Présidence du sommet Turquie-Afrique en décembre, deux tournées africaines en quatre mois : Erdogan laboure autant qu’il peut le terrain africain.
À seize mois de la fin de son mandat, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, déjà aux prises avec une économie en berne, et une inflation galopante, poursuit méthodiquement sa stratégie diplomatique africaine, avec une nouvelle tournée dans trois nouveaux pays du continent : la République Démocratique du Congo, le Sénégal et la Guinée-Bissau. Pourtant, la dernière tournée du président turc sur le continent ne remonte qu’au mois d’octobre dernier; il s’était alors rendu en Angola, au Nigeria et au Togo. Puis Erdogan avait organisé à Istanbul le 3I” Forum d’économie et d’affaires Turquie-Afrique, en présence de nombreux représentants africains.
L’année 2021 s’était achevée avec la tenue du 3I” sommet de partenariat Turquie-Afrique, toujours sur les rives du Bosphore, illustrant l’investissement croissant d’Ankara sur le continent.
Économie et sécurité au programme
Ankara s’est beaucoup investi en Afrique ces deux dernières décennies sous les auspices de Recep Tayyip Erdogan pour développer les liens diplomatiques, mais aussi économiques et commerciaux, en particulier dans le domaine de la défense. Deux sujets au cœur de sa visite commencée ce dimanche 20 février 2022 à Kinshasa. Le président turc, accompagné d’une importante délégation composée de membres du gouvernement et d’hommes d’affaires de Turquie, a rencontré le chef d’État congolais, Félix Tshisekedi.
«Ce jour est un jour historique dans les relations entre la Turquie et la République Démocratique du Congo» en raison «des accords signés entre nos deux pays et qui symbolisent la volonté de raffermir nos relations», a déclaré le président Tshisekedi à l’issue d’un tête-à-tête avec son homologue turc.
Ces accords portent sur «plusieurs domaines de coopération», notamment «la sécurité, les infrastructures, la santé, le transport», a-t-il indiqué, saluant une «coopération gagnant-gagnant». Dans le domaine sécuritaire, «nous avons sollicité le soutien de la Turquie pour lutter contre les milices et groupes terroristes dans l’est de notre pays», a dit Félix Tshisekedi.
Rapprochement Ankara-Kinshasa
Cette visite «se veut le symbole d’une volonté maintes fois exprimée par Ankara et Kinshasa de renforcer leur coopération dans les domaines politiques, économiques et sécuritaires», a précisé la Présidence de la République congolaise. Elle «fait suite aux rencontres bilatérales tenues entre les deux chefs d’État» en septembre à Ankara et en décembre à Istanbul. En septembre dernier, le président Tshisekedi avait effectué une visite officielle à Ankara, également sous le signe de la coopération économique.
Le président congolais s’était ensuite rendu à Istanbul en décembre, où il a pris part au sommet Turquie-Afrique. Le volume d’échanges entre la Turquie et l’Afrique est passé en vingt ans de 5,4 milliards de dollars us à 25,3 milliards us en 2020. «Notre objectif est d’atteindre d’abord 50 puis 75 milliards us de dollars d’échanges commerciaux», a déjà fait savoir Erdogan. Depuis 2003, le volume de ses échanges avec le continent est passé de 2 à au moins 25 milliards de dollars us. Recep Tayyip Erdogan s’est rendu près d’une quarantaine de fois en Afrique depuis 2005, en tant que Premier ministre et président, toujours accompagné d’hommes d’affaires de son pays. Depuis, la Turquie a ouvert une quarantaine d’ambassades sur le continent et a étendu le réseau de la compagnie aérienne nationale Turkish Airlines.
Quant aux relations entre Ankara et Kinshasa, elles sont au beau fixe depuis plusieurs années et le volume des investissements turcs en RDC ne cesse de croître. Les deux pays sont liés depuis l’époque de Mobutu, l’Agence turque de coopération et de coordination (TIKA) était alors très active avant de connaître une longue période d’absence. Historiquement, la Turquie dispose d’une ambassade sur place depuis l’indépendance du géant d’Afrique centrale.
Désormais, entre les deux pays, le commerce bilatéral s’élève à environ 40 millions de dollars us. Mais l’influence de la Turquie va au-delà, avec notamment des ambitions en matière de défense. Le pays a inauguré sa première base militaire en Afrique en 2017, en Somalie. La RDC est confrontée à l’insécurité dans sa région orientale en raison de la présence de dizaines de groupes armés qui menacent les civils. Des opérations militaires sont en cours contre ces groupes, notamment les Forces démocratiques alliées (ADF), présentées par l’organisation État islamique (EI) comme sa branche en Afrique centrale.
Au-delà de ces deux aspects, économique et sécuritaire, de la coopération entre Kinshasa et Ankara, la lutte contre les «écoles Gülen», du nom de l’imam accusé par les autorités turques d’avoir fomenté le coup d’État de juillet 2016, figure également en tête de l’agenda de Recep Tayyip Erdogan. L’onde de choc de ce dossier avait retenti jusqu’en RDC, où Félix Tshisekedi, pas encore élu président, s’était rangé du côté d’Erdogan contre Fethullah Gülen. Depuis, l’école Safak, à Kinshasa, sous influence Gülen et dont les travaux ont coûté environ 4 millions de dollars us, est passée en 2018 sous le contrôle de la fondation Maarif de Turquie.
Econews avec Le Point Afrique