Le chairman du parti politique Ensemble pour la République sait poser des actes à des moments cruciaux afin de marquer le coup. Comme avec les « faux penaltys », Moïse Katumbi tire les conséquences des infidélités de son allié au sein de l’Union sacrée de la nation, le président de la République Félix Tshisekedi. Ayant tracé deux lignes rouges, il a eu gain de cause sur l’une d’elles, la loi sur la nationalité initiée par Noël Tshiani. Cette demi victoire obtenue, il restait la question de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) pour laquelle les partisans de Katumbi n’ont rien obtenu. Même pas un poste à la plénière. Leur prétention n’avait pas été prise en compte.
En prenant la décision d’écrire officiellement au chef de l’Etat, tout en sachant que cette lettre irritera le camp présidentiel, Moïse Katumbi a opté pour une rupture, en réaction à tout ce que le camp Tshisekedi lui a fait subir : débauchage des partisans, recrutement des élus mercenaires lors de la création de l’Union sacrée de la nation, …
En des termes sans équivoque, Katumbi Chapwe a fait savoir au président de la République, que dans le cadre de la coalition au pouvoir, des antivaleurs combattues sous Kabila sont revenus en force, dénonce-t-il. Ces tirs à bout portant sont mortels sur le plan politique. Katumbi a apporté la preuve du manque de respect et de sérieux de la part du président Tshisekedi et de son camp politique. En guise d’avertissement, c’est une démonstration de popularité que le plus populaire des gouverneurs de l’histoire du Katanga a offert. Une sortie improvisée à la commune populaire de la Kenya. C’est dans ce quartier populaire que partent toutes les luttes dans le Katanga. La promulgation de l’ordonnance entérinant les membres de la Céni pourrait être le vrai déclencheur à côté de la lettre largement partagée sur les réseaux sociaux !
Econews
A Son Excellence Monsieur Félix Tshisekedi Tshilombo
Excellence Monsieur le Président de la République,
Il y a un an presque jour pour jour, le 23 octobre 2020, après avoir constaté l’échec de la coalition que vous conduisiez à l’époque, vous avez pris l’initiative d’engager des consultations nationales pour trouver des solutions aux problèmes du pays. Parmi les trois premières urgences que vous avez dressées, vous aviez mentionné le rétablissement de la paix, l’organisation des élections crédibles dans les délais constitutionnels et le renforcement de l’Etat de droit.
En qualité d’opposition républicaine attachée au respect des valeurs de la République, à la Constitution et aux lois de notre pays, nous avons accepté de répondre à votre invitation et nous vous avons transmis notre cahier des charges qui reprenait l’ensemble de nos propositions visant au redressement du pays. Au regard de la durée réduite de la période restante de la législature, nous avions limité nos priorités aux axes essentiels touchant à la sécurité, aux réformes institutionnelles et élections, et aux questions économiques, financières et sociales.
En ce qui concerne plus précisément les réformes institutionnelles et électorales qui déchirent actuellement la classe politique, nous avions défini comme objectif l’organisation de bonnes élections crédibles, transparentes et inclusives afin de résorber la crise politique et instaurer une vie institutionnelle normale et durable en RD Congo par la restauration de la confiance au niveau de la CENI et du processus électoral.
Dans le souci d’éviter au pays un nouveau chaos électoral, nous avions proposé un arsenal de dispositions visant à crédibiliser la CENI en mettant l’accent sur la désignation du Président de la CENI par consensus sur le ou les candidats proposés par les confessions religieuses.
Le 6 décembre 2020, dans votre discours de clôture des consultations, vous avez plaidé pour rassembler toutes les forces politiques afin d’imprimer au pays un sursaut démocratique ! Vous nous avez rappelé que vous vouliez accomplir ce sursaut autour des valeurs, des principes et des actions visant au redressement moral de notre Nation.
Forts de votre discours et de votre acceptation de nos propositions, nous avons accédé à votre demande d’intégrer l’Union Sacrée pour la Nation et de prendre notre part dans l’action gouvernementale. Notre décision était d’autant plus justifiée que nos préoccupations étaient rencontrées dans le programme d’actions 2021-2023 du gouvernement.
Dans un des axes dece programme était reprise explicitement la volonté de poursuivre les réformes électorales et institutionnelles en mettant un accent particulier sur les dispositions arrêtées consensuellement à l’issue des concertations politiques ad hoc (proposition 31). C’est cet engagement de tous les partenaires de l’Union Sacrée à privilégier le consensus qui nous a convaincus de prendre nos responsabilités.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles en qualité d’opposition républicaine, nous avons répondu à votre appel et sommes venus dans l’Union sacrée afin d’éviter au pays de sombrer dans le chaos.
Excellence Monsieur le Président de la République,
Dans un récent passé, nous avons combattu ensemble dans l’opposition pour mettre fin aux antivaleurs qui ont conduit le pays dans un état de déchéance morale et de délabrement avancés. Nous avons lutté ensemble contre l’arbitraire, les violations systématiques des lois de notre pays et les velléités répétées de modifier la Constitution dans le but de conserver le pouvoir.
Il nous était insoutenable qu’un individu puisse s’arroger pour des raisons personnelles le droit de confisquer au peuple congolais son pouvoir de se choisir librement ses dirigeants au terme d’un processus démocratique, libre, transparent et inclusif. Le peuple congolais nous a entendus. Des millions de compatriotes se sont dressés contre la dictature. Vous savez aussi bien que moi le nombre de martyrs auxquels nous devons aujourd’hui de vivre la première alternance de pouvoir apaisée dans l’histoire de notre pays. Certains s’emploient aujourd’hui par leurs manœuvres à rendre vain leur sacrifice.
Alors que nous nous approchons des prochaines échéances électorales, les mêmes méthodes dénoncées hier pour imposer à la tête de la CENI un homme politique controversé ont repris.
La contestation a gagné les institutions. Démonstration est faite qu’une poignée de compatriotes outrepassent les textes de loi pour assurer leur maintien au pouvoir. Leur attitude met gravement en péril la cohésion nationale. J’en appelle à votre sagesse afin de ne pas jeter le pays dans de nouveaux déchirements aux conséquences funestes pour l’ensemble du peuple congolais.
En nous rassurant hier dans vos discours que vous ne laisseriez aucun engagement politique de quelque nature que ce soit primer sur l’intérêt supérieur du peuple congolais et en nous assurant que vous ne ménageriez aucun effort pour préserver la paix et l’unité nationale, vous me donnez aujourd’hui l’occasion de vous demander de rejeter purement et simplement la liste entérinée par |’Assemblée Nationale. Cautionner les irrégularités qui ont émaillé le processus d’entérinement des membres de la CENI conduira inévitablement le pays vers un nouveau cycle de désordres.
Hier, vous avez rejeté une première fois et à juste titre une première liste non consensuelle. Nul ne peut envisager un seul instant qu’aujourd’hui vous puissiez avaliser le travail partisan d’une commission paritaire contestée au risque de jeter sur la CENI un tel voile de suspicion qu’il lui sera impossible d’accomplir sa mission d’organiser, en toute indépendance, neutralité et impartialité des scrutins libres, démocratiques, transparents et inclusifs.
Là où l’Assemblée Nationale a échoué, il vous revient de forger cet indispensable consensus, seule voie à même de garantir un cycle électoral apaisé.
En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas à la recherche des postes. Par contre, nous demeurons soucieux de préserver les valeurs de la République au rang desquelles figure le consensus qui demeure le ferment de la cohésion nationale. Nous vous demandons également d’imposer aux responsables de l’Union sacrée le respect des textes afin de ne pas y laisser prospérer les antivaleurs, notamment la corruption, le débauchage, l’achat des consciences, contre lesquelles vous avez engagé une lutte sans merci.
Il vous revient donc aujourd’hui de nous rassurer ainsi que le peuple congolais de votre volonté de mettre en œuvre les engagements que vous avez pris en nous appelant tous à bâtir avec vous l’Union sacrée pour la Nation. Des millions de Congolais espèrent que vous serez au rendez-vous de l’Histoire.
Je vous prie de croire, Excellence Monsieur le Président de la République, en l’expression demes sentiments de très haute considération.
Lubumbashi, le 18 octobre 2021Moïse Katumbi