Dans ses statuts en vigueur, l’UDPS – qui s’apprête à entrer en congrès mi-décembre 2025 – a déjà levé l’option du fédéralisme. C’est au point 10 de l’article 10. Présenter le fédéralisme comme moyen de déstabiliser le pays revient à l’enjoindre à réviser ses statuts !
La conviction à nous faire est que si une province (comme l’Ituri) ou un groupe de provinces (comme le Grand Kasaï) a vraiment envie de s’auto-déterminer, ce ne sera à cause ni de l’unitarisme, ni du fédéralisme ! C’est simplement du fait de ne pas se retrouver dans la gouvernance institutionnelle telle qu’appliquée par ceux des tenants du Pouvoir d’État habitués à confondre justice distributive nationale avec partage ethno-tribal. C’est, en fait, le tendon d’Achille constaté surtout après la Conférence constitutionnelle de Luluabourg en 1994 ayant de façon courageuse prôné pour la première fois le fédéralisme comme forme de l’État. Ce débat n’est pas à contourner ou à banaliser. Il faut l’affronter, l’assumer…
OPPOSITION DANS SA DIVERSITÉ
Pour s’être prononcé pour le fédéralisme, Corneille Naanga a secoué un cocotier dont les noix lui tombent dessus. Après son message publié le…..dans son compte X, selon lequel « La République Démocratique du Congo, devra devenir la République Fédérale du Congo », les réactions se sont caractérisées par la spontanéité.
D’abord dans les rangs de la nouvelle plateforme « Sauvons la RDC » sans toutefois engager la plateforme.
Premier à s’y opposer de façon catégorique : José Makila. Ressortissant du Grand Équateur réputé unitariste, Il trouve dans la déclaration de Corneille Naanga une « ingénierie de balkanisation ».
Deuxième : Franck Diongo, ressortissant du Grand Kasaï réputé fédéraliste. Dans une déclaration en 9 points, intitulé « Le fédéralisme en temps de crise, un prétexte à la balkanisation de la RDC », il fait retenir au 7ème qu’« un tel message fragilise la légitimité, accroît la méfiance, inquiète la population, expose à des interprétations malveillantes et peut conduire à l’échec, y compris sur le plan militaire ».
Troisième : ressortissant du Katanga réputé depuis 1960 provinces à vocation fédéraliste aux côtés du Kasaï et de Léopoldville (Kongo central) : Christian Mwando Simba d’Ensemble Pour la République, sans engager son parti. Il laisse entendre que « la décentralisation est en panne, et la question institutionnelle devra tôt ou tard être repensée. Le fédéralisme, longtemps perçu comme un tabou potentiellement centrifuge, revient désormais comme une option stratégique, mais seulement pour un État suffisamment consolidé ».
Quatrième : réputé d’une province du Grand Bandundu réputé unitariste, Olivier Kamitatu du même parti politique qu’il n’engage pas non plus. Il affirme : « Le débat sur le fédéralisme, bien qu’important, ne suffit pas à répondre aux défis majeurs du Congo. Les priorités doivent porter sur la sécurité, les droits et libertés des citoyens ainsi que sur de profondes réformes des institutions clés : armée, police, justice et services de sécurité (…)…ces réformes seraient impossibles tant que le régime actuel demeure en place ».
Ceci du côté de l’Opposition dans sa diversité.
Du côté de la Majorité, il y a la réaction de Steve Mbikayi, originaire du Grand Kasaï, réputé fédéraliste. Dans sa tribune libre 146, intitulée «Kagame s’assume, Nanga se dévoile », il note : « Kagame a reconnu publiquement qu’il occupe Goma et Bukavu, affirmant qu’il ne les rendrait que s’il obtient ce qu’il veut. Que veut-il ? L’annexion de Rutshuru à son pays ? Au même moment, Corneille Nangaa, par sa déclaration, a levé le voile sur l’objectif ultime : un projet de ‘ fédéralisme’ qui n’est qu’un prélude à la stratégie rwandaise d’annexion d’une partie de notre territoire ».
FAUTE À LA RÉPUBLIQUE DE LA GOMBE
Il est intéressant, pour bien comprendre l’enjeu entre le fédéralisme et l’unitarisme, de rentrer à la colonisation.
Administré sous forme fédérale, le Congo-Belge avait six provinces dont, citées par ordre alphabétique, Équateur, Kasaï, Katanga, Kivu, Léopoldville et Orientale.
Le Katanga et le Kasaï étaient réputés provinces fédéralistes, de même que pour Léopoldville la partie Ouest, l’actuel Kongo Central.
Par contre, l’Équateur, le Kivu et l’Orientale étaient réputés unitaristes.
C’est vrai que dans le Kasaï, par exemple, il y a l’actuelle province du Sankuru (terre de Lumumba), resté unitariste. C’est le fief des Léonard She Okitundu, Lambert Mende, Jean-Charles Okoto, Franck Diongo, etc.
Ainsi, chaque fois qu’il y a débat autour de la forme de l’État, il est conseillé de prendre en compte ces données.
65 ans après l’indépendance, le débat entre unitaristes et fédéralistes reste au centre de tous les dialogues. Cas de la Conférence constitutionnelle de Luluabourg (Kananga) en 1964 et de la Conférence nationale souveraine en 1991-1992. Ces deux assises s’étaient prononcées à l’époque pour le fédéralisme.
D’ailleurs, en 1996, Pr Alphonse Ntumba Luaba avait même élaboré le « Projet de Constitution de la République fédérale du Zaïre ».
Aussi, guerre ou pas guerre, Kagame ou pas Kagame, ce débat continuera de se tenir.
L’ennui est de voir la majorité des unitaristes lier le fédéralisme à l’autodétermination des provinces, entendez à la balkanisation.
C’est de la manipulation pure et simple.
En effet, si une province veut se détacher du Congo, elle n’a pas nécessairement besoin de devenir fédéraliste ou de rester unitariste.
Le cas précis de l’Ituri est édifiant. Du point de vue de l’économie, c’est une province congolaise dépendante à plus de 90 % de l’Ouganda. Eau en bouteille, savon, papier mouchoir, papier toilette, allumettes, sel, orangeade, bière, médicament, etc. : tout provient de ce pays en raison de l’état piteux de la route Bunia-Kisangani.
Lorsque, privés par Kinshasa d’accès à leurs épargnes dans des banques et des messageries financières à cause de l’agression rwandaise, les compatriotes de Goma et de Bukavu commencent à réaliser qu’ils peuvent survivre, c’est qu’on leur apprend, peut-être sans le savoir ni le vouloir, à s’autodéterminer !
Pour ceux qui ne le savent pas, les villes de Goma et de Bukavu sont ravitaillées depuis des décennies en produits manufacturés par les États voisins dont l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi.
À l’instar de l’Ituri, ces deux provinces sont économiquement tributaires de ces États servant de passage obligé pour le Kenya, centre névralgique important sur l’océan Indien en raison du port de Mombasa, véritable hub pour l’Afrique de l’Est.
Déjà, réputé jusqu’il y a sous peu province unitariste, le Kivu est en train de rejoindre le groupe des provinces fédéralistes !
Ne parlons même pas du Grand Katanga et du Kongo Central pour lesquels le fédéralisme reste du pain béni.
Ne parlons pas non plus du Grand Kasaï. Une fois la route Kalamba-Mbuji, le port angolais de Lobito sur l’océan Atlantique sera à sa portée.
Quant au Grand Équateur et à la Grande Orientale par où passe le fleuve Congo, ils misent sur le pont Brazzaville-Kinshasa devant mettre à leur portée le port de Pointe Noire sur l’océan Atlantique.
À la base, ayons le courage de l’admettre, la fameuse « République de la Gombe ». Celle qui consomme en frais de fonctionnement et en rémunération une bonne partie du Budgét national !
QUAND KIGALI TOUSSE, KINSHASA S’ENRHUME !
Pendant qu’on s’égosille autour du fédéralisme ou de l’unitarisme, les regards vont se tourner bientôt vers le congrès de l’UDPS, parti présidentiel, prévu mi-décembre 2025.
Il sera rappelé à l’opinion que dans ses statuts en vigueur, le point 10 de l’article 10 dit clairement : « Doter l’État d’une organisation politique fédérale ».
Quand ce parti préconise alors le changement de la Constitution avec ou sans Dialogue national et en appelle à l’avènement de la 4ème République, c’est qu’il va devoir de prendre position soit pour le fédéralisme (et rester fidèle à ses convictions), soit pour l’unitarisme (et se dédire pour la énième fois) !
Moralité : Corneille Naanga vient de jeter un gros pavé dans la mare, et cela la veille du «sommet» de Washington, capitale de la République Fédérale des États-Unis.
Washington est certainement en train d’enregistrer les avis des gouvernants et des opposants congolais pris de peur à cause de l’ombre d’un certain Paul Kagame soupçonnée dans cette proposition. Une peur de nature à consolider le leadership du chef de l’Etat rwandais dans la sous-région des Grands-Lacs, car en termes de rapport de force, la peur n’est pas un élément constructif. C’est un élément destructif.
Metternich disait : « Quand Paris éternue, l’Europe s’enrhume».
On peut le paraphraser pour dire : « Quand Kigali tousse, Kinshasa s’enrhume ! », pour ne pas dire « Quand Goma tousse, Gombe tremble ».
Dommage pour Lumumba et Mobutu les unitaristes, dommage pour Tshombe, Kalonji et Tshisekedi père les fédéralistes, dommage pour Joseph Kasa-Vubu le « confédéraliste de type helvétique ! »
Omer Nsongo die Lema
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