L’industrie minière est une industrie du long terme. Elle est donc stratégique et par conséquent exigeante en matière des réflexions, des études (recherches) et de la qualité des hommes appelés à la diriger. De nos jours où la compétition industrielle règne sans pitié, le hasard et l’amateurisme ne paient pas.
Malheureusement et pour des raisons qui lui sont propres, notre pays ne tire pas l’expérience des autres nations qui ont réussi dans ce domaine ni même, de notre propre expérience tirée de cette industrie à partir de notre passé. Notre Etat a été caractériellement un mauvais gestionnaire dans cette industrie tout comme pour bien d’autres notamment celles liées à l’agriculture supposée être la première priorité nationale depuis 1960. Il est aussi vrai, que les raisons qui expliquent les pauvres performances ne manquent pas mais, ne peuvent nullement justifier la situation dévastatrice que nous vivons dans ce domaine.
Nous disons qu’il est impérieux de réellement changer pour prendre notre destinée dans nos propres mains, en sommes-nous conscients? Cette question relève de notre volonté politique au premier plan. A entendre les différents discours tenus par nos dirigeants politiques, j’avoue mes inquiétudes quant à ce.
Nous ne pouvons rater de signaler que l’Etat congolais a toujours géré très pauvrement ses actifs miniers sans considération réelle de leurs caractères épuisables à long terme. Beaucoup de décisions étatiques sur l’industrie ont été prises contre les intérêts mêmes de ses propres sociétés pourtant, créées pour le servir : importantes pourvoyeuses d’emplois et de fonds.
Deux exemples scandaleux parmi tant d’autres illustrent ce désastre.
Gécamines
Son démantèlement complètement irréfléchi avait conduit à la vente à vils prix des actifs à hauts potentiels de gain pour garder à son actif que ceux à très faibles potentiels. Ceci a aussi conduit au déséquilibre énergétique qui existait entre l’électrique et la thermique dans la structure de production de la Gécamines.
On a privatisé plusieurs actifs étatiques sans que l’Etat propriétaire ait la capacité énergétique réelle pour assurer la production promise et accordée par lui en quantité et qualité. Ces nouveaux projets d’investissements initialement caractérisés de profitables pour le pays sur la base des études de faisabilité techniques, économiques et financières réalisés par les experts de l’Etat ont été réalisés pour des produits dégradés.
Ce déficit énergétique existe depuis 20 ans et la production sans réelle valeur ajoutée a été produite et exportée avec l’accord de l’Etat à son propre détriment. Les actifs restés Gécamines n’ont pas été modernisés pour les rendre plus efficients. Pourquoi devons-nous nous étonner de nos déficits financiers en matière minière alors que les raisons sont bien claires?
MIBA
Dans l’historique de la MIBA (Minière de Bakwanga), l’équilibre financier de l’entreprise a été profondément rompu par deux fois suite à deux évènements perturbateurs importants : la nationalisation totale de la MIBA en novembre 1973 sans dédommagement de ses investisseurs (Regroupés dans la SIBEKA SA, actionnaire privé de la MIBA). La solution à ce problème a été trouvée par l’apport des capitaux belges (SIBEKA) gérés exclusivement par eux pour redresser ladite société après sa mégestion pendant cinq (5) ans de suprématie nationale caractérisée par l’amateurisme heureusement sans interruption de la production MIBA entre 1978 et 1986; la rentrée de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) en mai 1997 qui a causé, entre autres, l’actes de déséquilibre financier très profond qui perdure jusqu’à ce jour. L’accroissement des coûts de production pendant que les revenus chutaient jusqu’à devenir inférieurs à ceux-ci, la MIBA est entrée en cessation de paiement depuis 2002-2006 jusqu’à ce jour.
Au-dessus de tout, ses réserves géologiques réduites momentanément pour des raisons d’effort de guerre ont été définitivement arrachées par son propre propriétaire au bénéfice d’une société privée sans dédommager la MIBA pour la prise de ses réserves. Le mauvais financement du développement de l’entreprise a permis l’érosion de son fonds de roulement d’une part, et de l’autre part, les résultats annuels négatifs à répétition ont conduit à l’anéantissement de ses fonds propres.
L’endettement excessif de l’entreprise avoisinant la valeur du double de ses actifs, le doute des bailleurs des fonds pour financer ladite entreprise n’est nullement sur la non-existence du diamant dans le sous-sol de ses Permis miniers, mais, plutôt, sur le niveau de la certitude insuffisante des réserves pour pouvoir les incorporer dans un programme responsable de production : d’où leurs exigences de la certification de celles-ci.
La relance responsable de la production de la MIBA exige la mise en œuvre d’un plan de redressement de l’entreprise afin de s’assurer de sortir de la cessation de paiement, l’assainissement de son capital et la protection impérieuse du polygone minier, sujet de vandalisme à outrance. Agir autrement, conduirait au bradage des ressources comme d’habitude par nos responsables. La grande confusion de mon pays est d’espérer que la SIBEKA qui n’existe plus comme société et qui n’était plus à capitaux belges puisse venir aujourd’hui à la rescousse de la MIBA.
Le caractère scandaleux de la minéralisation et sa diversité en RD Congo est un fait reconnu de tous. Malheureusement, ce scandale géologique ne paie aucune facture pour le pays. Il a certes une valeur scientifique mais, aujourd’hui, je crains qu’il nous entraîne dans la distraction par rapport à ce qui est profitable pour le pays.
Notre industrie minière, bien structurée et bien gérée, devrait s’intéresser plutôt aux exploitations minières susceptibles d’aboutir à la production marchande rentable pour d’une part, satisfaire la demande de l’industrie mondiale en produits miniers, et d’autre part, tirer des revenus substantiels pour le pays. Les produits à grandes valeurs ajoutées doivent être les cibles de nos stratégies.
Ainsi, de nos gites minéraux, seuls ceux susceptibles de donner naissance à leurs exploitations économiquement rentables méritent la dénomination souvent confuse et abusée du terme économique appelé : «Gisement». Nous comprenons que ce dernier terme englobe les réserves minières calculées sur la base des éléments économiques tels que les prix du marché des contenus utiles et valorisables de ces gites minéraux, les coûts opératoires, la morphologie du gisement qui est une donnée naturelle non modifiable et enfin, les rendements de récupération des métaux ou des pierres précieuses.
Il est clair que pour des produits miniers marchants, tout artifice étatique qui conduirait à l’augmentation des coûts opératoires amènerait à la réduction de nos réserves.
Actuellement, le maximum des opérateurs miniers est constitué par les expatriés. Le moyen facile pour eux de réduire le coût opératoire causé par l’augmentation du taux fiscal relatif à la production, notamment du cobalt est d’une part, de réduire ou limiter la valeur ajoutée des produits marchants cobaltifères destinés à l’exportation : le cobalt métal, jadis produit par la Gécamines est remplacé par les hydrates de cobalt à faible valeur ajoutée … Ces derniers produits intéressent les marchands qui ont le potentiel d’en tirer meilleur profit par le traitement à façon à l’extérieur de notre pays, au prix d’un service très concurrentiel aux coûts de production exorbitants en RD Congo par suite des vols et de la corruption. Pourquoi la Zambie qui est aussi productrice du cobalt ne vend-elle pas des hydrates de cobalt ? D’autre part, il s’agit d’augmenter la teneur économique du gisement pour réduire le coût opératoire avec comme conséquence la réduction des réserves minières.
La voie de sortie
Le scandale géologique est un don de Dieu, le scandale minier est l’œuvre de l’homme et c’est dans ce dernier cas que nous avons le véritable problème : notre égoïsme et insouciance, l’esprit tourné vers les gains faciles avec sa conséquence de la création de richesses sans causes, la non considération du gendarme, la vision non humiliante de la prison et le manque de volonté de réussir ensemble, sont les véritables freins au développement de ce secteur réputé vital de notre pays. Souvent et il faut savoir le dire : «La perception par les dirigeants de la réalité de l’idustrie et la définition des véritables priorités est une tâche gênante, embarrassante».
Beaucoup de déclarations de nos politiciens relatives aux perspectives de notre industrie minière démontrent à suffisance cette faiblesse qui est inquiétante.
La richesse minière réelle appartient à : celui qui possède les réserves minières. Il produira de manière à maximiser ses bénéfices et utilisera la malice et nos faiblesses pour moins payer à l’Etat. A celui qui possèdent les usines de traitement et qui les opèrent, Il a de grandes latitudes à son avantage surtout dans le contexte dominé par notre pays : les vols et la corruption. Au commercial qui est en contact avec les marchés et qui maîtrise la demande et l’offre. Celui-ci est bien l’homme en contact avec nos sociétés étatiques de production. Et enfin à celui qui utilise les métaux pour fabriquer les produits finis à grandes valeurs ajoutées comme notamment : les organes des machines, les outils de production…
Où nous classons-nous? Cette question vaut la peine de nous la poser nous-mêmes et prendre des résolutions à long terme pour nous en sortir avec des solutions durables qu’avec les solutions provisoires type colmatage sans cesse répétées.
Ngandu Kayembe Jacques-Prosper
Ingénieur civil métallurgiste, Master of Sciences et Economiste minier (University of Arizona – USA)
Econews