Fin 2021, les trois régies financières nationales (DGI, DGDA et DGRAD) ont battu tous les records en termes de mobilisation des recettes. Le même élan s’est poursuivi les deux premiers mois de l’année 2022 (janvier et février). Entre-temps, dans les régies financières, aucune prime n’est allouée à ce jour aux bénéficiaires. La grogne est bien visible. Mardi à Kinshasa, l’intersyndicale des régies financières a donné un ultimatum de 48 heures – qui a expiré en principe ce jeudi – pour régulariser leur situation de prime. Parallèlement aux tensions qui gagnent les régies financières, la profession pétrolière ne cache pas sa colère face au grand retard accumulé par le Gouvernement dans le paiement de manque à gagner aux pétroliers distributeurs. Dans les deux cas de figure, c’est le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, qui est mis en cause.
Une vive tension est signalée dans les trois traditionnelles régies financières de la RDC, à savoir la DGI (Direction générale des impôts), la DGDA (Direction générale des douanes et accises) et la DGRAD (Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations). A la base, les agents et cadres de ses services mobilisateurs des recettes de l’Etat réclament le paiement de leurs primes au regard des performances réalisées. Il s’agit notamment de la prime spécifique, de la prime de contentieux et de la prime de la plus-value.
Malheureusement, la machine est bloquée au niveau du cabinet du ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji. Mardi à Kinshasa, l’Intersyndicale des régies financières est montée au créneau en fustigeant l’attitude du ministre des Finances qui refuse, selon elle, de débloquer des fonds nécessaires liées aux primes dues aux agents et cadres de trois régies financières. Un ultimatum de 48 heures – qui a du reste expiré jeudi – a été lancé au ministre des Finances pour décanter cette situation. A défaut de trouver gain de cause, l’Intersyndicale menace de paralyser les régies financières.
Les pétroliers en colère
Parallèlement à la grogne qui gagne les régies financières, il y a également un regain de tension dans les milieux des pétroliers distributeurs. A la base, les pétroliers dénoncent le grand retard accumulé par le Gouvernement dans le paiement du manque à gagner que leur verse l’Etat congolais en compensation du prix réglementé du carburant à la pompe.
Dans leurs revendications, les pétroliers distributeurs mettent en cause, comme avec les régies financières, le ministre Nicolas Kazadi qu’ils accusent de «chantage» dans ce dossier.
A défaut du paiement de ce manque à gagner, les pétroliers brandissent déjà la menace d’une pénurie des carburants.
Vendredi en Conseil des ministres, ces deux dossiers seront sans doute sur la table du Gouvernement.
Dans les milieux des régies financières et des pétroliers, on exprime déjà des inquiétudes sur la bonne foi du ministre des Finances.
Sous le sceau de l’anonymat, un cadre des régies financières n’a pas eu de mots tendres envers le ministre Nicolas Kazadi. «Le ministre des Finances semble s’inscrire dans une logique qui risquerait d’entraîner la démobilisation des services mobilisateurs des recettes… Parfois certaines mesures ou décisions sont contre-productives… La plus-value réalisée en 2021 est consécutive à l’implication des régies en termes d’effort de service … A cet engagement s’est ajouté l’encadrement des services par l’Inspection générale des finances (IGF), doublé du contrôle de gestion des entreprises du Portefeuille… Lorsque le résultat positif est enregistré, la prime doit immédiatement suivre sans que cela ne puisse être dicté par une quelconque pression ou doléances, comme le souhaiterait Nicolas Kazadi », note-t-il. Il va plus loin : «Même au niveau du Gouvernement, la grogne prend petit à petit place à la grande indifférence de l’intéressé qui prend les allures d’un super ministre alors que la nation attend de lui des arbitrages plus rationnels en matière des dépenses publiques».
Il craint de perturbations dans la distribution des produits pétroliers. «Mercredi 16 et ce jeudi 17 dans la matinée, les files d’attente et bousculades sont observées dans les stations-service; situation causée par le manque de renouvellement des stocks de carburant par les opérateurs économiques dont les créances (manque à gagner), certifiées par la commission interinstitu-tionnelle, tardent à être payées par le ministre des Finances». Avant de s’interroger : «Il y a lieu de s’interroger pourquoi ce retard pour des dépenses aussi prioritaires ? » Et d’ajouter : «Les pétroliers agissent dans leur corporation comme des professionnels… qu’il s’agisse des nationaux ou des multinationales (Engen, TOTAL, etc.) et logiquement, leur traitement doit être équitable en évitant la discrimination souvent préjudiciable à la population. Présentement, les 10.000 m3 auxquels le Gouvernement a recouru est un stock destiné à d’autres fins et nous devons être très sensibles pour éviter de provoquer des crises et tensions sociales à un moment où le pays est confronté à d’autres dossiers sensibles liés à sécurité».
Alors que la grogne couve dans tous les sens, ce cadre d’une régie financière de la place appelle le Premier ministre Sama Lukonde à ramener de l’ordre dans les rangs. «Aucun ministre n’est supérieur par rapport aux autres», lance-t-il.
Francis M.