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Constant Mutamba traqué de toutes parts : l’Icare congolais en plein vol périlleux

Nouvelle tempête judiciaire pour Constant Mutamba ! Après le scandale du projet de prison à Kisangani, le ministre d’État en charge de la Justice est désormais visé par un réquisitoire du Procureur général près la Cour de cassation pour «outrage aux corps constitués». Des propos incendiaires tenus le 26 mai devant son ministère – où il évoque des «vols» dans la magistrature et promet «la guerre» à ses adversaires – pourraient lui coûter cher. Accusant ses détracteurs de monter un «dossier tribalo-ethnique», le Garde des Sceaux, qui affirme détenir des « dossiers sales» sur ses ennemis, joue son avenir politique dans cette crise institutionnelle sans précédent.

L’ascension fulgurante de Constant Mutamba, jeune ministre d’État en charge de la Justice, ressemble de plus en plus à celle d’Icare, ce personnage mythologique qui, volant trop près du soleil, vit ses ailes fondre avant de s’écraser. Après l’affaire controversée du projet de prison à Kisangani, le Garde des Sceaux fait aujourd’hui face à un nouveau réquisitoire du Procureur général (PG) près la Cour de cassation, Firmin Mvonde, pour outrage aux corps constitués, mettant en péril sa carrière politique aussi brillante qu’éphémère.

UN DISCOURS QUI FAIT OFFICE DE PIEGE A RETARDEMENT

Le 26 mai 2025 devant le Palais de justice de Kinshasa, Constant Mutamba s’est adressé à une foule de partisans dans un langage qui pourrait bien sceller son destin politique. Selon la correspondance lue vendredi par Jacques Ndjoli à l’Assemblée nationale, le ministre aurait tenu des propos qualifiés d’«outrage envers les membres du Gouvernement », de «provocations et incitations», voire de «menaces d’attentat contre l’intégrité physique».

«Je les attends, mais avant de m’arrêter, ils vont arrêter le peuple congolais », aurait déclaré le ministre, ajoutant : «Ils ont volé tout cet argent » en référence aux fonds des parquets. Des paroles explosives qui, selon les experts juridiques, pourraient constituer plusieurs infractions pénales.

Face à ces accusations, Constant Mutamba a opté pour la contre-attaque frontale. Dans ce qui ressemble à une stratégie de diversion, il dénonce un «dossier tribalo-ethnique» monté dans « les salons» de ses adversaires pour le déstabiliser, lui et le président de la République. Plus grave encore, il affirme détenir des «dossiers sales» sur ses ennemis politiques, qu’il accuse de mafia judiciaire, y compris dans le recrutement des jeunes magistrats.

«Ils m’ont cherché la guerre, ils l’auront», aurait lancé le ministre à ses partisans, les appelant à «rester debout» face à ce qu’il présente comme une persécution politique. Une rhétorique qui, loin de calmer le jeu, attise les tensions institutionnelles.

LA CHUTE PROGRAMMEE D’UN AMBITIEUX ?

Analystes et observateurs politiques voient dans cette affaire le point culminant d’une ascension trop rapide. «Mutamba a cru pouvoir défier toutes les règles du jeu politique congolais», analyse un professeur de droit constitutionnel sous couvert d’anonymat. «Son discours populiste et ses attaques frontales contre la magistrature ont fini par lui attirer des ennemis puissants».

À l’Assemblée nationale, les réactions sont partagées. Si certains députés réclament des sanctions immédiates, d’autres, plus prudents, attendent de voir comment le pouvoir exécutif va gérer cette crise, la balle est désormais dans le camp du président de la République, qui devra trancher entre soutenir son ministre controversé ou l’abandonner à son sort.

Face à Constant Mutamba, plusieurs issues se dessinent. Il y a d’une part, la démission forcée : sous pression, Mutamba pourrait être poussé vers la sortie. De l’autre, il y a cette bataille judiciaire qui se dresse devant lui dans la mesure où le réquisitoire du PG Mvonde pourrait déboucher sur des poursuites. Enfin, le Garde des sceaux joue sa survie politique. Dans ce dernier cas de figure, le ministre pourrait se maintenir au Gouvernement en radicalisant son discours. Ce qui est peu probable.

Quel que soit le dénouement de cette affaire, une chose est certaine : l’histoire de Constant Mutamba servira de cas d’école sur les dangers de l’ambition démesurée dans le paysage politique congolais. Comme Icare, le jeune ministre aura peut-être volé trop haut, trop vite. Reste à savoir s’il survivra à sa chute.

Hugo Tamusa