Le quotidien des Kinois est un calvaire quasi insurmontable : entre les embouteillages chroniques et les pluies diluviennes qui paralysent entièrement la ville, Kinshasa étouffe et a perdu de sa superbe. Le texte critique sévèrement la gouvernance actuelle, affirmant que la capitale est « presque non gouvernée » et laissée à sa déchéance, avec des autorités, y compris le Gouverneur Daniel Bumba, souvent « dépassées par l’ampleur du désastre ». Miroir de la RDC, la ville est en « déliquescence » faute d’une gouvernance éclairée, laissant ses habitants désespérés confier leur sort à la Providence.
Ils l’appelaient autrefois «Kin la belle ». Aujourd’hui, Kinshasa n’est plus que l’ombre d’elle-même. La capitale congolaise, gigantesque mégalopole de près de 17 millions d’âmes, s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos et la paralysie. Entre embouteillages apocalyptiques et inondations récurrentes, la ville étouffe, livrée à une déliquescence qui interroge l’absence criante de gouvernance et de vision à la hauteur des enjeux.
Le cauchemar commence aux aurores. Dès les premières lueurs du jour, les artères principales de la ville se transforment en parkings géants à ciel ouvert. Des colonnes de véhicules s’étirent à perte de vue, immobilisant les Kinois pendant des heures dans des transports en commun surchargés ou des voitures particulières devenues des prisons sur roues.
Calvaire au quotidien
«Je quitte ma maison à N’djili à 5h30 du matin pour espérer arriver à mon travail au Centre-Ville vers 9h ou 10h, parfois plus tard », témoigne Jean-Paul, employé dans une société de télécommunications. « Le soir, c’est le même calvaire. Je passe ma vie dans les bouchons ».
Ce phénomène, loin d’être anecdotique, ronge l’économie de la ville, affecte la productivité des entreprises et use nerveusement une population déjà éprouvée par les difficultés de la vie. L’absence totale de plan de circulation, le délabrement avancé du réseau routier, la prolifération des véhicules âgés et l’absence d’alternatives de transport en commun dignes de ce nom ont transformé la mobilité en un enfer urbain.
Si le chaos routier constitue le fond de tableau, les pluies diluviennes qui s’abattent régulièrement sur la ville en sont les coups de pinceau tragiques. Dès les premières précipitations, le spectacle est consternant : les avenues se transforment en torrents, les quartiers entiers sont submergés, et le peu d’infrastructures qui résistaient encore cède sous la force des eaux.
«La dernière fois, l’eau est entrée dans ma maison jusqu’à hauteur des genoux. Nous avons tout perdu », raconte Mariam, habitante du quartier de Matete, d’un ton triste. «Les canalisations sont bouchées par les déchets, il n’y a plus d’égouts. Nous vivons avec cette angoisse permanente à chaque saison des pluies ».
L’inexistence d’un système d’assainissement efficace et le manque d’entretien des caniveaux transforment chaque averse en catastrophe humanitaire. La ville s’arrête nette, isolant les habitants, détruisant les biens et favorisant la propagation des maladies hydriques.
L’absence criante de leadership
Face à cette double crise, structurelle et climatique, la réponse des autorités apparaît dérisoirement inadéquate. Le Gouverneur de la ville, Daniel Bumba, se contente le plus souvent de tournées de constatations, apparaissant sur les lieux des inondations ou au milieu des embouteillages, sans jamais dévoiler de plan d’urgence ou de vision à long terme.
«Il vient, il regarde, il promet, puis on ne voit plus rien », déplore un leader de la société civile. Et d’ajouter : «Nous sommes face à une abdication pure et simple de l’autorité publique. Kinshasa n’est plus gouvernée, elle est subie ».
Les observateurs pointent du doigt l’absence de politiques publiques courageuses : pas de plan de mobilité urbaine, pas de stratégie d’assainissement, pas de lutte contre l’habitat anarchique, pas d’investissements massifs dans les infrastructures. La ville semble livrée à elle-même, sombrant un peu plus chaque jour dans l’informel et l’improvisation.
Le contraste avec le Kinshasa d’antan est saisissant. La ville qui fut autrefois un symbole de dynamisme et d’élégance en Afrique centrale n’est plus aujourd’hui que le reflet de ses propres fractures. Ce déclin programmé interroge au plus haut point : comment la capitale-miroir de la RDC, pays-continent aux immenses ressources, peut-elle être ainsi abandonnée à son sort ?
«C’est comme si les autorités attendaient l’effondrement total pour prononcer l’oraison funèbre de Kinshasa», s’insurge un universitaire. «Pourtant, cette ville est le poumon économique du pays. Sa déliquescence affecte toute la nation ».
Entre résignation et résilience
Dans ce contexte d’abandon, les habitants, célèbres pour leur résilience et leur débrouillardise, tentent de survivre. Certains se tournent vers la providence, espérant un miracle. D’autres s’organisent en comités de quartier pour curer les caniveaux ou réguler localement la circulation, initiatives courageuses mais insuffisantes face à l’ampleur de la tâche.
«Nous faisons ce que nous pouvons, mais sans une vraie volonté politique, c’est comme vider l’océan avec une cuillère », regrette le président d’une association de riverains.
L’urgence est absolue. Kinshasa crie sa détresse dans les bouchons interminables et sous les eaux des inondations. Le temps n’est plus aux constats, mais à l’action. La mégalopole a besoin d’un leadership fort, d’un plan Marshall pour ses infrastructures et d’une gouvernance retrouvée. Sans cela, le glas de « Kin la belle » risque de sonner définitivement, emportant avec lui les espoirs de toute une génération. L’avenir de la RDC se joue aujourd’hui dans les rues défoncées et les caniveaux obstrués de sa capitale.
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