Réconciliation entre Mpoy et Ngobila : la loi de l’omerta a triomphé

Un vieil adage rappelle que les loups ne se mangent pas entre eux. Dans la capitale congolaise, le conflit – en apparence – qui a opposé Godé Mpoy, président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, et Gentiny Ngobila, gouverneur de la ville, a eu l’effet d’un météore. Ce n’était finalement qu’un pétard mouillé, car les deux personnalités ont vite décidé, devant témoins, de fumer le calumet de la paix. Ainsi, le secret des comptes de la ville seront bien gardés et aucune révélation ne sera faite aux Kinois qui attendaient déjà des réponses sur les principaux griefs portés contre le patron de la ville de Kinshasa, à savoir le personnel fictif qui fait perdre à la ville près de 1,7 milliard de francs congolais par mois, les comptes parallèles et les faux documents comptables. Parce que les deux autorités de la ville (législatif et exécutif) ont tu leurs divergences, on peut dès lors supposer que la ville de Kinshasa est bien gérée. Et Godé Mpoy, qui n’a plus rien reproché à Ngobila, peut allégrement s’occuper de son église de Bandalungwa et de l’Assemblée provinciale de Kinshasa. La loi de l’omerta a donc triomphé. Comme à la Camorra, Mpoy et Ngobila ont rangé leurs artilleries en décrétant un cessez-le-feu unilatéral. Sans toutefois vider les griefs qui pèsent toujours sur l’exécutif provincial.

Après environ une semaine de tirs croisés entre Godé Mpoy, le président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, et Gentiny Ngobila, le chef de l’exécutif provincial, les deux autorités provinciales ont décidé de fumer le calumet de la paix. Si de leur côté la hache de guerre a été enterrée, du côté des Kinois et des élus provinciaux on pense que les vrais problèmes qui les divisaient persistent encore. La présence des agents fictifs sur les listes de paie, l’existence de comptes parallèles, la création de fausses pièces comptables et la gestion opaque de la ville, sont là les griefs retenus contre le gouverneur Ngobila. Ce n’est pas par une simple poignée de main entre le contrôleur et le gestionnaire qu’on peut effacer les infractions commises dans la gestion de la chose publique.

Depuis quelques jours, les Congolais de Kinshasa ont assisté bouche bée aux tirs croisés entre Godé Mpoy et Gentiny Ngobila. Godé Mpoy accusait le chef de l’exécutif provincial d’opacité dans sa gestion des affaires à la tête de la ville de Kinshasa.

A en croire ce qui a été mis sur la place publique, il voulait voir clair sur la gestion de certains dossiers cruciaux de la province par l’autorité urbaine.

Notamment sur le dossier relatif aux engagements de l’Assemblée provinciale et des députés provinciaux auprès d’Afriland First Bank, celui des agents fictifs sur la liste de paie de l’Hôtel de ville de Kinshasa (faisant perdre à la province environ 1,7 milliard de CDF), l’utilisation des comptes parallèles (servant au détournement de l’argent de la ville) et l’utilisation des faux documents (servant à couvrir les détournements de fonds publics.

Le président de l’assemblée provinciale l’a lui-même affirmé sur le plateau d’une télévision locale où il était invité. Vrai ou faux, ces révélations sont graves.

Une question reste pendante dans la tête des Congolais, les vrais problèmes à

la base du couac entre Godé Mpoyi et Ngobila ont-ils été résolus ? En tout cas, à première vue, non. Sinon les députés provinciaux n’auraient pas exigé une plénière à huit clos pour éclairer toutes les zones d’ombre et remettre les pendules à l’heure.

Selon des indiscrétions qui ont fuité, devant témoins, Gentiny Ngobila aurait rassuré de prendre en charge la dette de 3 millions USD que le bureau Mpoyi a contracté pour le crédit véhicules, avec des taux d’intérêt qui ont augmenté.

Mais pour les crédits maisons, le problème demeure, il semble que chaque député provincial doit se débrouiller pour payer et la donne Levy Mpayi, Ngobila aurait convaincu que celui-ci serait son suppléant tout simplement. Il ne serait pas candidat à Bandalungwa.

CETTE GUÉGUERRE N’EST PAS SANS CONSÉQUENCE

Malgré le cessez-le-feu signé entre Ngobila et Mpoy, cette guéguerre n’est pas sans conséquence, car le sujet est loin d’être oublié par le commun des mortels. Même sur le groupe Whatsapp des élus provinciaux, «APK NEWS », le dossier fait jaser.

Ils veulent voir clair dans ce dossier où beaucoup de révélations ont été mises sur la place publique, notamment sur tous les cadavres cachés dans les placards de l’exécutif provincial de Kinshasa. Si les deux personnalités veulent déduire ce dossier à leurs personnages, les députés provinciaux ne partagent pas cet avis. Pour eux, les faits évoqués concernent l’organe délibérant.

Raison pour laquelle ils projettent déjà une plénière à huis clos le week-end pour que Godé Mpoy s’explique devant ses collègues élus provinciaux tous les dossiers exhumés d’agents fictifs, de fausses pièces comptables de la mauvaise gestion de la ville, des arriérés des députés provinciaux, ministres et administratifs de l’Hôtel de ville et de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, traçabilité dans les emprunts de la ville, le dossier «Kin-Bopeto », et tant d’autres.

Selon une certaine opinion, si Godé Mpoyi craignait de voir les députés provinciaux se laisser corrompre, c’est plutôt lui qui s’est laissé orrompre par le gouverneur Ngobila.

Plusieurs questions taraudent encore les esprits des Congolais, notamment celle qui divise Mpoy et Ngobila.

Est-ce un problème personnel ou une réelle question de gestion de la ville?

A voir ce qui s’est passé entre les deux autorités de la ville, a prouvé à la face du monde que la ville de Kinshasa est gérée à la manière d’une boutique familiale. Les deux personnalités gèrent la ville au pifomètre et dès que leurs intérêts sont en jeu, elles n’hésitent pas à se rentrer dedans. Lorsque la tempête se calme, ils renégocient et sacrifient les Kinois.

Si les députés provinciaux veulent prouver que l’Assemblée provinciale de Kinsha sa n’est p as une caisse de résonance du gouverneur de la ville, ils doivent briser le silence, sinon ils seront complices de la flagornerie de deux hautes personnalités de la province.

Sinon comment comprendre que Gode Mpoy ait fait des vitupérations, lancé des mises en demeure, sans que Ngobila ne s’en émeuve outre mesure. Certains députés provinciaux vont jusqu’à confirmer que Gode Mpoy travaille pour Ngobila et non pour l’assemblée provinciale de Kinshasa.

Même si visiblement entre les deux hautes autorités de la ville ont voulu prouver à la face du monde que la hache de guerre est enterrée, ce n’est pas une poignée de main entre le contrôleur et le gestionnaire ne peut effacer les infractions commises dans la gestion de la chose publique. Un exemple de trop de la privation et de la théâtralisation de l’Etat.

L’UNION SACRÉE S’INTERPOSE

La réconciliation entre Mpoy et Ngobila a été négociée en haut lieu de l’Union sacrée de la nation. Au moment où la majorité au pouvoir fait face à une Opposition qui monte en puissance, l’Union sacrée ne pouvait pas tolérer que deux de ses cadres étalent leurs différends sur la place publique. Ça aurait, se dit-on au sein de l’Union sacrée, une belle manière de donner des armes à l’Opposition pour régler des comptes au pouvoir en place.

Ramener le calme entre Mpoy et Ngobila a donc été décidé au niveau de la plus haute hiérarchie de l’Union sacrée.

Ce qui justifie le regard évasif et plein de rage qu’affiche Godé Mpoy sur la photo de réconciliation publiée. En réalité, le président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa a été contraint de se renier et de tendre la main au gouverneur Ngobila en épongeant toutes les charges lui imputées. Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que Godé Mpoy a dû reculer.

Au nom de la cohésion et de la solidarité derrière le Président de la République, Godé Mpoy a été poussé à vider son enveloppe d’accusations.

Gentiny Ngobila s’en sort blanchi et l’Assemblée provinciale se retrouve démunie, réduite à sa plus simple expression d’une boîte sous la coupe de l’Hôtel de ville de Kinshasa.

Après ce malheureux scénario jamais Godé Mpoy n’osera encore s’attaquer à Ngobila. Face au gouverneur de la ville, il est désormais un nain sans défense ni base arrière.

Tighana MASIALA