La force régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC-RF), jugée inefficace par Kinshasa qui a du reste décidé de ne pas renouveler le mandat, a commencé dimanche matin à quitter la RDC. Des sources locales rapportent que les rebelles du M23 ont directement repris les positions jadis occupées par cette force.
Un premier groupe d’une centaine de militaires kényans de la force régionale, qui comprend également des soldats ougandais, burundais et sud-soudanais, a quitté la région depuis l’aéroport de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, à destination de Nairobi. Leur avion a décollé peu après 5h locales (3h GMT) ce dimanche 3 décembre.
Un porte-parole de l’EAC-RF sur place a confirmé que l’appareil se rendait à Nairobi et n’emmenait que des militaires kényans, mais n’a pas donné dans l’immédiat d’autres précisions sur la suite du retrait de la force.
Les soldats kényans avaient commencé à arriver à Goma en novembre 2022, environ un an après la résurgence dans le Nord-Kivu de la rébellion du M23 (Mouvement du 23 mars) qui, avec le soutien du Rwanda selon de nombreuses sources – ce que Kigali dément, s’est emparé de vastes pans de la province. Les autorités congolaises avaient alors invité l’EAC à déployer sa force pour libérer des espaces conquis par les rebelles.
Mais la population de la région et le gouvernement congolais se sont vite montrés très critiques vis-à-vis des troupes de l’EAC, leur reprochant – à l’exception des Burundais – de cohabiter avec les rebelles plutôt que de les contraindre à déposer les armes. À l’issue d’un sommet de l’EAC tenu le 25 novembre, l’organisation régionale a annoncé dans un communiqué que la RDC «ne renouvellerait pas le mandat de la force régionale au-delà du 8 décembre 2023 ».
Ce départ des soldats kényans intervient alors que des combats continuent d’opposer le M23 à l’armée congolaise appuyée par des miliciens se présentant comme «patriotes». Un soldat kényan de la force régionale avait été tué le 24 octobre par des éclats d’obus.
Enjeu électoral
Outre la force de l’EAC, la mission de l’ONU, la Monusco, anciennement Monuc, est présente en RDC depuis 1999. Cette dernière se trouve elle aussi accusée d’inefficacité et Kinshasa demande son départ, «ordonné» mais «accéléré», à partir de janvier 2024. La Monusco comprend environ 14.000 Casques bleus, déployés presque exclusivement dans l’Est du pays.
Des élections générales sont prévues le 20 décembre en RDC, lors desquelles Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, est candidat à un second mandat de cinq ans. Mais en raison de la rébellion du M23, les élections ne pourront toutefois pas avoir lieu dans deux territoires du Nord-Kivu.
Pour remplacer la force de l’EAC, Félix Tshisekedi compte notamment sur le déploiement de contingents de la communauté d’Afrique australe (SADC) à laquelle appartient également la RDC. Mais la mise sur pied de cette force, évoquée depuis le mois de mai, ne s’est jusqu’à présent pas concrétisée.
Le M23 récupère les positions de l’EAC-RF
Aussitôt partie, les positons laissés vacantes par la force régionale ont directement été récupérées par les rebelles du M23 au niveau de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo. C’est qu’a affirmé Bertrand Bisimwa, leader du M23, sur son compte X (ex-twitter).
«En ce moment où la force régionale entame son retrait de la RDC sur décision du régime de Kinshasa, le M23 n’entend pas laisser ses espaces qu’il avait cédés à l’EACRF être envahis par la coalition des forces du régime de Kinshasa », a écrit Bertrand Bisimwa.
Depuis fin 2022, environ un millier d’anciens militaires européens, présentés par Kinshasa comme des «instructeurs » et répartis dans deux sociétés privées, sont également présents dans le Nord-Kivu. Les autorités congolaises affirment aussi que l’armée nationale est en train de monter en puissance, avec l’objectif d’assurer elle-même la défense du territoire et de protéger le pays des «agressions» de ses voisins, le Rwanda en particulier.
Avec AFP