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L’anatomie des mécanismes de résolution des conflits entre la RDC et le Rwanda, ainsi qu’entre la RDC et les groupes rebelles non étatiques, notamment l’AFC/M23 (Tribune du Prof Gerry Bokana, PhD)

Dans un contexte marqué par des décennies de violences cycliques et d’échecs répétés des processus de paix, les récents accords signés à Washington (juin 2025) et à Doha (juillet 2025) entre la RDC, le Rwanda et le groupe rebelle AFC/M23 ouvrent-ils enfin la voie à une paix durable dans la région des Grands Lacs ? Si ces initiatives diplomatiques, soutenues par les États-Unis, le Qatar et les organisations régionales, marquent une avancée, elles peinent encore à intégrer une stratégie de développement durable capable de traiter les causes structurelles des conflits. Entre ingérences étrangères, exploitation illicite des ressources et fragilité institutionnelle congolaise, la RDC reste prisonnière d’une « souveraineté sans paix positive ». Cette tribune du professeur Gerry Bokana propose une analyse géopolitique des mécanismes de résolution des conflits, articulée autour de quatre piliers méthodologiques : le cessez-le-feu, le dialogue inclusif, la médiation tierce et les mécanismes de suivi. Elle interroge aussi l’absence criante d’une vision économique et sociale dans les accords, pourtant indispensable pour briser le cycle de la violence. Alors que persiste l’omerta sur le rôle du Rwanda et de l’Ouganda dans le soutien aux groupes armés, une question demeure : comment transformer ces engagements ponctuels en une paix pérenne, fondée sur la justice transitionnelle, la réconciliation et un Pacte Social pour le Bien-Vivre Ensemble ? Une réflexion urgente, à l’heure où les populations congolaises attendent bien plus que des signatures sur papier. Tribune.

Dans un contexte de tensions régionales persistantes et d’échecs répétés des processus de paix entre les deux parties belligérantes, la RDC et le Rwanda, la Déclaration de principes signée à Doha entre la RDC et le groupe rebelle armé non étatique AFC/M23 marque une nouvelle tentative de règlement diplomatique d’un conflit armé. Cette tribune propose une lecture géopolitique des développements diplomatiques récents ainsi que leur mise en œuvre, en s’appuyant sur les quatre piliers méthodologiques clés des études de la résolution des conflits et de la paix, afin d’analyser les dynamiques régionales, les jeux d’alliances internationales et les perspectives de stabilisation dans la région des Grands Lacs.

Si ces initiatives classiques de paix ont favorisé un certain progrès diplomatique, elles continuent d’ignorer l’élaboration d’une stratégie de développement durable, révélant un déficit de vision stratégique où les enjeux socio-macroéconomiques demeurent marginalisés. Or, sans traitement des causes structurelles du conflit interne et la violence structurelle, la RDC risque de maintenir une souveraineté sans paix positive.

Face à l’inefficacité d’une approche strictement sécuritaire, il devient impératif d’inscrire la paix positive dans une stratégie nationale de développement durable, inclusive et fondée sur les droits et aspirations du peuple congolais. Les outils méthodologiques de la résolution des conflits et de la paix conservent ici toute leur pertinence, dans un environnement marqué par l’instabilité transfrontalière persistantes et la méfiance entre acteurs locaux, régionaux et internationaux.

  1. INTRODUCTION : un état en ruines et instabilité persistante en RDC en 2025 – le groupe rebelle armé non étatique AFC/M23 et ses soutiens étrangers

Les médiateurs avec le concours de plusieurs partenaires internationaux : Les Etats Unis, l’Etat du Qatar, L’Union Africaine, Les Nations Unies, ainsi que le cadre conjoint de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), ont favorisé l’émergence d’un cadre de dialogue fondé sur la légitimé continentale et la neutralité diplomatique. Par l’intensification de leurs efforts et de leurs pressions diplomatiques, ils ont contribué à la signature d’un accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, à Washington D.C. le 27 juin 2025, ainsi qu’a une Déclaration de principes entre la RDC et le groupe rebelle AFC/M23, conclue à Doha le 19 juillet 2025. Ces deux textes reflètent une convergence politique et sécuritaire, soutenue par l’engagement régional et l’appui de la communauté internationale, en faveur d’une paix durable et d’un développement stabilisateur dans la région des Grands Lacs.

La RDC demeure profondément marquée par des décennies de conflits armés persistants et d’instabilité politique pérenne en raison des enjeux géopolitiques régionaux complexes et l’ingérence étrangère puisant ses causes dans une combinaison des facteurs à la fois endogènes et exogènes, révélant l’interdépendance entre vulnérabilités structurelles nationales et dynamiques géopolitiques régionales et internationales. Depuis des décennies, la souveraineté, l’intégrité territoriale et les affaires internes de la RDC sont compromises par des ambitions hégémoniques de ses neuf pays voisins et par des interventions de groupes rebelles armés non étatiques. Les pays voisins pénètrent sur le territoire congolais sans l’accord des autorités (comme les squatteurs pour un bâtiment ou un terrain), alimentant ainsi un climat persistant de conflits armés et de violences cycliques.

Depuis son indépendance le 30 juin 1960, la RDC s’est dotée d’un modèle de gouvernance inefficace, marqué par une centralisation excessive du pouvoir à Kinshasa. L’échec du processus électoral en RDC, marqué par une organisation déficiente de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), une fraude électorale généralisée et une démocratisation inaboutie, alimente une profonde désillusion politique. Dans ce contexte, certains acteurs politiques congolais choisissent de créer ou de rejoindre des groupes rebelles armés non étatiques, souvent avec l’appui d’Etats voisins, transformant la crise électorale en instabilité sécuritaire régionale.

Les ressources financières, humaines et institutionnelles mobilisées pour gérer ou entretenir les conflits armés auraient pu être investies dans l’éducation, la santé, les infrastructures, la transition énergétique ou l’agriculture. Le budget militaire est élevé et constitue un coût d’opportunité majeur pour le financement du développement durable de la RDC. Ces ingérences étrangères se font en violation flagrante des accords de paix, des traités internationaux, l’Acte constitutif de l’Union Africaine (2000) et des principes fondamentaux du droit international interdisant toute ingérence et tout appui à des groupes rebelles armés non étatiques.

L’analyse des accords de paix avortés et des discours officiels révèle clairement le rôle direct, illégal et controversé joué par le Rwanda et l’Ouganda dans les conflits persistants à l’Est de la RDC. C’est un secret de Polichinelle qu’à travers des alliances régionales, ces deux pays ont soutenu des groupes rebelles armés non étatiques, mené des actions unilatérales et participé à l’exploitation illégale des ressources congolaises, alimentant ainsi l’instabilité et compromettant les efforts de paix positive et développement durable.

Parmi les acteurs majeures de cette crise figurent trois des groupes rebelles armés non étatiques les plus notoires et largement considérés comme soutenue par le Rwanda et l’Ouganda, qui fournissent une assistance militaire et logistique, tels que : (1) l’Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) actif à partir de 1996 renversant l’administration Mobutu lors de la Première Guerre du Congo le 17 mai 1997 avec l’appui de l’armée rwandaise (Rwanda Defence Force, RDF), prenant le control de la République du Zaïre, (2) le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) principalement actif à partir de juillet 2006 et (3) Le CNDP s’est réactivé sous le nom du Mouvement de l’accord de paix signé le 23 mars 2009 (M23) principalement actif à partir de mai 2012 et a connu une résurgence en novembre 2021 sous la Coalition du Fleuve Congo/Mouvement M23 (AFC/M23).

L’armée rwandaise et l’armée ougandaise avec leur supplétifs groupe rebelles congolais protégeant leurs intérêts territoriaux et économiques se sont affrontés en plein cœur de la ville de Kisangani dans le nord-est de la RDC, du lundi 5 au 10 juin 2000, une guerre des six jours avec une succession d’affrontements meurtriers.

Bien que ces deux pays limitrophes nient publiquement toute implication directe, des rapports crédibles, notamment de l’ONU et d’ONG internationales, indiquent qu’ils auraient fourni un soutien militaire à certains groupes rebelles armés actifs en RDC.

Le Rwanda et l’Ouganda accusent à leur tour la RDC de soutenir des groupes armés non étatiques, notamment les FDLR contre le Rwanda, les ADF-Nalu contre l’Ouganda, ainsi que les Wazalendo locaux contre certaines minorités ethniques congolaises. Les forces armées congolaises (les Forces Armées de la RDC (FARDC)) et ougandaises (Uganda People’s Defence Force – UPDF) mènent des opérations conjointes pour tenter de contrer les activités des ADF-Nalu en RDC.

Ceux d’entre vous qui ont une bonne mémoire se souviendront peut-être que la Cour Internationale de Justice (CIJ) a condamné l’Ouganda à verser 325 millions de dollars à la RDC en réparation des dommages causés lors de ce conflit des six jours en plein cœur de la ville de Kisangani.

Gouvernance inefficace et la fragilité institutionnelle

En 2025, le groupe rebelle AFC/M23, appuyé par l’armée rwandaise, ainsi que d’autres groupes armés non étatiques et milices, poursuivent leurs actions déstabilisatrices sur le territoire congolais par des offensives militaires meurtrières. Leurs objectifs principaux sont le contrôle de zones densément peuplées, l’accès à des territoires riches en ressources minières et terres agricoles fertiles, afin de mener des activités économiques illicites : exploitation illégale de minerais, trafic de stupéfiants, lotissement anarchique, attribution illégale de titres fonciers, taxation illégale, extorsions agricoles, vols, confiscations de terres et travail forcé. Ces pratiques violent gravement l’Acte constitutif de l’Union Africaine et les obligations des Etats voisins à respecter et mettre en œuvre les résolutions pertinentes des Nations Unies.

A cette insécurité généralisée s’ajoutent des phénomènes de criminalité grave, tels que les violences urbaines liées aux groupes, appelés Kulunas, le grand banditisme, les coupeurs de routes, la traite des êtres humains et les enlèvements contre rançon. Toutes les 26 provinces sont touchées, dans une dynamique de conflits intercommunautaires persistants, provoquant un chaos social qui fragilise l’économie, désorganise les institutions politiques et sécuritaires, et plonge les communautés congolaises dans divers états de désarroi.

La persistance des conflits armées met en évidence la fragilité institutionnelle de l’Etat congolais, qui peine à répondre efficacement aux attentes de sa population, notamment en matière de sécurité et de bonne gouvernance.

Les études sur la paix soulignent que la violence visible est souvent le reflet de violences structurelles plus profondes, telles que la mauvaise gouvernance, l’instabilité politique, l’exclusion, les inégalités et la discrimination ou l’instrumentalisation des minorités ethniques.

Bien que les forces armées, la Police Nationale Congolaise (PNC), ainsi que les autres services de sécurité fassent preuve de détermination, leur efficacité reste limitée. Ils rencontrent de sérieuses difficultés à assurer le contrôle de l’ensemble du territoire national et à contenir les multiples menaces, tant internes qu’externes, qui alimentent l’instabilité chronique du pays.

Le Rwanda, qui a envahi la RDC à deux reprises pendant les guerres du Congo (1996-1998 et 1998-2003), justifie souvent ses actions par la nécessité de neutraliser les FDLR refugiés en RDC. Cependant, son implication continue dans les affaires congolaises constitue une violation du droit international.

La Charte des Nations Unies (notamment les Résolutions 2625 (1970), 2076 (2012) condamne explicitement le M23 et demande à tous les pays de cesser toute forme de soutien et 2773 (du 21 février 2025) et d’autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité), la Charte de l’Union Africaine  (2000), qui reconnait la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’inviolabilité des frontières territoriales établies des pays africains, le droit international, ainsi que le droit international humanitaire, exigent le retrait de toutes forces étrangères illégales en RDC.

Mandatée par la Résolution 2765 (20 décembre 2024) et fondée sur les principes de la Constitution congolaise, la MONUSCO soutient la restauration de l’autorité légitime de l’Etat sur l’ensemble du territoire de la RDC. Cette Résolution appelle à un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et effectif entre toutes les parties belligérantes, ainsi qu’au retrait sans délai de l’armée rwandaise (RDF) du territoire congolais.

Les failles internes en RDC ne sauraient servir de prétexte à l’intervention étrangère ou à la déstabilisation par des groupes rebelles armés soutenus par des puissances voisines.

Les autorités congolaises, rwandaises et celles d’AFC/M23 doivent intégrer cette exigence éthique dans toute démarche de résolution des conflits et de consolidation de la paix, en évitant toute rhétorique belliqueuse – telle que : « L’accord de Washington DC acte les principales revendications de la RDC » « Les autorités rwandaises s’engagent à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC et de s’abstenir de toute ingérence dans les affaires internes de la RDC après avoir acté la neutralisation des FDLR, ses supplétifs et ex-combattants. » « Le groupe rebelle AFC/M23 ne va pas reculer, même pas d’un seul mètre » « La négociation de Doha n’œuvre pas pour le retrait du groupe rebelle AFC/M23 » « L’omerta dans la déclaration de Doha sur le désarmement et le cantonnement » « la négociation vers une solution a deux Etats » « Le fédéralisme et la modification de la Constitution ».

La présence de la RDF et des groupes rebelles tels que l’AFC/M23 constitue une violation claire de ces principes et doit cesser immédiatement.

Croire en l’efficacité des moyens non violents de résolution des conflits, et les promouvoir, est essentiel pour refonder l’avenir de la RDC, du Rwanda et pour réintégrer les ex-combattants rebelles de l’AFC/M23 dans la vie civile.

Dans l’immédiat, il est absolument essentiel que les neuf pays frontaliers de la RDC et leur supplétifs internationaux à travers le monde tiennent compte des avertissements de nombreuses conventions internationales, traités et principes de droit international interdisant clairement « l’ingérence d’un pays étranger dans les territoires et affaires internes d’un autre État, ainsi que le soutien à des groupes rebelles non étatiques si nous voulions atteindre l’Objectif de Développement Durable 16 (ODD 16) axé sur la paix, la justice et des institutions fortes. L’ODD 16 vise à promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, à assurer l’accès de tous à la justice et à construire des institutions efficaces, responsables et inclusives à tous les niveaux. »

Ainsi, il est crucial de ne pas confondre la conclusion d’un accord avec une paix positive durable. La conclusion d’un accord marque une nouvelle dynamique géopolitique et représente une étape clé vers une désescalade durable et une paix positive et pérenne dans la région des Grands Lacs. La clé réside dans l’inclusivité, l’engagement continu des parties, et la concrétisation des engagements sur le terrain.

  1. MECANISMES DE RESOLUTION DES CONFLITS – Exigence du retrait des forces étrangères et groupes rebelles armés non étatiques en RDC : un impératif juridique et institutionnel

Il est frappant de constater que, hors du cercle restreint des experts et spécialistes des études de la résolution des conflits et de la paix, peu d’analystes géopolitiques ont prêté attention au fait que l’accord de paix de Washington D.C ainsi que la Déclaration de principes adoptée à Doha s’appuient sur quatre approches classiques issues des traditions théoriques et pratiques des études de la résolution des conflits et de la paix.

Au cœur de ces approches classiques se trouvent (1) le cessez-le-feu, (2) le dialogue inclusif, (3) la médiation tierce et la résolution des conflits et (4) les mécanismes de suivi et de mise en œuvre.

Cette orientation stratégique s’articulant autour de quatre piliers méthodologiques largement reconnus dans la littérature sur la résolution des conflits, bien qu’ancrée dans des cadres éprouvés, mérite d’être examinée à la lumière des dynamiques régionales et des rapports de force qui structurent l’environnement géopolitique actuel.

2.1. La RDC et le Rwanda, ainsi qu’entre la RDC et les groupes rebelles non étatiques, notamment AFC/M23

(2.1.1) Engagement envers le cessez-le-feu

Premièrement, le cessez-le-feu : comme mesure préalable et indispensable pour désamorcer l’escalade des hostilités.

La médiation a permis de désamorcer les tensions militaires, de promouvoir un cessez-le-feu permanent, et de rapprocher les positions des parties. Elle a également contribué à la rédaction de l’accord de paix et de la Déclaration de principes, veillant à leur acceptabilité par toutes les parties prenantes.

(2.1.2) le dialogue inclusif

Deuxièmement, le dialogue inclusif, mobilisant non seulement les Etats parties mais aussi les groupes armés, la société civile et les partenaires régionaux, afin de construire un consensus politique élargi.

D’une manière générale, il est dans l’intérêt public d’encourager la conclusion d’un accord de paix acceptable par les deux parties belligérantes concernées, car il est plus rentable pour le public et les deux parties belligérantes et permet aux deux parties belligérantes de parvenir à une résolution mutuellement acceptable des conflits sans prolonger les pertes en vies humaines, les dépenses et le temps liés à une guerre.

Dans les processus de médiation, la présence de témoins experts qualifiés est essentielle. Bien qu’ils n’aient aucun pouvoir décisionnel, leur rôle est de conseiller, d’éclairer les négociations et d’en garantir la crédibilité.

Doha : par exemple, sous la médiation de Qatar, bien que le Rwanda ne soit pas signataire direct, elle y est diplomatiquement impliquée étant donné que les négociations de Doha est complémentaire de Washington D.C. et en raison de son influence perçue sur le groupe rebelle AFC/M23.

Les États-Unis : ont accueilli la signature d’un accord de paix entre le gouvernement de la RDC et le Rwanda.

(2.1.3) la médiation tierce et la résolution des conflits

Troisièmement, la médiation tierce : est un processus volontaire et non coercitif, dans lequel les tierces neutres, perçus comme impartiaux et légitimes au niveau international, jouant un rôle de garantie, facilitent le dialogue et les négociations entre toutes les parties belligérantes afin de parvenir à une solution mutuellement acceptable.

Dans le contexte actuel, la résolution des conflits entre (1) la RDC et le Rwanda, et (2) la RDC et les groupes rebelles non étatiques, dont AFC/M23, doit être conduite par des acteurs impartiaux, avec le soutien de partenaires régionaux et internationaux. Elle implique non seulement la fin des hostilités, mais aussi la transformation des causes profondes du conflit, au-delà de ses manifestations visibles.

Résolution des conflits en RDC : vers une approche globale et équilibrée

La résolution des conflits est un processus dynamique fondée sur une logique de coopération, inspirée de la théorie de jeux en micro-économie, visant un accord de paix global et durable. L’objectif est d’aboutir à une solution gagnant-gagnant, prenant en compte les préoccupations légitimes de toutes les parties belligérantes. Une approche gagnant-perdant serait contre-productive à long terme.

Accord Was 1

Washington D.C. : Mécanismes de résolution des conflits entre la RDC et le Rwanda

Les relations entre la RDC et le Rwanda ont longtemps été marquées par des conflits historiques et des accusations mutuelles, notamment sur le soutien étatique apporté à des groupes rebelles armés non étatiques opérant sur et à travers leurs territoires.

Le processus en cours vise, une fois de plus, à aboutir à un accord de paix durable permettant de préserver les relations entre la RDC et le Rwanda, même en cas de désaccord.

L’objectif final des médiateurs, tenant compte des préoccupations exprimées par toutes les parties dans l’accord de paix, est le suivant :

(1) l’interdiction de soutenir des actes hostiles ou des groupes armés qui portent atteinte à la souveraineté ou à l’intégrité territoriale de l’autre pays,

(2) le rétablissement d’un climat de confiance et

(3) la normalisation des relations bilatérales entre la RDC et le Rwanda.

Absence d’un leadership éthique et respect de la clause de confidentialité

Théoriquement, le leadership éthique implique une conduite conforme aux normes, une attention constante aux dimensions morales des décisions, et un rejet des actions non éthique.

Une communication publique responsable et éthique est essentielle dans tout processus de résolution des conflits. Les discours partiels ou orientés, fondés sur des récits non vérifiés, peuvent alimenter la désinformation ou la manipulation politique. A ce titre, divulguer des détails confidentiels issus des négociations de Washington D.C. et de Doha est non seulement contraire à l’éthique, mais contre-productif à long terme.

Cependant, l’omerta, un silence persistant entoure les tentatives passées d’accords de paix, alors que de nombreux traitées, conventions internationales et principes de droit interdisent clairement l’ingérence du Rwanda et de l’Ouganda dans les affaires intérieures de la RDC et leur soutien aux groupes rebelles, notamment AFC/M23.

(1) L’accord de cessez-le-feu de Lusaka en Zambie en 1999 : principalement lié à la deuxième guerre du Congo, il a posé les bases du processus de démobilisation et de réintégration.

(2) L’accord de paix de 2009 : entre la RDC et le CNDP a conduit à l’intégration des anciens rebelles du CNDP dans l’armée nationale. La résurgence du Mouvement du 23 mars en 2012 (M23) est dû, prétendument, à l’application incomplète de l’accord de paix de 2009.

(3) Le Cadre pour la paix, la sécurité et la coopération d’Addis-Abeba en 2013 : Signé par 11 pays africains, dont la RDC et le Rwanda. Ce cadre visait à mettre fin aux conflits récurrents en RDC en traitant les causes internes et régionales de la violence.

(4) Les processus de Luanda en Angola et de Nairobi au Kenya entre 2022 et 2023 : Ces efforts de médiation régionale, dirigés par l’Angola et le Kenya, ont tenté de relancer les pourparlers entre la RDC, la République du Rwanda et tous les groupes rebelles opérant en RDC, comme AFC/M23, les ADF, et les FDLR.

La feuille de route de Luanda appelait à un cessez-le-feu, au retrait du groupe rebelle AFC/M23 et au déploiement d’une force régionale – premièrement, la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et ensuite, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

La paix positive ne se résume pas à un accord, mais constitue un processus. Les autorités congolaises, rwandaises et celles d’AFC/M23 doivent utiliser des discours et déclarations publics soigneusement élaborés, validés par des équipes techniques, pour assurer la clarté, la cohérence et l’alignement avec les objectifs de réconciliation.

Doha : Mécanismes de résolution des conflits entre la RDC et le groupe rebelle l’AFC/M23

Le Qatar a accueilli la Déclaration de principes entre le gouvernement de la RDC et le groupe rebelle AFC/M23. La prévention et la résolution pacifique des conflits constituent l’une des principales priorités de la politique étrangère du Qatar.

La majorité des accords de paix entre un pays souverain, protégé par le droit international, et un groupe rebelle incluent des dispositions pour le désarmement et la réintégration (DDR) des anciens combattants rebelles, reconnaissant que la solution militaire est insuffisante et la nécessité d’une résolution politique négociée.

Le processus de Désarmement, Démobilisation, Réintégration Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS) vise à désarmer et à démobiliser tous les groupes armés non étatiques en RDC, dont AFC/M23.

La récente Déclaration de principes établit les bases de négociations approfondies visant à résoudre les enjeux complexes liés à la mise en œuvre du P-DDRCS.

L’objectif final des médiateurs, tenant compte des préoccupations exprimées par toutes les parties dans l’accord de paix, est le suivant :

(1) Le P-DDRCS du groupe rebelle AFC/M23, d’une manière séquencée et coordonnée.

(2) Toute éventuelle réintégration des ex-combattants rebelles de AFC/M23 au sein des FARDC, de la Police nationale ou d’autres forces de sécurité devra se faire de façon rigoureuse, individuelle et conditionnelle. Elle reposera sur des critères stricts, notamment la loyauté avérée envers l’Etat et ses institutions, l’absence de violations graves du droit international humanitaire, ainsi que l’aptitude physique et morale.

Cependant, l’omerta, un silence persistant entoure les recommandations passées, notamment le Sommet de l’Union Africaine à Addis‑Abeba en février 2025, les dirigeants africains ont publiquement appelé au « retrait immédiat du groupe rebelle AFC/M23 et de leurs soutiens de toutes les villes occupées » ; soulignant la non-légitimation diplomatique du groupe rebelle AFC/M23 et l’influence négative de son occupation territoriale sur la souveraineté de la RDC.

Doha

Doha : La RDC face aux négociations avec AFC/M23, un dangereux précédent

De nombreux Congolais pourraient demander : Quo Vadis, AFC/M23 ?

Contrairement aux rumeurs suggérant une partition de la RDC ou une prise de pouvoir de facto par le groupe rebelle AFC/M23 dans la partie orientale du pays, les discussions officielles, à Washington et à Doha, ont toujours affirmé le respect de la souveraineté, de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. Revenant du futur, l’avenir du groupe rebelle AFC/M23 s’inscrit clairement dans le cadre du P-DDRCS.

Inclusion sociale – un processus inclusif et durable vers la paix positive en RDC

La paix positive va au-delà de la simple absence de violence et d’une paix négative. Elle implique la prise en compte de la violence structurelle, c’est-à-dire des inégalités et injustices enracinées dans les systèmes politiques, économiques et sociaux. Elle exige également la présence de justice, d’égalité et de relations harmonieuses.

Sous la facilitation du Qatar, les sept principes généraux de la Déclaration de principes en appui au processus de paix, devant conduire à un accord global offrent une voie d’espoir vers l’inclusion sociale en RDC.  Une attention croissante est portée aux minorités ethniques, aux femmes, aux jeunes, aux personnes déplacées, et des réfugiés qui doivent être au cœur du processus de paix positive.

Pour qu’une paix soit durable, elle doit être inclusive, respectueuse des droits humains, fondée sur la dignité humaine, et construite à travers un processus cohérent avec ses finalités : participation de tous les congolais, transparence et respect mutuel.

Dans ce cadre, un accord global de paix constituerait une avancée majeure vers la stabilité politique et institutionnelle, le développement durable de la RDC, la réconciliation bilatérale avec le Rwanda, et la consolidation d’une paix positive véritable.

Position ferme de la RDC sur sa souveraineté et l’ingérence étrangère

La communication officielle du gouvernement congolais réaffirme le caractère non négociable de l’intangibilité des frontières et de la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, quelle que soit l’arène diplomatique, de Washington DC à Doha.

Il convient de tempérer notre enthousiasme. La négociation engagée entre les deux parties belligérantes, un Etat souverain, protégé par le droit international, et un groupe rebelle AFC/M23, une entité illégale et interdite par ce même droit, en position d’égal, constitue un piège politique.

AFC/M23 cherche à obtenir des concessions majeures : révision constitutionnelle, amnisties, une intégration dans l’armée – les FARDC, accès à des fonctions politiques, l’instauration du fédéralisme et la restitution des biens confisqués à ses dirigeants. Accéder à ces demandes reviendrait à entériner une dynamique de partition du pays.

Les populations, déjà meurtries et victimes des violences à répétition orchestrées par des ingérences rwandaises, ougandaises et des groupes rebelles armés, dont AFC/M23, redoutent que les autorités congolaises sacrifient l’intérêt national pour leur survie politique. Les populations espèrent qu’elles ne cèderont pas à ces exigences au prix d’une grave erreur politique et morale, motivée par la préservation du pouvoir plutôt que par l’intérêt général et du bien commun.

Il ne s’agit pas d’une victoire ou d’une défaite militaire de la RDC, mais d’un processus de rétrocession pacifique des territoires occupés par un groupe rebelle AFC/M23, un squatteur, une entité illégale et interdite par le droit international. Elle exige également l’interdiction absolue, vérifiable et irréversible de tout soutien du Rwanda au groupe rebelle AFC/M23, dont les actions hostiles et attaques armées violent la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC.

Dans cette optique, l’accord de paix de Washington D.C. and la Déclaration de principes de Doha restent un processus de paix ancrés dans les traditions des études de la résolution des conflits et de la paix et ne trône pas au sommet du palmarès de résolution des conflits en RDC.

La communication officielle du gouvernement congolais doit reposer sur une vision holistique, des messages préétablis et rigoureux, capables de prévenir les malentendus et de renforcer la confiance publique, surtout en période de crise. Une telle approche réduit l’espace pour les interprétations parcellaires et erronées, et garantit une information cohérente avec les objectifs de paix.

Un accord de paix ne constitue qu’une étape d’un processus plus large. Toutefois, l’attention reste focalisée sur la mise en œuvre concrète de l’accord de paix et de la déclaration de principes encore en attente d’application.

(2.1.4) les mécanismes de suivi et de mise en œuvre

Enfin, quatrièmement, les mécanismes de suivi et de mise en œuvre, conçus pour assurer la pérennité des engagements pris et prévenir les ruptures unilatérales des accords.

Accord de paix de Washington D.C (2025) : objectifs finaux recherches

Pour la RDC :

(1) Garantir l’intégrité territoriale par la neutralisation des FDLR dans un délai de 120 jours, avec assistance d’experts militaires et du renseignement.

(2) Assurer le rapatriement et la réinstallation des FDLR et refugies rwandais au Rwanda, condition préalable a la levée des mesures défensives rwandaises.

(3) Obtenir le retrait total des Forces armées rwandaises (RDF) du territoire congolais.

Exclusion officielle et neutralisation des FDLR : une nécessité pour la RDC

La neutralisation des FDLR et ses supplétifs est le nœud de cet accord de paix et la seule préoccupation sécuritaire du Rwanda.

Les médiateurs ont recyclé le Concept d’Opérations (CONOPS) du Plan harmonisé de neutralisation des FDLR, découlant du processus de Luanda du 31 octobre 2024.

Le CONOPS doit être réalisé dans un délai de trois mois. A l’instar de sa position officielle avec les FARD, le gouvernement congolais devrait déclarer le groupe FDLR persona non grata sur son territoire et mener une campagne de sensibilisation afin d’encourager la population à se désolidariser activement de ce groupe armé.

Bien que le concept de persona non grata s’applique principalement aux individus, la RDC peut en adopter une version politique pour délégitimer et interdire officiellement le groupe rebelle FDLR et leurs supplétifs, conformément à l’esprit de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961).

Renforcer les P-DDRCS et CONOPS

Pour aller au-delà de l’accord de paix ponctuel et viser une paix positive durable, la RDC doit mettre en place des programmes structurés de construction and consolidation de la paix positive.

Les P-DDRCS et CONOPS doivent inclure :

(1) un soutien psycho-social et des formations professionnelles.

(2) La réintégration des ex-rebelles AFC/M23 et FDLR dans les communautés d’origine avec accompagnement.

(3) Enfin, il faudrait envisager des mécanismes locaux pour superviser, faciliter la réintégration, vérifier et un appui logistique et technique pour surveiller le respect de ce processus.

Les autorités congolaises et ONG parlent d’un cercle vicieux ou l’intégration des ex-rebelles sans garde-fous robustes a catalyse de nouveaux groupes armes, comme le rebelle groupe AFC/M23.

Les médiateurs doivent déployer des missions solides de suivi avec des mécanismes de vérification et des rapports en temps réel. Ils doivent faire pression sur les acteurs hostiles au maintien de la paix et utiliser des outils diplomatiques, y compris des sanctions ciblées, contre ceux qui sabotent ce processus de paix.

Pour le Rwanda :

(1) Préserver son intégrité territoriale par l’élimination de la menace des FDLR opérant depuis la RDC.

(2) Faciliter le rapatriement et la réinstallation des FDLR et refugies rwandais au Rwanda, permettant ainsi la levée des dispositifs défensifs.

(3) Obtenir le rapatriement et la réinstallation des refugies congolais au Congo.

(4) Procéder au désengagement complet des RDF de la RDC.

Un Comité de surveillance conjointe et un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité, composés de représentants de gouvernement congolais et du Rwanda, de l’Union Africaine, de l’ONU, des médiateurs et du groupe rebelle AFC/M23 seraient indispensable pour garantir la crédibilité du processus et assurer le suivi de la mise en œuvre de toutes les activités ci-dessus.

Déploiements militaires unilatéraux du Rwanda et de l’Ouganda – espoir fragiles et critiques structurelles

Le Rwanda et l’Ouganda poursuivent le déploiement de leurs forces armées sur le territoire congolais, en menant des actions unilatérales en dehors du cadre des opérations conjointes prévues avec les FARDC.

Les discours alarmistes des opposants à la paix annoncent que l’accord de paix récent s’inscrive dans une lignée historique d’initiatives similaires, telles que les accords, de Lusaka (1999), de Pretoria (2002), de Sun City (2002), de Goma (2008), d’Addis-Abeba (2013), Luanda (2002, 2014 et 2024), jusqu’à la récente initiative de Doha ou la réussite dépend moins de la signature que de la mise en œuvre effective.

L’omerta persistant qui a entouré les recommandations passées à Washington D.C et Doha ignorent l’histoire de la RDC, violent les conventions internationales, et ne garantit en rien la paix. Les cycles de violence reprennent en RDC dès que l’attention internationale décroît.

  1. LE DEFI DANS LA MISE EN ŒUVRE CONCRETE DE L’ACCORD DE PAIX

RDC : Une souveraineté sans paix – racines d’un conflit interne pérenne

Certains acteurs, mus par une malhonnêteté intellectuelle et historique, imputent à l’administration actuelle du Président Felix Tshisekedi l’ensemble des maux de la RDC, allant jusqu’à contester sa légitimité et appeler à son renversement. Or, ces crises multidimensionnelles – politiques, sécuritaires, économiques et sociales – ne datent pas de ses deux mandats. Elles s’enracinent dans l’histoire postindépendance du pays, marqué depuis 1960 par une instabilité structurelle et macroéconomique, et une gouvernance fragilisée.

La RDC, Etat unitaire décentralisé régi par la Constitution de 2006 révisée en 2011, est confrontée à de graves défis structurels et macro-économiques liés à sa taille et à sa diversité culturelle. Depuis l’indépendance en 1960, les défis liés à la souveraineté nationale, à la stabilité politique et institutionnelle, à la sécurité nationale, à la bonne gouvernance et au développement durable n’ont jamais cessé de constituer une urgence. La position géostratégique et la diversité de la RDC en font un cas unique en Afrique, mais aussi un terrain de tensions constantes.

Pour votre gouverne. Déjà au lendemain de l’indépendance, le gouvernement de Patrice Lumumba se trouvait dans l’incapacité de gouverner efficacement, faute d’outils et de structures étatiques et macroéconomique solides.

Le coup d’Etat militaire de 1965, dirigé par le haut commandement militaire représenté par le général Mobutu, fut justifié par la désintégration politique, la corruption et les rivalités internes entre politiciens avides de pouvoir, allant jusqu’à solliciter des puissances étrangères au détriment de la souveraineté nationale. Mobutu dénonçait un effondrement généralisé : une administration corrompue à tous les niveaux, une inversion des valeurs, et une élite politique guidée par l’enrichissement personnel plutôt que l’intérêt national.

La réforme de 2015 a découpé le pays en 26 provinces pour rapprocher l’administration des citoyens et promouvoir le développement local. Cependant, ces provinces restent fortement dépendantes des transferts du gouvernement central via la Caisse Nationale de Péréquation (CNP). Bien que la Constitution leur garantisse 40 % des recettes à caractère national, cette disposition n’a jamais été appliquée ni par rétrocession ni par retenue à la source. La mise en œuvre de la décentralisation est freinée par le retard dans le transfert des ressources et compétences, aggravée par une centralisation de pouvoir persistance à Kinshasa, ce qui limite l’autonomie provinciale et leur capacité à répondre aux besoins locaux. L’ancrage des administrateurs territoriaux dans la gouvernance reste également nécessaire.

La vaste étendue du pays et la diversité culturelle, combinées au contexte actuel du pays, marqué par une mauvaise gouvernance, une instabilité politique persistante, les rivalités autour des ressources minières, la corruption, la méfiance mutuelle généralisée et la résurgence de groupes rebelles armés, constituent un obstacle majeur à toute perspective de paix durable et entravent durablement la paix. Malgré des réformes macro-économiques et des politiques publiques ambitieuses et des engagements idéaux et affirmés, ces obstacles persistent. L’attention reste focalisée sur leur mise en œuvre effective, la restauration de la confiance mutuelle, et leur traduction en actions concrètes au service de la stabilité et du développement soutenu encore en attente d’application.

Crise de crédibilité de la CENI et fragilité institutionnelle en RDC

La CENI, censée soutenir la démocratie, souffre d’un grave déficit de crédibilité en raison d’allégations récurrentes de fraudes électorales massives. Malgré d’importants investissements financiers, notamment des milliards de dollars américains pour l’organisation des scrutins, les institutions issues de ce processus sont perçues comme faiblement légitimes et déconnectées du suffrage universel et de la volonté populaire. Ce dysfonctionnement alimente un cycle de clientélisme et de dépendance, incompatible avec une bonne gouvernance durable. Dans ce contexte de crise de confiance, les élections cessent d’être perçues comme un moyen d’alternance pacifique. Les scrutins (l’élection présidentielle, les élections législatives et les élections provinciales) de 2006, 2011, 2018, 2023 et les tensions qui entourent les élections prévues en 2028 illustrent une incapacité chronique de la CENI à organiser des élections crédibles, ce qui délégitime non seulement les dirigeants élus, mais affaibli aussi la confiance dans les mécanismes institutionnels censes résoudre les conflits politiques. En RDC, cela se traduit par la contestation de la légitimité des dirigeant, une instabilité politique chronique, une gouvernance défaillante, l’absence d’un leadership éthique, l’exclusion de certaines provinces et une corruption persistante.

L’échec du processus électoral, caractérisé par les dysfonctionnements de la CENI, la fraude généralisée et une démocratisation inachevée, engendre une forte désillusion politique. Face à cette impasse, certains acteurs congolais se tournent vers des groupes rebelles armés non étatiques, parfois soutenus par des pays voisins, faisant basculer la crise électorale en une instabilité sécuritaire régionale. Ce phénomène révèle une imbrication inquiétante entre crise électorale, effondrement institutionnel et militarisation de la politique.

Cette logique perdure en 2025, avec une gouvernance toujours marquée par le clientélisme, le népotisme et l’absence d’une vision d’Etat durable. L’absence de recensement scientifique depuis 1984 illustre le déficit structurel chronique du pays.

Cette crise multidimensionnelle alimente les appels à un nouveau dialogue inter congolais axé sur des réformes institutionnelles profondes. Celles-ci devraient inclure le renforcement de l’Etat de droit, la réforme du secteur de la sécurité, des négociations politiques favorisant une inclusion accrue des communautés marginalisées, ainsi que le dialogue communautaire et les initiatives de la société civile. L’objectif est de créer un cadre propice à une paix positive et de conclure un Pacte un Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble, capable de répondre durablement à cette crise.

Cependant, ces principes sont aujourd’hui mis à mal par des ingérences extérieures. Malgré ces failles internes, la Constitution de la RDC affirme des principes fondamentaux : unité nationale, justice sociale, démocraties, parité homme-femme, souveraineté, et attachement aux droits humains. Elle réaffirme également la volonté de contribuer à l’unité africaine et a une coopération internationale respectueuse des identités et des intégrités territoriales. Les interventions du Rwanda, de l’Ouganda et des groupes rebelles, dont AFC/M23 en RDC ne peuvent être justifiées par les défaillances internes du pays. En droit international, la souveraineté et l’intégrité territoriale restent des piliers inviolables.

La RDC est un pays multiethnique, riche de cultures, de langues, d’histoires et de traditions diverses. Cette diversité constitue l’une de nos plus grandes forces et un motif de fierté nationale. La constitution de la RDC affirme son engagement en faveur d’un Etat de droit fonde sur la démocratie, la justice et les droits humains. L’article 51 précise que l’Etat doit garantir la coexistence pacifique de tous les groupes ethniques, protéger les minorités et les groupes vulnérables, et veiller à leur épanouissement. La diversité ethnique est notre patrimoine commun, un héritage précieux dont nous devons être fiers et que nous devons protéger. Il est essentiel de préserver cette richesse culturelle et de veiller à ce que qu’elle bénéficie équitablement à l’ensemble de nos 26 provinces.

La solution ne réside ni dans la force militaire, ni dans les velléités d’accords de paix, ni dans les alliances régionales et internationales opportunistes, mais dans une approche intégrée de la paix, qui repose sur la justice, le dialogue, la réforme institutionnelle et la coopération régionale.

Ces violations du Rwanda, de l’Ouganda et des groupes rebelles, dont AFC/M23 en RDC appellent à une réponse internationale fondée sur le droit, la justice et la recherche d’une paix véritablement durable pour la région des Grands Lacs.

Une perspective sur les défis et opportunités à venir – l’économie, la prospérité et la paix positive sont interdépendantes

Reconnaissant que l’économie, la prospérité et la paix positive sont interdépendantes, il demeure difficilement justifiable que les accords de paix en RDC aient omis d’aborder une stratégie cohérente de développement durable, inclusive et intégrée, indispensable à la reconstruction d’un pays profondément meurtri par les conflits.

Inspiré du modèle du Plan Marshall, cette tribune appelle à un programme ambitieux de reconstruction qui empêcherait la résurgence du conflit, renforcerait la confiance des partenaires internationaux et stimulerait les investissements.

La RDC s’était dotée en 2016 d’un Plan National Stratégique de Développement (PNSD) visant à orienter le pays vers un développement durable à l’horizon 2050. Ce plan structuré en trois phases prévoyait : l’atteinte du statut de pays à revenu intermédiaire en 2021, l’émergence en 2030, puis le développement avancé à l’horizon 2050. Cependant, le premier plan quinquennal (2017-2021) n’a pas survécu aux alternances politiques, empêchant la mise en œuvre de la première étape de cette trajectoire.

En 2025, la situation socio-macroéconomique demeure critique : entre 73% et 74% de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1,90 dollar américain par jour, selon les données des Nations Unies et de la Banque mondiale. Ce niveau de pauvreté extrême traduit l’échec à traduire les ambitions du PNSD en reformes concrètes.

Un plan de rétablissement de la RDC – Maendeleo endelevu ya mashariki mwa DRC

Confrontée à des conflits armés meurtriers persistants, la partie orientale de la RDC est en ruines et son état de délabrement exige une stratégie rétablissement.

Bien que les récentes initiatives de paix aient permis des avancées diplomatiques, elles omettent systématiquement la question d’une stratégie de développement durable intégrée et inclusive : Maendeleo endelevu ya mashariki mwa DRC, essentielle à une reconstruction structurelle et pacifique du pays.

L’accord de paix de Washington D.C. de juin 2025 est explicite sur la cessation des hostilités et un cadre d’intégration économique, mais silencieux concernant la justice transitionnelle et les droits des victimes, la distribution équitable des ressources, l’inclusion des populations locales, la redevabilité ou le mécanisme de réparation. Une stratégie de développement durable, intégrée et inclusive pour la reconstruction de la partie orientale de la RDC doit s’inscrire dans les politiques de prévention des conflits.

Un déficit de vision stratégique – reléguant les dimensions socio-macroéconomiques à des volets périphériques

Tant que les accords de paix en RDC restent majoritairement centrés sur des questions de sécurité et de partage du pouvoir et restent muets sur les dimensions économiques, sociales et environnementales de la reconstruction, ils risquent de reproduire un modelé de paix sur papier. Cela reflète une logique ou la paix est pensée comme une suspension des combats armés, plutôt que comme une transformation structurelle des causes profondes du conflit.

En effet, l’absence d’opportunités économiques alimente les frustrations sociales, favorise les mouvements de contestation et renforce le recrutement des jeunes par les groupes rebelles armés. La reconstruction post-conflit doit placer au centre la création d’emplois non agricoles et hors du secteur minier, tout en promouvant la participation active des jeunes dans la vie politique et sociale. Cela implique la mise en place de mécanismes tels que des conseils consultatifs de jeunes ou leur intégration dans les instances de gouvernance locale et nationale.

Justice et réconciliation

L’impunité reste un problème majeur. De nombreux crimes, y compris la corruption, les violences sexuelles et les violations des droits de l’homme, ne sont pas poursuivis efficacement. Le développement durable de provinces de l’Est de la RDC, Maendeleo endelevu ya mashariki mwa DRC, doit également reposer sur la justice transitionnelle, le retour sécurisé des personnes déplacées et refugiées, une amnistie conditionnelle, ainsi que la mise en place d’un mécanisme international de suivi, en coordination avec les autorités nationales, coutumières et des partenaires comme la MONUSCO et les organisations humanitaires. Des mécanismes d’imputabilité, des commissions vérité et des processus de justice transitionnelle sont essentiels pour guérir les blessures du passé.

Des efforts ont été faits pour réformer le système judiciaire incluant la justice militaire, mais la corruption et le manque de ressources compromettent souvent l’efficacité de ces réformes.

Créer une institution ou Commission nationale pour la réconciliation nationale et la paix positive

La RDC, avec sa diversité culturelle et ethnique, peut elle aussi développer des mécanismes locaux adaptés pour la vérité, la justice et la guérison. Une plaidoirie pour la création d’une institution ou Commission nationale pour la réconciliation nationale et la paix positive qui doit inclure des représentants de toutes les 26 provinces, ethnies et les populations affectées par les conflits, et bénéficier d’une indépendance et de ressources adéquates.

Les expériences dans d’autre pays Africains ont montré comment des approches communautaires de justice peuvent contribuer à la vérité, la justice, la guérison et la réconciliation nationale.

Inspiré du modèle sud-africain, cette institution ou Commission nationale devrait avoir pour mission de favoriser la vérité, la réconciliation communautaire et la justice transitionnelle – accent mis sur la responsabilité des crimes de guerre, notamment contre les civiles, les femmes et les enfants affectes par les conflits. Mettre en place une justice centrée sur les victimes donnant la parole aux survivants. Le retour des déplacés, des réfugiés et la résolution des conflits fonciers seront aussi cruciaux pour soutenir la paix locale.

Intégrer l’éducation à la paix positive dans les écoles et universités

L’éducation à la paix positive doit :

(1) Enseigner la résolution des conflits, l’empathie et la communication non violente

(2) Promouvoir une histoire partagée avec les 9 pays voisins et le monde entier.

Le Gouvernement dialogue également avec les citoyens, notamment par le biais de réunions publiques, de forums publics et de plateformes en ligne.

Soutenir les infrastructures et initiatives de paix – Une paix imposée par la répression ne peut être durable

Les populations rurales et locales gardent une profonde méfiance envers le succès des divers accords de paix, initiatives de dialogue et pactes sociaux pérennes en raison de résurgences des groupes rebelles armés, de l’instabilité politique et de cycle de violences passées.

Pour la construction and consolidation de la paix positive, Il est essentiel que les chefs traditionnels, les leaders religieux, les comités locaux de paix dans les villes, milieux ruraux et villages concernés, les associations de femmes disposent d’une légitimité réelle dans toutes leurs entités. Il est essentiel de les former par les ateliers, de financer leurs initiatives communautaires et de créer des réseaux pour dialoguer et échanger leurs expériences.

Promouvoir le dialogue transfrontalier et la coopération économique régionale

La priorité absolue pour tout futur partenaire économique de la RDC doit être la fin des violences armées, avant toute démarche d’intégration économique régionale. La fin des conflits armés doit être envisagée non comme un simple programme, mais comme un processus évolutif et structurant.

La paix positive comme mode de vie

L’éducation à la paix positive est l’un des outils les plus puissants pour transformer la société congolaise. En intégrant la résolution pacifique des conflits dans les programmes scolaires, en favorisant le dialogue communautaire et en formant les jeunes à la médiation, les sociétés dans les neuf pays voisins de la RDC peuvent apprendre à vivre en paix. Il faudrait également veiller à fournir des garanties politiques comme des engagements de non-agression et de dialogue futur pour que les parties prenantes transforment des accords de paix signés en une paix vivantes, apportant sécurité et dignité aux millions d’habitants de la région des Grands Lacs.

Bien que ces initiatives partagent certains instruments et objectifs, il est essentiel de les distinguer des efforts de maintien et de consolidation de la paix.

Ce dialogue transfrontalier et la coopération économique régionale

Les relations de la RDC avec ses neuf voisins restent souvent tendues en raison de conflits transfrontaliers. Le conflit étant régionalisé, sa résolution dépend d’un engagement actif des états voisins et d’organisations comme l’Union Africaine et le cadre conjoint des Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et la SADC.

Les organisations de la société civile, les groupes religieux, les comités locaux de paix et les femmes peuvent jouer un rôle essentiel dans ce processus.

La mise en place de commissions transfrontalières conjointes, de projets économiques communs et d’accords de cogestion des ressources, appuyée par des rencontres bilatérales régulières sous l’égide d’institutions régionales, contribuerait à désamorcer les tensions et à prévenir de futurs conflits.

Promouvoir la coopération économique

Une paix durable passe par une coopération africaine et régionale renforcée, transparente et fondées sur l’intégration économique.

La mobilisation de ressources techniques et financières passe aussi par le renforcement de la coopération internationale – bilatérale et multilatérale – notamment dans les cadres Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaire, afin de soutenir efficacement les capacités nationales et la mise en œuvre du PNSD. Membre de plusieurs organisations régionales – telles que la SADC, la CEEAC, la CAE, la CIRGL et la ZLECAf – la RDC s’appuie sur ces cadres existants. Il est essentiel de promouvoir des partenariats économiques mutuellement bénéfiques, permettant à tous les pays, y compris hors d’Afrique, de tirer une prospérité partagée des ressources naturelles du continent.

Les bailleurs internationaux et les ONG doivent investir dans la reconstruction post conflit

La paix durable en RDC passe par l’adoption d’un programme de développement holistique et équilibré, axé sur l’expansion des infrastructures et l’accès aux services sociaux de base. Tous les partenaires internationaux et les ONG qui veulent rétablir la paix en RDC doivent s’engager à la mise en œuvre de ce programme holistique et équilibré de développement durable.

Pour relancer sa vision et concrétiser les ambitions du PNSD, la RDC doit engager des réformes structurelles et macro-économiques profondes, mobiliser des investissements stratégiques et ciblés, promouvoir un leadership éthique et assurer une bonne gouvernance rigoureuse

La médiation de l’Union Africaine, du cadre conjoint des Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et la SADC, de Washington D.C., et du Qatar liée au volet économique, demeure fragile, notamment face aux risques de capture des bénéfices miniers par les élites gouvernementales, internationales et locales, sans redistribution ni renforcement institutionnel véritable.

Les partenaires internationaux et les ONG sont appelés à soutenir cet effort en contribuant à la création d’un fonds souverain dédié à la réconciliation communautaire post-conflit, élément essential à la consolidation de la paix.

Un optimisme possible malgré les prédictions pessimistes

Malgré les discours alarmistes des opposants à la paix annonçant un chaos social imminent, affirmer que ce conflit dans la région des Grands Lacs est sans issue heureuse témoigne d’une méconnaissance des dynamiques internationales actuelles, notamment les initiatives engagées pas les Etats-Unis et le Qatar s’impliquant activement dans la recherche de solutions durables aux conflits, en soutenant des initiatives de médiation et de diplomatie des conflits régionaux et internationaux contribuant à la stabilité régionale et internationale.

Une paix durable facilitera la croissance économique soutenue, le bien-être des populations, et l’intégration des 26 provinces congolaises aux marchés régionaux et internationaux.

Conclusion

Par la signature de l’accord de paix et de la Déclaration de principes, les gouvernements de la RDC, du Rwanda et le rebelle groupe AFC/M23 s’engagent à respecter l’ensemble des dispositions convenues. Les parties ont exprimés leur volonté de mettre fin au cycle de violence, de restaurer la confiance par l’échange de prisonniers, de rétablir l’autorité de L’Etat, et de garantir un retour digne aux personnes déplacées et refugiées. Ces engagements ouvrent la voie à une paix durable, fondée sur un traitement des causes profondes du conflit. Ils s’obligent notamment à soutenir pleinement les conditions de réussite, dont le lancement, dans un délai de 30 jours, d’un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité.

Contrairement aux discours alarmistes de ceux qui prédisent un chaos imminent, ces avancées témoignent d’un engagement réel pour la paix.

Les deux médiations dépassent la simple cessation des hostilités : elles offrent une feuille de route concrète vers la réconciliation et inaugurent une nouvelle phase de partenariat entre la RDC et le Rwanda dans la région des Grands Lacs.

Bien que l’accord de paix ne règle pas tous les problèmes, il offre un cadre structurel pour rompre avec le cycle de violence en RDC.

Dans cette perspective, la réussite de la résolution du conflit repose sur une collaboration sincère entre Kinshasa, Kigali et Goma, dans une logique de compromis plutôt que de confrontation. Il est essentiel que les autorités de la RDC, du Rwanda et du rebelle groupe rebelle AFC/M23 harmonisent leurs communications publiques et évitent toute rhétorique belliqueuse.

Il est urgent de dépasser la logique sécuritaire pour inscrire la paix dans une stratégie de développement durable, intégrée et inclusive du pays, enracinée dans les droits et les aspirations du peuple congolais. Des initiatives concrètes émergent déjà, mais elles ne seront aujourd’hui viables que dans un cadre politique repensé et mis en œuvre avec rigueur.

Sur le plan interne, la crise multidimensionnelle nourrit les appels à un nouveau dialogue inter congolais en vue de conclure un Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble, à même de répondre à cette crise multidimensionnelle. Face à la crise multidimensionnelle qui fragilise le pays de l’intérieur, de nombreux acteurs appellent à l’organisation d’un nouveau dialogue inter congolais en vue de conclure un Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble, capable d’apporter des réponses durables à cette situation socio-macroéconomique complexe.

Grace à une bonne gouvernance éthique et inclusive, à un leadership éthique et responsable, à la participation citoyenne et à l’éducation, les peuples congolais et rwandais peuvent intégrer une paix positive comme mode de vies. Et si les engagements sont respectés, comme l’espèrent les médiateurs américain et qatari, cette dynamique offre une opportunité réelle de transformation durable dans la région des Grands Lacs.

Si cela se confirme – et nous faisons confiance au président américain Donald Trump et aux médiateurs américains, à Son Altesse le Cheikh Tamim bin Hamad AI Thani et aux médiateurs qatari pour le croire – c’est une excellente nouvelle.

L’avenir de la RDC pourrait évoluer plus vite que ne le pensent les ennemis de la paix.

Gerry Bokana (PhD)

Professeur en sciences économiques et sciences de gestion. Expert en développement durable et en économie de l’éducation (RDC, Canada et Afrique du Sud).

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