Ce mardi, Kinshasa a assisté à un spectacle pour le moins surréaliste. Tandis que le Gouvernement central et l’Hôtel de ville lançaient une vaste opération de traque contre les automobilistes sans permis ou sans certificat de contrôle technique, un acteur imprévu, mais familier, est venu troubler la représentation : la pluie. Une averse qui, en quelques minutes seulement, a lavé plus que les rues ; elle a lavé les illusions, exposant au grand jour l’absurdité d’une priorité manifestement inversée.
Il y a, dans cette double offensive des autorités, une forme de cynisme administratif qui dépasse l’entendement. Comment peut-on, en toute bonne foi, déployer une énergie aussi considérable pour percevoir des taxes et vérifier des documents dans une ville où l’état de la voirie relève du parcours du combattant ? Où les nids-de-poule sont plus nombreux que les panneaux de signalisation ?
L’essentiel, semble-t-il, n’est pas de circuler, mais de payer pour circuler. C’est une logique de percepteur, non de bâtisseur.
Mais la nature, elle, possède une justice immanente et une pédagogie sans égale. La pluie est tombée, transformant les artères déjà délabrées en véritables fleuves de boue et en lacs infranchissables. Elle a rappelé, avec une cruelle éloquence, l’urgence des vraies priorités : le curage des caniveaux obstrués par des montagnes de déchets, le drainage des eaux, la réfection urgente d’un réseau routier à l’agonie.
Cette pluie a été une leçon. Elle a rappelé à nos autorités que l’on ne saurait exiger la conformité des usagers à un Code de la route quand la ville elle-même est en infraction permanente contre le bon sens et la dignité de ses habitants.
La voirie est un service public fondamental, la base même du contrat social. Comment exiger des citoyens qu’ils entretiennent leurs véhicules et possèdent leurs papiers en règle, quand l’État et la ville faillissent si manifestement à leur devoir premier : offrir un environnement viable et sécurisé ?
Que cette averse serve d’électrochoc. Au lieu de harceler l’automobiliste pour remplir des caisses vides, que l’on mobilise ces mêmes forces vives pour assainir la ville, pour remettre en état ce qui peut l’être, pour planifier enfin une urbanité digne du XXIe siècle. La priorité n’est pas dans le pare-brise des conducteurs, mais sous les roues de leurs véhicules. Que nos autorités daignent regarder à terre, et peut-être retrouveront-elles la raison.

