d’inactivité, ils ont repris les armes fin 2021 en affirmant que la RDC n’avait pas tenu sa promesse de les intégrer dans l’armée.
Ces dernières semaines, le M23 a remporté une série de victoires et augmenté spectaculairement le territoire qu’il contrôle.
Selon l’ONU, les récents combats ont provoqué le déplacement de 188.000 personnes. Plusieurs initiatives diplomatiques sont en cours.
L’une d’elles est conduite par le dirigeant angolais João Lourenço, qui préside la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Il a rencontré vendredi au Rwanda son homologue Paul Kagame, et samedi en RDC le président Félix Tshisekedi.
«Nous sommes tous concernés par la situation qui prévaut aujourd’hui dans l’est de la RDC », a déclaré samedi Téte António, le ministre angolais des Affaires étrangères, après la rencontre des deux présidents.
De son côté, le président français Emmanuel Macron s’est entretenu par téléphone avec le président kényan William Ruto, saluant le déploiement des troupes de Nairobi et réitérant son soutien «aux efforts entrepris par les pays de la région pour obtenir une désescalade», selon un communiqué du gouvernement français.
Avec VOA