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Interpellation et arrestation de Seth Kikuni : le pouvoir est tombé dans le piège de l’Opposition

Le retour à haut risque de l’opposant Seth Kikuni à Kinshasa, après avoir co-fondé à Nairobi le mouvement « Sauvons la République Démocratique du Congo » qualifié de « complot » par Kinshasa, a conduit à son interpellation et à une brève détention par les services de sécurité. Bien que libéré samedi soir après audition à l’ANR, son passeport a été confisqué. Vraisemblablement, cette arrestation, que l’opposant semblait anticiper, aurait été une stratégie délibérée de l’Opposition pour piéger le régime en place, l’obligeant à s’exposer comme répressif face aux contestataires. Le mouvement « Sauvons la RDC » a donc réussi son coup, dénonçant la situation et tenant personnellement le Président de la République, Félix Tshisekedi, responsable de l’intégrité de Kikuni.

L’affaire Seth Kikuni continue de faire des remous dans la classe politique congolaise. L’opposant, interpellé samedi dernier à son arrivée à l’aéroport international de N’djili, puis relâché après plusieurs heures de garde à vue, est devenu le symbole d’une bataille politique dont les implications dépassent largement le cadre de sa simple interpellation.

Déroulement des faits

Tout commence à Nairobi, où Seth Kikuni, figure connue de l’opposition, participe à la création du mouvement «Sauvons la République Démocratique du Congo ». Le gouvernement congolais qualifie immédiatement cette initiative de «complot» contre la République, créant ainsi un contexte tendu.

Malgré cette situation délicate, Kikuni choisit de revenir à Kinshasa samedi dernier, à bord du vol KQ509 de Kenya Airways. Il s’était déjà préparé en conséquence de l’épreuve qui l’attendait à Kinshasa. Pour preuve, la veille de son retour, il écrivait dans son compte X : « Objectif du week-end : Rentrer au pays et traverser la vallée de l’ombre de la mort sans rien craindre ».

A son arrivée samedi à l’aéroport international de N’Djili, tout s’est passé comme prévu.

Selon des témoins présents sur place, «dès sa descente d’avion, une équipe de services de sécurité l’a intercepté dans la passerelle d’accès. Ils ont immédiatement confisqué son passeport avant de l’emmener sans autre formalité. »

Une stratégie politique calculée

Ce qui intrigue les analystes politiques, c’est le comportement de l’opposant. Pour le professeur Marcel Bishinga, politologue à l’Université de Kinshasa, «la question essentielle est : pourquoi un opposant averti, connaissant parfaitement les risques qu’il courait, est-il délibérément revenu au pays ? La réponse semble être dans une stratégie politique soigneusement orchestrée.»

En effet, selon plusieurs sources proches du dossier, Kikuni et ses alliés du mouvement « Sauvons la RDC » auraient parfaitement anticipé la réaction du pouvoir. «Seth Kikuni a joué le rôle d’appât, et le pouvoir est tombé dans le panneau», confie un membre du mouvement sous couvert d’anonymat.

La communauté internationale commence à réagir. L’Union européenne, par la voix de son porte-parole pour les Affaires étrangères, a exprimé «sa préoccupation concernant le respect des droits de l’opposition en RDC ».

De son côté, l’ambassade des États-Unis à Kinshasa a rappelé «l’importance cruciale de la liberté d’expression et du droit à l’opposition politique dans toute démocratie».

Le piège médiatique

Pour un analyste médiatique, « le pouvoir s’est laissé piéger sur le terrain de la communication. En arrêtant Kikuni, il a offert à l’opposition le prétexte idéal pour crier à la répression politique et se poser en victime.»

Les réseaux sociaux se sont enflammés dès l’annonce de l’interpellation. Le hashtag #FreeKikuni a atteint la première place des tendances en RDC, avec plus de 50.000 mentions en 24 heures. Le mouvement «Sauvons la RDC » a immédiatement publié un communiqué vigoureux, tenant «le Président Tshisekedi personnellement responsable de la sécurité de notre camarade Kikuni ».

Si Kikuni a été libéré après son audition à l’ANR, son passeport reste confisqué par la DGM. Cette mesure, apparemment anodine, pourrait avoir des conséquences durables. «En empêchant Kikuni de voyager, le pouvoir montre sa peur de voir l’opposition s’organiser à l’étranger», analyse un juriste proche de la majorité présidentielle.

Seth Kikuni a néanmoins gagné son pari. Kinshasa est tombé dans son piège.

Il s’en est d’ailleurs félicité dans son compte X, juste après sa libération : «Quelle que soit la longueur de la nuit, le soleil finit toujours par se lever. Après une journée aux mains de l’ANR, où j’ai été arbitrairement détenu dans une cellule souterraine non éclairée et non aérée avant d’être remonté à la surface pour audition, je suis enfin LIBRE. Mes téléphones et autres effets personnels de valeur sont restés aux mains des services qui les ont confisqués dans le but de fabriquer des pièces à conviction pour me nuire.

J’adresse mes remerciements les plus sincères et les plus cordiaux à toutes les personnes de bonne volonté et toutes les organisations qui se sont spontanément et massivement mobilisés pour ma libération. C’est à vous que je dois ma liberté et j’en suis profondément reconnaissant.

Ce combat pour la liberté est un chemin qu’ensemble nous allons poursuivre jusqu’à la victoire finale. L’arbitraire et la tyrannie n’auront pas raison du droit et de la démocratie dans notre pays. A bas la TYRANNIE. A bas la DICTATURE. Sauvons la RDC ».

Théophile Mbemba, rentré dimanche de Nairobi, a également été interpellé par la DGM. Son passeport a été finalement confisqué, rapportent des sources aéroportuaires.

Les conséquences politiques

Pour les partisans du pouvoir, cette affaire démontre au contraire la fermeté des institutions. «Personne n’est au-dessus des lois de la République. Quand des individus participent à ce qui ressemble fort à un complot contre la sûreté de l’État, il est normal que la justice fasse son travail», se défend-il.

L’affaire Kikuni s’inscrit dans un contexte politique particulièrement tendu en RDC. Alors que le pays se prépare pour les prochains cycles électoraux, cette séquence révèle les tensions croissantes entre pouvoir et opposition.

«Le véritable enjeu est la capacité du pouvoir à gérer intelligemment la contestation. En tombant dans ce qui apparaît comme un piège grossier, le gouvernement a montré une certaine maladresse qui pourrait lui coûter cher sur la scène internationale », note un politologue.

La balle est maintenant dans le camp de la justice congolaise, qui devra statuer sur le sort du passeport de Kikuni et, plus globalement, sur la légalité des activités du mouvement «Sauvons la RDC ».

Econews