A l’occasion de la guerre en Ukraine, un nouveau « rideau de fer » est en train de s’installer. Mais cette fois-ci, l’Occident est du mauvais côté.
Le sommet du G7 (25-28 juin 2022) a été marqué par des photos de dirigeants dépenaillés, dignes de Bureau des élèves d’écoles de commerce, semblant parfois même avinés et ne parlant que sanctions et blagues de potaches. En train de perdre face à la Russie, soutenue par les BRICS, ces dirigeants confirment que les Etats-Unis et leurs vassaux européens sont en plein effondrement moral.
En comparaison, le 14e sommet des BRICS tenu juste avant (le 23 juin, en téléconférence organisée depuis Pékin) a rassemblé les dirigeants de pays en pleine croissance qui rejettent l’Occident.
Les deux images parlent d’elles-mêmes
Les BRICS en pleine dynamique
Conçu comme contrepoids à l’hégémonie de l’empire américain, le groupe des BRICS ne pâtit pas du tout de l’intervention russe en Ukraine, bien au contraire : de nouveaux et grands pays veulent s’y joindre. Cet engouement tient à deux faits :
1) Les dirigeants du monde ne sont pas bêtes. Tous (y compris dans l’Union européenne) ont parfaitement compris que ce n’est pas la Russie qui a commencé par attaquer l’Ukraine et que c’est l’Otan qui a commencé à attaquer la Russie via l’Ukraine, et cela depuis la « Révolution du Maïdan » en 2014 télécommandée par le département d’Etat américain, c’est-à-dire depuis huit ans.
2) Les dirigeants en dehors du monde occidental comprennent aussi très bien que Poutine a engagé une lutte décisive face à l’empire américain, lequel tente d’asservir la planète en subvertissant les nations, et qu’il est donc de leur intérêt stratégique de le soutenir.
L’intervention militaire russe en Ukraine agit donc comme un électrochoc auprès de tous ces pays du monde qui refusent de s’avilir, comme ces pays jadis puissants que sont la France, l’Allemagne, l’Italie ou encore les Pays-Bas, et de devenir comme eux des vassaux de l’oligarchie euro-atlantiste ayant perdu souveraineté, liberté, dignité et honneur. C’est pourquoi les équilibres mondiaux bougent très vite dans les coulisses.
Une téléconférence «BRICS Plus», le 24 juin 2022, a d’ailleurs réuni les dirigeants des BRICS fondateurs et des pays intéressés par leur démarche : Algérie (président Abdelmadjid Tebboune), Argentine (président Alberto Fernandez), Egypte (président Abdel Fattah el-Sisi), Indonésie (président Joko Widodo), Iran (président Ebrahim Raïssi), Kazakhstan (président Kassym-Jomart Tokayev), Cambodge (premier ministre Hun Sen), Malaisie (Premier ministre Ismail Sabri Yaakob), Sénégal (président Macky Sall), Thaïlande (Premier ministre Prayut Chan-o-cha), Ouzbékistan (président Shavkat Mirziyoyev), Fidji (Premier ministre Voreqe Bainimarama), Ethiopie (Premier ministre Abiy Ahmed).
Poutine voit avec satisfaction que, dans cette partie de jeu de go planétaire, la Russie est en train d’isoler le monde occidental et de rallier à elle le reste du monde. L’Argentine et l’Iran ont même déposé officiellement une demande d’adhésion au forum des BRICS.
La guerre en Ukraine, troisième grand événement du XXIe siècle qui signe le déclin et l’isolement de l’Occident
Le lancement de la guerre en Ukraine est sans doute la troisième grande date de l’histoire mondiale du XXIe siècle. La première grande date a été le 11 septembre 2001, qui a fait basculer l’Occident dans une phase historique de régression des libertés publiques et de musèlement des médias.
La deuxième grande date a été l’année 2020, avec l’étrange pandémie de Covid, qui a conduit l’Occident à renier certaines autres valeurs essentielles de sa civilisation, comme la liberté et l’esprit scientifiques ou le serment d’Hippocrate, et à se couper encore plus du reste du monde.
La troisième grande date est le 24 février 2022, jour de l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui marque le début de la confrontation directe entre souverainistes et mondialistes, ou en termes théologiques, entre Forces du Bien et Forces du Mal, chaque camp revendiquant être celui du Bien et le camp adverse celui du Mal.
Elle constitue aussi un nouveau jalon dans le partage du monde en gestation entre un empire occidental en plein effondrement et le reste de la planète, dont le forum des BRICS constitue un pôle d’attraction.
Certes les BRICS ne sont pas exempts de conflits internes : Chine et Inde, par exemple, sont engagés dans un conflit frontalier qui dégénère parfois en affrontements meurtriers, par exemple en juin 2020 dans l’Etat du Ladakh. L’Inde fait partie «en même temps» du « Dialogue quadrilatéral de sécurité» ou QUAD, coopération informelle suscitée par les Etats-Unis, comprenant aussi le Japon et l’Australie, et dirigée contre la Chine. Chine et Russie se livrent, par ailleurs, une compétition sans merci pour établir leur influence sur le Kazakhstan.
Mais le fait politique principal est que ces Etats sont d’accord pour en finir avec l’hégémonie occidentale. Ils sont unis par cet objectif commun et servis par leur poids démographique : 3 milliards d’habitants, soit 42% de la population mondiale, à comparer aux 992 millions d’habitants des pays membres de l’Otan, seulement 14% de la population mondiale. Le G7 pour sa part, ne représente plus guère que 10% de la population mondiale.
A l’occasion de la guerre en Ukraine, un nouveau « rideau de fer » est en train de s’installer. Mais cette fois-ci, l’Occident, isolé et belliqueux, en est à l’initiative. Il en est, aussi, du mauvais côté.
Avec Chronique Agora