En Allemagne, le parti arrivant en tête aux élections n’est pas forcément celui qui arrive à la chancellerie, car ce sont les députés qui l’élisent. Mais aucune majorité n’est encore constituée, et les tractations pourraient prendre des mois.
L’ère Merkel se termine dans la plus grande incertitude. Après les élections législatives ce week-end, l’Allemagne entre dans une phase politique imprévisible avec de difficiles tractations en vue pour former le prochain gouvernement: tant les sociaux-démocrates (SPD), vainqueurs d’une courte tête, que les conservateurs (CDU/CSU) en revendiquent la direction.
Selon les résultats officiels provisoires annoncés par la commission électorale, le centre-gauche du SPD et leur chef de file Olaf Scholz ont recueilli 25,7% (soit 206 sièges) des suffrages. Ce parti devance de peu l’union conservatrice CDU-CSU d’Armin Laschet, qui accuse un score historiquement bas de 24,1% (196 sièges).
Jamais en effet, les conservateurs n’étaient tombés sous le seuil de 30%, il s’agit d’un cuisant revers pour le camp de la chancelière Angela Merkel au moment où elle doit prendre sa retraite politique.
Pas de majorité constituée
Aucun de ces deux partis n’a toutefois assez de voix pour former une majorité et gouverner seul, chacun va donc essayer de s’allier avec d’autres groupes pour l’obtenir. En Allemagne ce ne sont en effet pas les électeurs qui élisent directement le chef du gouvernement mais les députés, une fois constituée une majorité. Cette dernière est cette fois particulièrement compliquée à construire car elle devra réunir trois partis – du jamais-vu depuis les années 1950 – du fait d’un émiettement des suffrages.
Pour les sociaux-démocrates, les choses sont claires : «Ce qui est certain, c’est que de nombreux citoyens» ont voté SPD car «ils veulent un changement de gouvernement et aussi parce qu’ils veulent que le prochain chancelier s’appelle Olaf Scholz», a déclaré cet homme de 63 ans, ministre des finances actuel d’Angela Merkel.
Mais son rival de centre-droit, malgré un résultat «décevant», n’est pas disposé à rejoindre les bancs de l’opposition : « Nous ferons tout ce que nous pouvons pour construire un gouvernement dirigé par l’Union» CDU-CSU, a assuré le candidat chrétien-démocrate.
Quels scénarios possibles ?
Dans la configuration actuelle, plusieurs solutions sont possibles pour une majorité au Bundestag, qui comptera un record de 735 députés, soit 137 de plus qu’il y a quatre ans selon la commission électorale. L’avenir des deux grands partis historiques est entre les mains de deux autres plus petits groupes, qualifiés de «faiseurs de rois» dans la presse allemande ces dernières heures.
Le SPD pourrait ainsi s’allier avec les Verts, arrivés troisième du scrutin avec 14,8% (118 députés), et les libéraux du FDP, un parti de droite qui a recueilli 11,5% (92 sièges). À l’inverse, les conservateurs pourraient eux aussi réaliser une telle alliance et gouverner avec les Verts et le FDP.
Le chef du FDP Christian Lindner a d’ailleurs estimé dimanche qu’il serait «souhaitable» pour son parti et les écologistes «de discuter d’abord entre eux » avant de décider s’ils s’allient avec les conservateurs ou les sociaux-démocrates.
Selon un sondage de Yougov publié dans la nuit de dimanche à lundi, une majorité des électeurs favorise la première option. Et 43% d’entre eux estiment qu’Olaf Scholz doit devenir le prochain chancelier de la première économie européenne.
En Allemagne, les discussions pour former un nouvel exécutif relèvent des seuls partis politiques. Dès lundi, les directions des différents partis susceptibles d’entrer dans une future coalition se réunissent donc à Berlin et devraient donner des indications sur les alliances qu’elles envisagent.
À l’issue du précédent scrutin de 2017, l’actuelle grande coalition n’avait pu être formée que plus de six mois plus tard, entraînant une paralysie politique en Allemagne, notamment sur les questions européennes. Toutefois, aussi bien le SPD que le centre-droit ont dit viser une conclusion avant Noël.
Econews avec AFP