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Doudou Fwamba sur les traces de Kazadi. Explosion des dépenses en urgence : vive colère du FMI

Le FMI tire la sonnette d’alarme : sous la gouvernance de Doudou Fwamba, les dépenses d’urgence en RDC ont atteint des niveaux record, dépassant 15% du budget total au premier trimestre 2025. Une situation qui fait dire aux experts que le nouveau ministre des Finances a malheureusement pris le même chemin que son prédécesseur Nicolas Kazadi, malgré les promesses de réforme. Entre justification sécuritaire et laxisme budgétaire, Kinshasa se retrouve sous pression internationale alors que les bailleurs de fonds exigent un retour urgent à l’orthodoxie financière. La Première ministre Suminwa promet de ramener ce taux sous les 8% d’ici fin 2025, mais le FMI reste sceptique face à des engagements déjà maintes fois répétés. Entre guerre à l’Est et gestion controversée des deniers publics, la RDC parviendra-t-elle à sortir de ce cercle vicieux ?

Depuis plus de trente ans, la République démocratique du Congo est confrontée à une crise économique et sécuritaire multidimensionnelle. Parmi les multiples défis, la gestion rigoureuse des finances publiques apparaît comme un chantier majeur et déterminant pour la stabilité et le développement du pays. Pourtant, malgré plusieurs promesses de réforme et le renouvellement régulier de ses équipes dirigeantes, la RDC semble incapable de rompre avec ses habitudes budgétaires opaques, notamment l’utilisation abusive des procédures d’urgence.

C’est dans ce contexte que le Fonds monétaire international (FMI) vient de publier un rapport très critique à l’égard du gouvernement congolais. Alors que le départ de Nicolas Kazadi du ministère des Finances, souvent accusé d’avoir instauré une gestion des dépenses en « mode urgence », laissait espérer une amélioration, la réalité est toute autre. Son successeur, Doudou Fwamba, est aujourd’hui pointé du doigt pour avoir poursuivi, voire aggravé, cette tendance, au grand dam des partenaires internationaux.

Les chiffres qui dérangent

Au premier trimestre 2025, près de 15,6 % des dépenses publiques totales ont été engagées en procédure d’urgence, selon les données officielles compilées dans le rapport du FMI rendu public le 16 juillet. Ce taux est alarmant pour plusieurs raisons :

Il est presque deux fois supérieur au plafond de 8 % recommandé par les bonnes pratiques budgétaires et que le gouvernement s’était pourtant engagé à respecter.

Parmi ces dépenses d’urgence, environ 90 % sont qualifiées de « dépenses exceptionnelles » qui n’ont pas suivi le circuit normal de contrôle et de validation budgétaire.

Le contexte sécuritaire difficile dans l’Est, souvent invoqué pour justifier ce recours massif aux paiements en urgence, explique une partie mais n’explique pas tout.

Ces chiffres reflètent non seulement une mauvaise gestion, mais aussi un système budgétaire fragile et vulnérable aux pressions politiques et sécuritaires.

Un contexte sécuritaire compliqué mais pas une fatalité

Depuis plus de cinq ans, la RDC fait face à une instabilité chronique dans sa partie Est, en particulier avec la résurgence du groupe armé AFC-M23. Ce conflit a des conséquences directes sur les finances publiques :

Kinshasa a perdu 3,7 % de ses recettes fiscales à cause de la perte de contrôle sur certaines zones riches en ressources naturelles.

Les besoins sécuritaires et humanitaires ont explosé, nécessitant des dépenses immédiates et parfois imprévues.

Toutefois, cette situation ne justifie pas un recours systématique à des procédures d’urgence hors contrôle. De nombreux pays confrontés à des crises similaires parviennent à maintenir une discipline budgétaire stricte, grâce à des mécanismes institutionnels solides et à une gouvernance transparente.

Comme le souligne un expert en finances publiques : « La guerre ne peut pas être une excuse permanente pour détourner les règles. Il faut adapter les procédures, mais dans le respect de la loi. »

De Kazadi à Fwamba : la même politique budgétaire ?

Nicolas Kazadi, dernier ministre des Finances du premier mandat du Président Tshisekedi, a souvent été critiqué pour son usage systématique des paiements en procédure d’urgence, perçus comme une porte ouverte à la mauvaise gestion et à la corruption. Son départ avait suscité l’espoir d’une nouvelle ère avec l’arrivée de Doudou Fwamba, réputé technocrate rigoureux.

Or, six mois après sa prise de fonction, les chiffres du FMI révèlent une réalité décevante. Non seulement la tendance ne s’est pas inversée, mais elle s’est aggravée. Les réformes annoncées, comme l’adoption d’un décret encadrant strictement l’usage des procédures d’urgence et une circulaire du Premier ministre pour renforcer les contrôles, n’ont pas produit d’effet tangible.

Le ministre Doudou Fwamba est aujourd’hui confronté à un défi majeur : concilier les pressions politiques, la gestion des urgences sécuritaires et la nécessité d’une rigueur budgétaire qui semble absente.

Dans une lettre adressée au FMI, la Première ministre Judith Tuluka Suminwa a réaffirmé son engagement à ramener les dépenses en procédure d’urgence à moins de 8 % d’ici la fin de l’année 2025. Ce chiffre est celui que le FMI et les bailleurs internationaux jugent acceptable.

Mais cette promesse s’inscrit dans un contexte marqué par la méfiance. L’histoire récente regorge d’engagements non tenus dans ce domaine. Pour certains analystes, cet objectif semble ambitieux, voire difficile à atteindre, tant que la situation sécuritaire reste instable.

Par ailleurs, le gouvernement place de grands espoirs dans la signature et la mise en œuvre rapide des accords de paix en négociation à Doha, sous médiation internationale. Le retour à la paix serait un levier majeur pour réduire les dépenses sécuritaires et ainsi faciliter une meilleure gestion budgétaire.

Crédibilité internationale et la stabilité économique

La RDC est engagée dans des programmes économiques appuyés par la Facilité élargie de crédit (FEC) et la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD) du FMI. Ces programmes visent à assurer la stabilité macroéconomique et soutenir la croissance inclusive.

Toutefois, la poursuite de pratiques budgétaires opaques pourrait compromettre cet appui vital. Le FMI a clairement indiqué que la viabilité des programmes dépendrait de la capacité du gouvernement à rétablir une gestion rigoureuse des finances publiques.

Les partenaires financiers internationaux et bailleurs de fonds observent avec inquiétude. La persistance des dépenses en urgence à un niveau aussi élevé envoie un signal négatif sur la discipline fiscale du pays. Elle pourrait entraîner un ralentissement des flux d’aides et investissements, essentiels pour le redressement économique et social.

Le poids du politique dans la gestion budgétaire

Derrière ces chiffres se cache une réalité politique complexe. La RDC, confrontée à une crise sécuritaire prolongée, doit parfois faire face à des demandes politiques pressantes pour des dépenses rapides. Dans ce contexte, le ministère des Finances est sous forte pression pour répondre à des besoins urgents sans passer par les procédures ordinaires, jugées trop longues.

Mais cette situation favorise également des pratiques opaques, où les contrôles sont contournés, ouvrant la voie à des détournements et à une mauvaise allocation des ressources publiques.

Le défi de Doudou Fwamba est donc double : il doit affirmer son autorité dans un environnement politique fragile et renforcer les mécanismes de contrôle sans ralentir les actions nécessaires sur le terrain.

Vers une réforme institutionnelle indispensable ?

Au-delà des engagements ponctuels, plusieurs experts soulignent la nécessité d’une réforme institutionnelle plus profonde, impliquant, entre autres : renforcement des capacités de la Direction générale du Budget pour mieux contrôler les dépenses ; mise en place d’une traçabilité accrue des dépenses publiques, grâce à des systèmes informatisés ; transparence renforcée avec des publications régulières des états financiers accessibles au public ; implication accrue de la Cour des comptes et des organes de contrôle indépendants.

Sans ces mesures, la RDC risque de perpétuer un cercle vicieux où les dépenses en urgence deviennent la règle, sapant la crédibilité de l’État.

Le temps de la rigueur est arrivé

Le rapport du FMI est une mise en garde sans équivoque : la République Démocratique du Congo ne peut pas se permettre de poursuivre sur cette voie. Le pays est à la croisée des chemins. Soit il engage une véritable réforme de sa gestion budgétaire, acceptant la rigueur et la transparence comme fondements, soit il risque de perdre le soutien de ses partenaires et de s’enliser dans une crise économique aux conséquences lourdes.

Pour Doudou Fwamba, pour le gouvernement congolais, mais aussi pour toute la classe politique et la société civile, le temps est venu de faire des choix courageux. Car au bout du compte, c’est l’avenir même du pays, sa stabilité et sa prospérité, qui sont en jeu.

Econews