La saga politique de la mi-saison 2023 aura été, sans conteste, l’affaire de Fortunat Biselele Kayipangi, considéré comme le bras droit du Chef de l’Etat. Elle aurait pu demeurer au top du hit-parade jusqu’au 30 juin si l’opposition n’avait pas appelé à des manifestations qui ont, par la suite, conduit à des violences, des interpellations et des perquisitions. Pour tous les observateurs de la scène politique congolaise, la déchéance de Fortunat Biselele restera un mystère, tant elle continue à susciter des questions qui demeurent sans réponse.
Arrêté en toute violation de la Constitution et de ses droits fondamentaux les plus élémentaires, détenu en garde à vue de six jours, largement au-delà du délai légal de 48 heures, Fortunat Biselele, dit «Bifort», a été par la suite présenté à son juge naturel.
Au cours d’une audition dont les circonstances s’apparentent à une séquestration, sans droit de voir ni avocats ni membres de famille, les OPJ de l’ANR s’étaient permis, sans réquisition express du procureur comme l’exige la loi, de fouiller ses téléphones et d’en faire un décryptage sélectif dans l’intention bien compris de nuire. A sa charge, les services lui reprochent des propos tenus lors d’une interview, qui relèveraient d’une maladresse, avec le journaliste camerounais Alain Foka ! Si c’est seulement pour ça, ces propos, au cas où ils auraient suscité la polémique aurait pu, à la limite et si besoin, voir l’intéressé écoper d’une sanction administrative de la part de sa hiérarchie plutôt que d’une arrestation rocambolesque.
Pour une émission publique à grande audience, l’opinion se pose la question de savoir comment la sortie médiatique de Fortunat Biselele peut-elle, du coup, être érigée en infraction de « trahison » vis-à-vis du chef de l’Etat alors que, sur le même sujet, d’autres personnalités proches du Président Tshisekedi, notamment l’ancien conseiller principal Marcellin Bilomba et le ministre Nicolas Kazadi, pour ne citer que ceux-là, n’ont jamais fait l’objet d’une moindre interpellation après avoir tenu des propos d’une extrême gravité sur les relations RDC-Rwanda sur Top Congo et Télé 50.
Aujourd’hui, l’opinion se pose la question du pourquoi de toutes ces faussetés savamment répandues sur la personne de Fortunat Biselele, malicieusement relayées par certains médias de la presse internationale, comme cette prétendue découverte d’une somme de 7 millions de dollars américains à son domicile et d’un passeport rwandais en cours de validité à l’issue d’une perquisition qui n’a jamais eu lieu.
Au demeurant, les observateurs s’interrogent sur ce que ce congolais originaire du Kasaï de père et de mère et détenteur d’un passeport diplomatique de son pays qui lui permet d’aller n’importe où qu’il voudrait dans le monde, pourrait bien faire avec un passeport rwandais. D’où la question de savoir si, finalement, Fortunat Biselele n’est-t-il pas victime du stratagème diabolique à la mode actuellement à Kinshasa, tel que détaillé par un jeune comédien kinois : « Soki olingi babeta mbanda na yo na balabala, belela que azali Rwandais (Traduction : Si tu veux livrer ton rival à la vindicte populaire sur la place publique, crie seulement qu’il est rwandais) ».
La controverse au sujet du dossier Biselele découle également de l’attitude pour le moins étrange de la justice à l’endroit de celui qui semble payer pour sa loyauté à l’endroit du Président Tshisekedi avec qui, des années durant, il a eu à tisser des liens fraternels et professionnels. La présence de Monsieur Éric Kuku comme magistrat instructeur alors qu’il n’en a pas qualité, éloigne toute perspective d’intégrité de la procédure étant donné que l’intéressé exerce à la présidence de la République la charge de coordonnateur adjoint de la Coordination de la jeunesse et de lutte contre les violences faites aux femmes, fonction incompatible, de par la loi, avec l’exercice de la magistrature.
Cette irrégularité flagrante maintes fois dénoncée par les avocats de la défense devrait amener le tribunal à annuler toute la procédure car nepouvant garantir ni l’équité du procès ni la neutralité des juges.
Sauf si, et comme il paraît, la justice concédait à servir d’instrument politique des règlements des comptes. Dans tous les cas, Fortunat Biselele et sa défense font pleinement confiance à la justice et ne doutent, à aucun instant, de sa disponibilité à rester l’église au milieu du village, conformément à l’état de droit, clé de voûte de la vision du chef de l’Etat.
La défense de Fortunat Biselele s’en remet à la justice pour que le dossier relatif à la détérioration de son état de santé soit favorablement réexaminé pour que leur client bénéficie des soins appropriés et qu’il soit en bon état de santé pour répondre à ses obligations de justiciable. De la même manière, elle continue à réclamer la restitution du véhicule de leur client indument saisi par l’ANR le jour de son arrestation et qui ne constitue pas, sur le plan du droit, ni un élément d’enquête et encore moins une pièce à conviction.
Me Béatrice Wali Tinzoni (CP)