Dès les premiers jours de publication des résultats partiels de la présidentielle du 20 décembre 2023, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, candidat n°20, était déjà parti pour une victoire écrasante. Enfin, le président de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), Denis Kadima Kazadi, l’a confirmé, dimanche 31 décembre, lui attribuant 73,34% des voix, soit l’équivalent de 13.215.366 suffrages exprimés. Ce qui le met loin devant ses deux principaux poursuivants, à savoir Moïse Katumbi (18,08 %) et Martin Fayulu (5,33%). Après un premier mandat fait des hauts et des bas, Tshisekedi jour donc sa dernière carte pour les cinq prochaines années. Il a l’obligation non seulement de convaincre mais aussi de réussir pour laisser une marque indélébile dans l’histoire politique de la RDC.
C’est fait ! Félix Tshisekedi a été réélu haut la main
Président de la République Démocratique du Congo, avec 73,34 % des voix selon les résultats partiels, annoncés dimanche à Kinshasa par la Commission nationale électorale indépendante (CENI), après un scrutin qualifié de «simulacre d’élections » par l’opposition qui en a demandé en vain l’annulation.
Dès les premiers jours de compilation des résultats partiels, Félix Tshisekedi avait déjà pris une bonne longueur d’avance par rapport à ses challengers, principalement Moïse Katumbi et Martin Fayulu. Depuis lors, ces derniers n’ont pas pu le rattraper, laissant le candidat n°20 filer devant pour un second mandat.
Après son écrasante victoire, les premiers mots du Président Tshisekedi ont été ceux de l’unité. «Je suis réélu président de tous les Congolais, c’est dans un esprit d’ouverture que j’exercerai ce deuxième mandat », a-t-il déclaré depuis son QG de campagne, devant lequel s’étaient massés sous la pluie des centaines de sympathisants qui ont accueilli avec applaudissements et cris de joie l’annonce des résultats retransmise sur deux écrans géants.
Selon ces chiffres de la commission électorale (Céni), qui devront être confirmés par la Cour constitutionnelle pour devenir définitifs, Félix Tshisekedi, 60 ans, au pouvoir depuis janvier 2019, a largement devancé son principal challenger, l’ancien gouverneur du Katanga (sud-est) Moïse Katumbi, crédité de 18,08 % des voix.
Dans ce scrutin à un seul tour, arrivent ensuite Martin Fayulu, candidat malheureux à la présidentielle de 2018 (5,33 %), puis l’ancien Premier ministre (2008-2012) Adolphe Muzito (1,12 %). La vingtaine d’autres candidats, dont le Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix pour son action auprès des femmes victimes de viols de guerre, n’atteignent pas 1 % des voix.
Selon la Céni, le taux de participation aux élections des 20-21 décembre a été de 43 % des inscrits.
Les premières contestations
Si Adolphe Muzito, arrivé 5ème, selon les résultats partiels, a adressé un message de félicitations à Félix Tshisekedi, le camp de Moïse Katumbi est plutôt resté silencieux, promettant d’activer l’article 64 de la Constitution pour revendiquer la victoire «volée » du candidat n°3.
Les premières contestations des résultats provisoires de la CENI sont plutôt venues d’un collectif de neuf candidats à la présidentielle du 20 décembre, avec à sa tête Martin Fayulu.
«Nous rejetons catégoriquement ce simulacre d’élections », ont lancé dans une déclaration commune neuf candidats de l’opposition. «Nous demandons à notre peuple, dès la proclamation de la fraude électorale, de protester massivement dans la rue », ont-ils ajouté. «C’est une mascarade », a insisté Martin Fayulu devant la presse.
Les observateurs indépendants ont cependant un point de vue contraire. La performance de Félix Tshisekedi est « au-delà de toutes les prévisions », note Trésor Kibangula, analyste politique à l’institut de recherche Ebuteli. «Sa dynamique de campagne a fonctionné », a-t-il déclaré à l’AFP.
Mais les scores très élevés enregistrés dans certaines régions «interrogent » sur «l’impact des irrégularités » constatées par les observateurs.
Scène des réjouissances à travers le pays
Aussitôt que le président de la Céni Denis Kadima a déclaré : «Est élu à titre provisoire le candidat N°20 Félix-Antoine Tshisekedi avec 13.215.366 suffrages, soit 73,34 % », dans la commune de Limeté au siège du parti présidentiel UDPS, les partisans ont poussé des cris de joie, rapportait l’ACP.
«Nos enfants continueront à étudier gratuitement jusqu’au secondaire », s’est réjouie Mme Lucie Imangola, présidente de l’association des Femmes solidaires et dynamiques de Goma (Nord-Kivu, est). «Tshisekedi pourra parachever ce qu’il n’a pas terminé pendant le premier mandat à cause de la guerre et des épidémies qui ont frappé le monde, et la RDC n’a pas été épargnée », a analysé auprès de l’ACP Fabrice Ndabavunye, boucher à l’abattoir public de Goma.
A Kasumbalesa dans le Haut-Katanga (sud-est), la population a pris d’assaut les grandes avenues en scandant des slogans et chansons à l’honneur de Tshisekedi : «pour la paix, la cohabitation pacifique entre Congolais et pour l’unité ».
A Lubumbashi, capitale minière du Haut-Katanga (sud-est), fief de l’opposant Moïse Katumbi, des partisans du président provisoirement élu sont sortis dans les rues pour manifester leur joie, bravant la pluie sous le refrain de la chanson fétiche «Léo njo Léo» (C’est aujourd’hui ou jamais) dans l’espace appelé Matshipisha, de la commune de Lubumbashi. Le poursuivant direct, selon les résultats provisoires publiés par la Céni est Katumbi qui s’en est sorti avec 3.258.538 voix, soit 18,08% des suffrages exprimés en sa faveur, essentiellement dans l’ex-province du Katanga où il fut Gouverneur pendant huit ans et au Maniema (est).
Pendant les trente jours de retenu plus de campagne, le candidat Tshisekedi a tenu 57 meetings que tous ses challengers durant les 30 jours de campagne électorale dans toutes les 26 provinces de la RDC. Les engagements pris par le président réélu Félix Tshisekedi sont : plus d’emplois (6,4 millions d’emplois); plus de pouvoir d’achat; plus de sécurité; une économie plus diversifiée et plus compétitive; plus d’accès aux services de base, et des services publics plus efficaces.
Le président Tshisekedi avait été proclamé dans la nuit du mercredi 20 janvier 2019 vainqueur de la présidentielle de 2018 par la Céni, avec 7.051.013 suffrages valablement exprimés, soit 38,57 %, devant Martin Fayulu (plus de 6 millions) et Emmanuel Ramazani Shadary, le dauphin de l’ancien président Joseph Kabila.
Plus de 40 millions d’électeurs, sur un total d’environ 100 millions d’habitants que compte la RDC, étaient appelés aux urnes pour élire leur président mais aussi leurs députés nationaux et provinciaux et, pour la première fois, leurs conseillers locaux. A peine 18 millions d’électeurs, soit environ 43% de taux de participation, ont participé aux scrutins du 20 décembre 2023 qui se sont étalés, en raison des contraintes logistiques, sur quatre jours – une exception dans l’histoire électorale de la RDC.
Le quadruple scrutin était prévu le 20 décembre. Mais en raison de nombreux problèmes logistiques, il a été étendu au 21 par la Céni et s’est poursuivi plusieurs jours dans certaines zones reculées, jusqu’au 27 selon une mission d’observation des Eglises catholique et protestante.
Selon son propre comptage, cette mission dit avoir constaté qu’un candidat s’est « largement démarqué des autres, avec plus de la moitié des suffrages à lui seul ». Elle ajoute cependant avoir «documenté de nombreux cas d’irrégularités susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats de différents scrutins en certains endroits ».
Pour l’instant, il y a un calme relatif, après l’annonce de ces premiers résultats à la présidentielle. Avec les fêtes de fin d’année, l’attention de la population est plus portée vers ces festivités. Mais, des tensions post-électorales sont toujours redoutées, après les fractures sociales qu’on a constatées pendant la période pré-électorale.
Craignant une escalade dans un pays totalement fragile dans sa partie Est, les Etats-Unis ont d’ores et déjà appelé dimanche à la résolution pacifique et transparente de tout différend électoral en République démocratique du Congo, tout en soulignant suivre le processus «de près».
«Tout litige électoral devrait être résolu pacifiquement et conformément à la loi électorale congolaise », a déclaré un porte-parole du département d’Etat, sans féliciter immédiatement M. Tshisekedi. Et d’ajouter : «Nous appelons les autorités compétentes à veiller à ce que toute plainte soit traitée de manière équitable et transparente ».
Quoi qu’il en soit, dans une campagne où il s’est entouré de grands alliés, tels que Vital Kamerhe, Jean-Pierre Bemba, Antipas Mbusa Nyamuisi, qui l’ont aidé à quadriller tout le territoire national, Félix Tshisekedi avait plus de chance de rempiler face aux concurrents qui n’ont pas eu assez de moyens pour le concurrencer sur le terrain.
Après un premier mandat qui était mal parti, embourbé dans une coalition FCC – CACH, qui ne lui avait pas laissé les mains, Félix Tshisekedi n’aura donc plus d’excuses pour son second et dernier mandat. Il a non seulement non l’obligation de réussir mais surtout d’entrer par la grande porte dans l’histoire politique de la République Démocratique du Congo.
Econews