Kin sale

Kinshasa, capitale en perdition : quand l’État abdique face au désordre (Tribune de Henri Mutombo M.)

Face à un désordre devenu la norme et à une gouvernance qui semble avoir abdiqué, Kinshasa s’enfonce chaque jour dans une anarchie inquiétante. Dans une tribune au ton sévère, Henri Mutombo M. dénonce l’effondrement de l’autorité publique, l’incivisme généralisé et l’impunité qui gangrènent la capitale, pointant du doigt des dirigeants qui bafouent les règles qu’ils exigent des citoyens. Un appel urgent à un sursaut moral et politique pour sauver une ville en pleine dérive.

Il ne s’agit plus d’un simple relâchement : Kinshasa sombre chaque jour davantage dans un désordre organisé, entretenu, et même cautionné par ceux qui ont pourtant la charge de l’ordre public. À chaque carrefour, dans chaque rue, le spectacle est le même : incivisme généralisé, absence de règles, refus de toute autorité. La ville est livrée à elle-même, ses citoyens abandonnés à un chaos devenu quotidien. Les autorités et les citoyens, chacun fait leurs lois, nul ne dit : Assez !

Ce qui choque davantage, c’est l’indifférence presque complice du gouvernement. Les autorités observent, silencieuses, pendant que les mentalités s’effondrent. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que les véhicules officiels – ceux-là mêmes censés incarner la loi – s’autorisent à rouler à contre-sens, toutes sirènes hurlantes, non pas pour des urgences, mais par pur abus de pouvoir. À minuit comme à midi. Le plus révoltant, c’est que ces mêmes dirigeants, lorsqu’ils sont à l’étranger, respectent scrupuleusement les lois des pays d’accueil, ils font la queue, coupent les sirènes, évitent les excès. Mais une fois de retour au pays, ils donnent des coups de pied moqueurs aux règles de leur propre République. Ils aiment les privilèges du pouvoir, mais refusent les contraintes de la responsabilité. Ils exigent respect et considération, sans jamais offrir en retour le respect dû aux institutions, aux citoyens et à l’ordre public.

Et pendant ce temps, la ville se dégrade sous les yeux de tous. Quand les gens construisent, les rues deviennent les premières victimes : on y dépose les briques, les sables, les pierres, les graviers… Les avenues sont transformées en dépôts sauvages, en toute impunité. Dirigeants et citoyens lambda se rendent complices de cette défiguration de l’espace public, sans gêne, sans crainte. L’État regarde ailleurs. Cette anarchie n’est pas qu’un détail. Elle est le symbole d’un mal plus profond : l’effondrement de l’autorité morale de l’État. Comment exiger des citoyens qu’ils respectent les lois si ceux qui les édictent les piétinent ? Comment aspirer à une société disciplinée si les premiers responsables banalisent le désordre au point d’en faire un mode de gouvernance ?

Il est temps d’un réveil. Kinshasa mérite mieux. Le peuple congolais mérite mieux. La restauration de l’ordre dans la capitale ne sera possible qu’avec un leadership fort, exemplaire, et une volonté politique claire de remettre la République debout, non pas en discours, mais dans les faits.

Henry MUTOMBO MIKENYI

Écrivain et Chercheur en fiscalité. Acteur politique.