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Cobalt : les décisions congolaises contrarient autant les chinois que les américains (Projet Afrique Chine)

Alors que la République démocratique du Congo (RDC) impose un moratoire et des quotas à l’exportation pour reprendre le contrôle de son marché du cobalt, ses décisions créent un effet domino inattendu en contrariant simultanément les intérêts stratégiques de la Chine et des États-Unis. Cette nouvelle politique congolaise, à l’origine d’une flambée et d’une volatilité historiques des prix, a notamment forcé l’agence logistique du Pentagone (DLA) à annuler un ambitieux appel d’offres visant à constituer un stock stratégique de 7 500 tonnes de cobalt. Un revers pour Washington, qui cherchait à sécuriser une supply chain indépendante de la domination chinoise, et un paradoxe alors que Kinshasa comptait justement sur l’intérêt américain pour ses minerais critiques comme levier diplomatique. Les mesures destinées à limiter l’influence de Pékin sur la production – dont la RDC assure plus de 70 % de l’offre mondiale – complexifient ainsi, dans l’immédiat, les ambitions de tous les grands acteurs.

L’instabilité récente des prix du cobalt, amplifiée par la décision de la République démocratique du Congo (RDC) d’imposer un moratoire sur les exportations et de mettre en place un système de quotas, semble avoir compromis les ambitions de la Defense Logistics Agency (DLA), l’agence logistique du ministère américain de la Défense.

En août 2025, la DLA a lancé un appel d’offres pour l’acquisition de 7 500 tonnes de cobalt, destinées à renforcer les stocks stratégiques des États-Unis. Le projet prévoyait l’attribution d’un contrat à prix fixe, d’une valeur minimale garantie de 2 millions de dollars et pouvant atteindre 500 millions de dollars, dans le cadre d’un contrat de type « Indefinite Delivery, Indefinite Quantity » (IDIQ). Ce dispositif visait à sécuriser, sur une période de cinq ans, l’approvisionnement en cobalt de qualité alliage sous forme de cathodes ou de rondelles.

Mais cette offre reposait implicitement sur une relative stabilité des prix internationaux du cobalt. Or, depuis la mise en œuvre du moratoire congolais, les cours ont connu une forte volatilité à la hausse.

Le prix du cobalt-métal est passé de 21.000 USD/tonne en février 2025 à 42.000 USD en octobre 2025. Prix du cobalt-métal sur lequel est calculé, en fonction d’un pourcentage donné, le prix de l’hydroxide de cobalt exporté de la RDC. Une hausse qui a eu un impact sur le prix du cobalt qualité-alliage recherché par la DLA. Le prix du cobalt de qualité-alliage a explosé au cours des cinq derniers mois. Selon Fastmarkets, son prix à Rotterdam est passé de 12,50 à 14,00 USD la livre en février 2025, avant le moratoire congolais sur les exportations, à 21,00 à 22,50 USD la livre à la mi-octobre.

Soucieuse d’éviter le cobalt provenant de la RDC ou des chaînes d’approvisionnement dominées par la Chine, l’offre de la DLA préférait des fournisseurs qui ne pouvaient s’approvisionner qu’auprès de raffineries occidentales, principalement situées aux États-Unis, au Canada ou en Europe – des sources nettement plus coûteuses.

La flambée et la volatilité des prix ont compliqué la conclusion d’engagements à long terme à prix fixe, ce qui a rendu difficile la présentation d’offres conformes aux exigences techniques de la DLA.

Officiellement, l’agence a justifié l’annulation de la procédure par des questions liées au cahier des charges, mais plusieurs acteurs du marché estiment que la dynamique haussière et l’instabilité des prix du cobalt ont également pesé sur le calendrier et la faisabilité du projet.

Alors que le président congolais Félix Tshisekedi mise sur l’intérêt des États-Unis pour les minerais critiques produits par la RDC afin d’obtenir leur soutien dans la recherche d’une issue au conflit dans l’est du pays, les mesures prises par Kinshasa pour reprendre le contrôle du marché du cobalt et limiter la domination chinoise ont, paradoxalement, eu des effets contraires pour Washington.

La République démocratique du Congo produit plus de 70 % de l’approvisionnement mondial en cobalt. Ce métal est un composant essentiel des batteries et est considéré comme un élément clé de la transition vers les énergies renouvelables.

Avec projetafriquechine.com

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