Dans une tribune percutante, Destin Kabongo, qui se présente comme « penseur libre et patriote », s’alarme de la déliquescence de l’autorité de l’État en République Démocratique du Congo. Partant de l’exemple criant de la gestion chaotique de Kinshasa — où les désaveux publics du Président Félix Tshisekedi restent sans suite —, l’auteur dénonce un « mauvais casting » et une culture de la déloyauté qui vident la parole présidentielle de sa substance. Si le Chef de l’État impulse des orientations économiques et diplomatiques saluées, sa volonté est systématiquement filtrée, freinée ou ignorée sur le terrain. Un appel urgent est lancé : pour l’honneur de la parole donnée et l’avenir de la nation, il est temps de rétablir la chaîne de commandement, d’exiger des comptes et de nommer sur la base de la compétence et de la loyauté. Le pays ne peut plus se permettre que la parole du Président de la République soit un vœu pieux. Tribune.
La parole d’un chef d’État n’est pas un simple son. Elle est l’expression de la volonté nationale, l’engagement solennel de la nation envers elle-même. Quand cette parole est émise, elle doit susciter le mouvement, déclencher l’action, imposer le respect. C’est le socle même de l’autorité de l’État et de la confiance entre le peuple et son premier serviteur.
Pourtant, aujourd’hui, un constat amer s’impose : la parole du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, semble trop souvent se perdre dans les méandres de l’inaction, diluée, ignorée, voire méprisée par ceux-là mêmes qui devraient en être les premiers exécutants.
L’exemple de la gouvernance de la ville de Kinshasa, évoqué à maintes reprises en Conseil des Ministres, est une illustration criante de ce dysfonctionnement grave. Comment expliquer qu’après trois désaveux publics du Chef de l’État à l’encontre du leadership provincial, rien ne bouge ? Faut-il que le Président en vienne à micro et caméra en main à ordonner aux députés provinciaux d’agir ? Le sens de l’État, le respect hiérarchique et la simple décence commanderaient à tout responsable ainsi publiquement désavoué de se retirer. Que ce silence persiste interroge sur la nature réelle du pouvoir, pire encore, surtout après le desavoeu public du Chef de l’Etat devant les deux chambres réunies en congrès, en présence des responsables des services de renseignements, des membres du gouvernement, des représentants de la justice et des missions diplomatiques en direct à la télévision nationale !
Ce problème dépasse de loin le seul cas de la capitale. Il touche au cœur de la gouvernance actuelle. Le « mauvais casting », cette tendance à confier des responsabilités stratégiques à des personnalités dont l’incompétence, le manque d’expérience ou l’insubordination sont patentes, est un poison qui corrode l’action présidentielle. Dans les couloirs du pouvoir, on entend des ministres ou des hauts cadres dire, avec une légèreté coupable : « Le chef m’a dit de faire ceci mais Toyebi ye… On le gère. » Traduisons : on ignore, on temporise, on retarde, on enterre. Cette culture de la déloyauté et de l’irresponsabilité est une trahison envers le peuple qui a élu son président, et une insulte envers ce dernier.
Le paradoxe est saisissant. D’un côté, le Chef de l’État impulse des orientations économiques audacieuses qui portent leurs fruits, comme en témoignent une croissance robuste et des réserves de change en hausse, renversant les pronostics. Son leadership sur la scène internationale, pour défendre la souveraineté et dénoncer l’agression dont le pays est victime à l’Est, est clair et apprécié. Mais de l’autre, sur le terrain intérieur – que ce soit dans la gestion de Kinshasa, dans la conduite de la guerre à l’Est où les rebelles, soutenus par le Rwanda, tentent des incursions vers le Katanga, ou dans la mise en œuvre de nombreuses réformes –, cette volonté présidentielle semble systématiquement filtrée, freinée, dénaturée par un appareil défaillant et parfois déloyal.
Cette déliquescence de la parole présidentielle atteint même des sujets vitaux comme le dialogue national. Le Président a exprimé sa volonté de dialoguer, mais dans un cadre précis qui préserve la vérité sur l’agression rwandaise et refuse toute équivalence entre l’agresseur et l’agressé. Pourtant, des caciques et des extrémistes, sourds à cette parole, tentent d’imposer leur format, risquant de vider de sa substance cette initiative cruciale pour l’unité nationale en ces temps de péril. La parole du chef est encore une fois mise à l’épreuve, non par l’opposition, mais par son propre camp.
Le temps n’est plus aux observations polies ou aux regrets feutrés en off. Il est à l’action ferme et à la reddition des comptes. Monsieur le Président, vous avez été élu par la volonté souveraine du peuple congolais. C’est devant lui, et devant l’Histoire, que vous rendrez compte de votre dernier quinquennat. Votre héritage ne sera pas seulement jugé sur vos intentions ou vos discours, mais sur les réalisations concrètes qui améliorent la vie des Congolais et garantissent la sécurité et l’intégrité du territoire.
Nous vous en conjurons : ne soyez pas l’homme des occasions manquées. Ne laissez pas votre parole, et donc l’autorité de l’État, être bafouée par des collaborateurs indélicats. La nation a besoin de voir la chaîne de commandement respectée, les ordres exécutés, les promesses tenues. Elle a besoin de voir que lorsque le Président parle, la République agit.
Il est urgent de procéder à un réajustement courageux. Cela passe par des actes forts : exiger et obtenir des démissions lorsque le désaveu est public, sanctionner avec la dernière rigueur les déloyautés avérées, et nommer à des postes clés non pas sur des bases de compromis politiques opaques, mais sur le critère sacro-saint de la compétence, de l’intégrité et de la fidélité à la vision présidentielle et aux intérêts suprêmes de la nation.
La République Démocratique du Congo est à un tournant. Son destin se joue dans la capacité de son Président à faire respecter sa parole, c’est-à-dire la volonté du peuple. Redonnez à votre parole son poids, sa force et son honneur. Le pays tout entier, patriote et anxieux de voir enfin l’autorité de l’État rétablie, vous soutiendra dans cette nécessaire et salutaire fermeté.
Pour la dignité de l’État, pour l’honneur de la parole donnée, pour l’avenir de la Nation.
Destin Kabongo
Penseur libre et Patriote

