La guerre en Ukraine, et les sanctions économiques prises par les pays occidentaux contre la Russie, ont entraîné le monde dans une crise économique dont nul ne peut prédire avec exactitude la portée. En France, à fin-juillet 2022, les prix à la consommation ont augmenté de 0,3 % sur un mois et de 6,1 % sur un an. La situation socio-économique est telle que la sauvegarde – mieux, l’augmentation – du pouvoir d’achat était devenu le principal thème de campagne des dernières élections présidentielle et législatives, y compris – et surtout – pour Marine Le Pen, leader du parti d’extrême droite Rassemblement national, habituellement abonnée aux questions migratoires.
La situation n’est guère reluisante aux Etats-Unis où l’inflation a atteint en juin 9,1 % sur un an, un record depuis novembre 1981. Ce chiffre, pire que les prévisions attendues, marque une incroyable dégradation par rapport au mois de mai, où la hausse généralisée avait atteint 8,6%. Ici comme ailleurs, la situation s’explique par l’inflation des coûts, causée pour une bonne partie par le renchérissement des prix des produits pétroliers. On enregistre ainsi une très forte hausse des prix de l’énergie (+ 7,5 % sur un mois, + 41,6 % sur un an), mais aussi de l’alimentation (+ 1 % sur un mois, + 10,4 % sur un an).
Perspectives sombres
Globalement, la zone euro est même menacée de récession. «La poursuite de la baisse des petites et moyennes industries en août suggère qu’une récession au cours du semestre hivernal est de plus en plus probable», prédit de son côté Christoph Weil, économiste de Commerzbank AG, deuxième groupe bancaire allemand coté en termes de capitalisation derrière la Deutsche Bank, interrogé par nos confrères de Reuters. Avant d’ajouter : «La Russie ne livre du gaz qu’en quantité limitée, l’inflation élevée met à l’épreuve les comptes en banques des ménages, les entreprises sont confrontées à des incertitudes massives : les perspectives économiques de la zone euro sont sombres».
Partie du Nord, cette crise déferle sur le monde comme dans une sorte d’effet boule de neige. De nombreux pays sont quasiment étranglés par l’inflation qui atteint des sommets : 500% au Venezuela; 60,5% en Turquie; 86,7% au Zimbabwe; 245,1% au Soudan. Dans ce dernier pays, le prix du pain, principal aliment de la population, a été multiplié par 10 ! Autre exemple : au Burundi voisin, les pénuries de carburant ont atteint un niveau de gravité qui complique cruellement le quotidien de la population. Chaque jour qui passe, des files d’automobilistes excédés s’allongent devant des stations-services désespérément à sec depuis plusieurs mois. Pourtant, le 28 avril dernier, le ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines a révisé les prix du carburant à la pompe dans le pays pour la deuxième fois depuis le début de l’année – la première révision ayant eu lieu le 27 janvier 2022. Le prix de l’essence est ainsi passé de 2.700 à 3.250 francs burundais le litre, alors que le litre du mazout est passé de 2.650 à 3.450 Fb. Pour autant, cette valse des prix n’a pas amélioré la situation : la pénurie est toujours telle que les conducteurs de véhicules sont réduits à s’approvisionner sur le marché noir où le prix du litre d’essence atteint – voire dépasse – les 15.000 Fb. Le prix de la course en taxi qui était de 5.000 Fb est désormais de 10.000 Fb. On commence déjà à parler de paralysie du pays.
Actions à saluer
S’il est vrai que la situation reste difficile comme partout ailleurs, la RDC à tirer son épingle du jeu. Dans la semaine du 15 au 21 août 2022, le taux d’inflation hebdomadaire était de 0,27%, soit un cumul annuel à 7,686%. Une douce politique de relèvement des prix des produits pétroliers par paliers combinée à un approvisionnement régulier du pays a permis la stabilité dans la fourniture du carburant, sans provoquer une hausse généralisée des prix des transports en commun. Depuis avril, les salaires des fonctionnaires de l’Etat ont connu une augmentation d’environ 30% (contre une augmentation de seulement 3,5% en France fin-juin dernier) suite aux négociations entre l’Intersyndicale et le gouvernement qui ont conclu et signé un avenant au protocole d’accord de Bibwa, la localité située dans la partie Est de la ville de Kinshasa où s’est tenue la commission paritaire gouvernement-banc syndical en novembre 2021.
Cette augmentation sera progressive puisqu’une autre hausse de 45% sera prévue pour le troisième trimestre 2022. Dans le même temps, toujours dans le souci d’augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires, l’exécutif national avait décidé de réduire de 15% à 3% l’impôt sur le revenu professionnel, IPR. Certains diront que ce n’est pas suffisant au regard de la situation générale qui date de plusieurs années. Certes, mais il s’agit ici des actions à saluer dans un monde plongé dans l’incertitude.
On peut même se poser la question de savoir comment Félix Tshisekedi a-t-il réussi ce pari pendant que le monde est en crise, et que nombreux autres pays frôlent la récession ? D’abord, une politique monétaire rigoureuse, fondée sur la gestion sur base caisse, qui évite un affolement du taux de change : le marché de change est ainsi resté stable avec les faibles variations du taux de change. En cumul annuel, à fin-juillet, le FC n’avait perdu que 0,2% de sa valeur sur le marché officiel contre une appréciation de 0,3% au parallèle.
Réserves de change record
Ensuite, une mobilisation plus efficace des recettes internes. Au mois de juillet 2022, les trois régies financières nationales de la Rdc que sont la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (Dgrad), la Direction générale de l’impôt (Dgi) et la Direction générale des douanes et des Accises (Dgda), ont mobilisé 1.701,9 milliards de francs congolais, soit 117% par rapport aux assignations du mois estimées à 1.458,8 milliards Cdf. Ce chiffre est en hausse de 63,86% par rapport aux 1.087 milliards de Fc collectés en juin.
Troisième élément : des réserves de change record. En effet, au 11 juillet 2022, le niveau de réserve de change s’est situé à un niveau historique, évalué à 4,2 milliards USD. Cette hausse observée avec la première semaine du mois de juillet est principalement consécutive au financement obtenu du Fonds monétaire international (FMI) de l’ordre de 203 millions USD au titre d’appui à la balance de paiement à la faveur de la conclusion de la revue du programme appuyé par la facilité élargie de crédit, comme l’a souligné la gouverneure de la Banque centrale du Congo, Mme Kabedi Malangu Mbuyi.
De même, un taux de croissance projeté à 6,1% pour 2022 reste principalement portée par le dynamisme du secteur minier, contre, à titre d’exemple, 0,7% dans la zone euro – ce qui l’empêche juste de tomber en récession –, et une moyenne attendue de 3,6% pour l’Afrique pour l’année 2022.
Tous ces facteurs réunis ont permis au Chef de l’Etat congolais et à son gouvernement de maintenir le pays dans le lot des pays qui s’en sortent plutôt bien dans la morosité mondiale générale.
Belhar Mbuyi (CP)