Après avoir engagé la responsabilité de son gouvernement sur la question du déficit, François Bayrou n’a pas obtenu la confiance des députés. Il revient désormais à Emmanuel Macron de trouver un nouveau locataire pour Matignon, alors que certaines oppositions appellent à une dissolution de l’Assemblée nationale, voire à la démission ou à la destitution du président de la République.
Sa chute était annoncée. D’aucuns disent même que François Bayrou l’a provoquée, en mettant en jeu son poste à la tribune de l’Assemblée nationale. Si le Palois assure n’avoir aucune intention de dire « adieu » à la vie politique, d’après RTL, il va pourtant devoir quitter ses fonctions de Premier ministre.
En effet, le vote de confiance qu’il avait lui-même sollicité, le 25 août, pour engager la responsabilité du gouvernement sur la question du déficit public sur l’effort de 44 milliards d’euros demandé pour le résorber, lui a été défavorable, à 364 voix contre, 194 pour. À titre de comparaison, l’ex-Premier ministre, Michel Barnier, était tombé avec 331 voix de députés contre lui. François Bayrou a bien remis, mardi 9 septembre, sa démission à Emmanuel Macron.
L’issue semblait jouée d’avance. Les oppositions n’avaient-elles pas tour à tour annoncé qu’elles ne voteraient pas la confiance, le 8 septembre ? Le Parti socialiste, les Écologistes, le Parti communiste, le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, le Rassemblement national avaient ainsi tous déjà acté sa chute bien avant qu’elle ne survienne.
D’ailleurs, toute la journée du 8 septembre, parallèlement au discours de politique générale de François Bayrou devant les députés à la tribune de l’Assemblée nationale, puis des prises de parole des parlementaires, et enfin du vote, des centaines d’appels à fêter le départ du Premier ministre inondait les réseaux sociaux. Lundi soir, des invitations à organiser des « pots de départ » devant des mairies de la France entière avaient été lancées et concernent Paris, Nantes, Grenoble, Strasbourg, Reims, Tours, le Havre, Brest, Saint-Malo…
LONGUE DESCENTE AUX ENFERS
D’aucuns s’étaient demandé, le 25 août, quelle mouche avait piqué François Bayrou. Celui-ci n’avait-il pas, en février, échappé de justesse à deux motions de censure déposées par la France insoumise, en réponse aux deux articles 49.3 que le Premier ministre avait utilisés sur la loi de finances 2025 et le budget de la sécurité sociale pour faire adopter les textes sans vote des députés ? Et le tout n’était-il pas survenu juste après des débuts compliqués pour le Béarnais qui avait notamment préféré un aller-retour pour se rendre au conseil municipal de Pau, dont il est alors toujours maire, plutôt que de se rendre à Mayotte, ravagée par un ouragan ?
Qui plus est, après plusieurs décennies à attendre son quart d’heure de gloire politique, François Bayrou aura passé huit mois mouvementés à la tête de l’État. Par la suite, au printemps, il est de nouveau sous le feu des projecteurs de manière défavorable alors que les révélations en lien avec l’affaire Bétharram s’accumulent. Dénégations, imprécisions, retours en arrière… Le centriste, dont la femme a enseigné le catéchisme à Bétharram et, surtout, qui a été député de la circonscription puis ministre de l’Éducation nationale à l’époque où certains faits ont été dénoncés, est largement pointé du doigt.
Quarante-quatre milliards d’euros d’économies, suppression de deux jours fériés, année blanche en termes de dépenses publiques… Malgré sa position fragile, le 28ème Premier ministre de la Ve République annonce tout de même des mesures austères et très critiquées lorsqu’il présente, mi-juillet, ses pistes pour le budget 2026. Lors de sa nomination, le 13 décembre 2024, le Béarnais s’était vu confier pour mission de trouver une stabilité politique malgré les législatives anticipées de l’été 2024 qui n’avaient pas permis de dégager une majorité. Ce qu’il n’est pas arrivé à faire et provoquera sa chute.
UN PREMIER MINISTRE « DANS LES TOUT PROCHAINS JOURS »
Le chef de l’État, qui a déjà accepté la démission de François Bayrou – dès le rejet du vote de confiance de l’Assemblée, volonté d’aller vite -, nommera un nouveau Premier ministre « dans les tout prochains jours », a prévenu l’Élysée, lundi soir.
Cette initiative n’est pas du goût des oppositions radicales au chef de l’État. Elles continuent de marteler leurs propositions pour sortir de la crise. Le Rassemblement national appelle à une « dissolution ultrarapide », qui déclencherait de nouvelles élections législatives. De son côté, la France insoumise va plus loin et demande à Emmanuel Macron de « partir », comme l’a réclamé Jean-Luc Mélenchon sur France 2, lundi soir. « Il y’a un choix à faire concernant l’orientation du pays. Seule l’élection présidentielle nous permet d’avoir ce moment refondateur. »
Quant aux Écologistes et les Socialistes, ils ouvrent la porte à des discussions. « La suite ne peut être qu’un Premier ministre issu des rangs du NFP [NDLR : l’alliance des partis de gauche née des législatives de l’été 2024] », estime la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier, sur X. « Au nom des Écologistes, je demande solennellement » à Emmanuel Macron « de nous recevoir avant toute annonce de sa part », ajoute-t-elle. « Son obstruction ne peut plus durer. » Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, lui, a formulé le vœu d’une « cohabitation » avec le chef de l’État sur BFMTV.
QUI POUR SUCCÉDER À FRANÇOIS BAYROU ?
Pour succéder à François Bayrou, plusieurs noms circulent déjà, certains désignés comme des fidèles d’Emmanuel Macron, d’autres comme des figures de la droite républicaine ou des socialistes. Il y’a lieu de citer notamment Sébastien Lecornu (Ministre des Armées), Éric Lombard (Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique), Catherine Vautrin (Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et de Famille), Bruno Retailleau (Ministre de l’Intérieur), Olivier Faure (Député), Jean-Yves Le Drian (Ancien ministre des Armées), Xavier Bertrand (Président du conseil régional des Hauts-de-France), Bernard Cazeneuve (Ancien Premier ministre) et Carole Delga (Présidente du conseil régional d’Occitanie).
Autre voie, le chef de l’État peut aussi désigner une personnalité avec un profil plutôt technique, qui ne serait pas un responsable politique, ou qui aurait un profil hybride : Pierre Moscovici (Premier président de la cour des comptes), Christine Lagarde (Présidente de la Banque centrale européenne)… La balle est aujourd’hui clairement dans le camp de Macron.
Robert Kongo (CP)