Après avoir suspendu le pays de ses instances, l’organisation ouest-africaine, la CEDEAO, a décidé de l’envoi d’une mission de haut niveau dès ce jeudi à Conakry.
À la demande du chef d’État ghanéen, Nana Akufo-Addo, président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les dirigeants de la sous-région ont pris part, mercredi 8 septembre, à une réunion extraordinaire virtuelle.
Au menu : la Guinée et les mesures à appliquer à la suite du coup de force du 5 septembre. Si l’institution avait immédiatement condamné l’irruption des forces spéciales guinéennes « avec la plus grande fermeté », et exigé « le retour à l’ordre constitutionnel sous peine de sanctions », elle s’est voulue plus ferme en suspendant le pays de toutes les instances de l’organisation en attendant l’arrivée d’une mission de haut niveau sur place dès ce jeudi 9 septembre.
En prenant la parole, le président ghanéen a été très direct, il a qualifié ce putsch de « violation claire de notre charte sur la bonne gouvernance ». Les chefs d’État réunis ont également « exigé le respect de l’intégrité physique du président Alpha Condé », déposé et détenu depuis lors par les putschistes, sa « libération immédiate » ainsi que celle de toutes les personnes interpellées, a dit à des journalistes à Ouagadougou le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, au sortir de la visioconférence. Ils réclament, « très rapidement », un retour à l’ordre constitutionnel, a-t-il dit. Le ministre n’a pas évoqué de sanction économique. Mais une « mission de haut niveau » sera dépêchée en Guinée et la CEDEAO réexaminera ensuite ses positions, a-t-il déclaré.
Mali, Guinée : la CEDEAO sur tous les fronts
Il y a un an, la CEDEAO se retrouvait dans une situation comparable à celle qu’elle a connue avec le putsch d’août 2020 au Mali voisin. Elle avait alors suspendu le Mali de l’organisation, mais aussi pris des sanctions économiques, comme l’arrêt des échanges commerciaux hors produits de première nécessité, et la fermeture des frontières. Ces sanctions avaient été levées à la suite de l’engagement des militaires maliens sur la voie d’une transition de 18 mois maximum pour rendre le pouvoir à des dirigeants civils issus d’élections.
Dès dimanche, la CEDEAO avait brandi la menace de sanctions, sans en préciser la nature éventuelle. Comme un an plus tôt, la CEDEAO était amenée à se prononcer alors que les militaires emmenés par le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, peuvent se prévaloir d’une certaine popularité, comme l’attestent les manifestations de sympathie dans différents quartiers de Conakry, encore alimentée par la libération mardi soir d’un premier groupe de dizaines d’opposants au régime déchu.
Les sanctions économiques de la CEDEAO étaient mal passées il y a un an auprès d’une population malienne éprouvée, dans un contexte économique et social très détérioré et encore plus dégradé par la pandémie de Covid-19.
Des décisions scrutées sur les marchés boursiers
Avec la Guinée, un des pays les plus pauvres de la planète lui aussi plongé dans une crise profonde, les dirigeants de la CDEAO devaient de surcroît se prononcer sur un important producteur de bauxite, minerai essentiel à la fabrication d’aluminium, employé dans des industries aussi diverses que l’automobile ou l’alimentation. Les incertitudes sur l’approvisionnement international à la suite des événements de Guinée ont fait monter l’aluminium à son prix le plus haut depuis 13 ans sur le marché des métaux à Londres.
Les putschistes disent avoir agi pour mettre fin à « la gabegie financière », la « corruption » et le « piétinement des droits des citoyens ». Dans ce contexte, quelles mesures la CDEAO peut-elle encore prendre ?
Les textes de l’institution évoquent aussi bien l’option d’une intervention armée que des sanctions économiques et financières dans le but de contraindre les putschistes à partir. Les dirigeants peuvent ainsi décider de la fermeture des frontières des États membres de la CEDEAO, d’un embargo sur les armes, le « gel des avoirs » des auteurs du coup d’État et de leurs associés.
En revanche, l’institution ne pourra pas geler des comptes de la Guinée – puisque le pays ayant sa propre monnaie, le franc guinéen depuis 1960 – ne dépend pas de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest.
Econews avec Le Point Afrique