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Cardinal Fridolin Ambongo : «La peine de mort pour Joseph Kabila envoie un très mauvais message»

Dans l’entretien en vidéo qu’il a accordé à Jeune Afrique, l’archevêque de Kinshasa émet des doutes sur les processus de Doha et de Washington, tout en plaidant pour un «pacte de paix», seul dispositif capable d’arrêter le cycle des violences.

Une condamnation à mort est «un échec de la société, un échec de la communauté». Cardinal Fridolin Ambongo se dit profondément «préoccupé» par la condamnation à la peine capitale de Joseph Kabila, le 30 septembre dernier par la Haute Cour militaire. «La communauté est faite pour protéger la vie, pas pour éliminer des vies», martèle le prélat dans l’entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique, en marge du forum Africa Day – un évènement organisé par la French African Foundation dont Jeune Afrique est partenaire média – qui s’est tenu à Sciences Po Paris, le 4 octobre. Un évènement lors duquel l’archevêque de Kinshasa est venu porter son message dans un amphithéâtre rempli d’étudiants venus nombreux l’écouter aborder ses thèmes de prédilection : la quête de la paix en RDC, l’appel à la réconciliation entre Congolais et la défense de la souveraineté du pays.

Pour le cardinal Ambo-ngo, la condamnation à la peine capitale de l’ancien président congolais compromet les perspectives d’un apaisement du débat politique qu’il appelle de ses vœux. «Dans un contexte où l’on cherche à rassembler les fils et filles du Congo autour d’une même table, un tel message ne favorise pas le vivre-ensemble», déplore-t-il.

DOUTES SUR LES ACCORDS DE DOHA ET WASHINGTON

Au-delà du cas Kabila, l’archevêque de Kinshasa dresse un constat sévère : les initiatives internationales — les accords signés à Doha et à Washington — n’ont pas permis d’apaiser durablement l’Est du pays. «Ces accords sont bons, mais ils ne prennent pas en compte l’ensemble des problèmes du Congo », estime-t-il.

Il insiste sur les multiples dimensions de la crise qui frappe l’Est du pays depuis trois décennies, listant les conflits communautaires, les conséquences d’une gouvernance défaillante, les tensions vives entre la RDC et ses voisins (Rwanda, Burundi, Ouganda) et les convoitises étrangères autour des minerais.

INTEGRER LES GROUPES ARMES AU DIALOGUE

Pour y répondre, l’Église catholique au Congo et l’Église du Christ au Congo (ECC) ont conçu un «Pacte pour la paix et le bien vivre ensemble », que défend cardinal Fridolin Ambongo avec force. Une « initiative inclusive qui n’exclut aucun Congolais, y compris les groupes armés ». La démarche proposée, qu’il détaille dans l’entretien, se déroulerait en trois étapes : un état des lieux des causes du conflit réalisé par des experts reconnus, la mise en place d’un dialogue politique réunissant pouvoir, opposition armée et civile, avant l’organisation d’une conférence internationale.

Cardinal Ambongo exprime également ses doutes sur le récent accord scellé entre Kinshasa et Washington, promu par Donald Trump et censé garantir aux États-Unis un accès privilégié aux minerais stratégiques. «Il y a beaucoup de questions que nous nous posons par rapport à ce deal. Nous ne connaissons pas encore les termes de cet accord, ni ses véritables objectifs», s’inquiète le prélat. «Tout est déjà sous contrôle de puissances étrangères, que reste-t-il à donner aux Américains ?»

Avec Jeune Afrique