Le Président Félix Tshisekedi, déjà fragilisé par le retrait de l’EAC et de la SADC, perd son dernier appui régional clé : l’Angola. Luanda a annoncé lundi abandonner son rôle de médiateur dans le conflit à l’Est de la RDC, officiellement pour se consacrer à l’Union africaine. En réalité, ce retrait fait suite à la rencontre surprise de Doha entre Tshisekedi et Paul Kagame, orchestrée par le Qatar, perçue comme un affront par Luanda. Un désaveu qui isole Kinshasa, désormais seul face à la « pieuvre » sécuritaire de l’Est, tandis que l’UA cherche un nouveau facilitateur, assisté des blocs régionaux. La crise s’enfonce, Tshisekedi aussi.
La République Démocratique du Congo (RDC) traverse une nouvelle tourmente diplomatique. Lundi, l’Angola a officiellement annoncé son retrait du processus de médiation dans le conflit opposant Kinshasa à Kigali, laissant le Président Félix Tshisekedi seul face à une crise sécuritaire et politique qui mine l’Est du pays depuis des décennies. Une décision qui intervient après des mois de tensions discrètes entre Luanda et Kinshasa, exacerbées par une rencontre surprise au Qatar entre Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame.
Depuis 2022, l’Angola, sous l’impulsion du président João Lourenço, jouait un rôle central dans les négociations visant à apaiser les tensions entre la RDC et le Rwanda, accusé par Kinshasa de soutenir les groupes armés dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Cependant, dans un communiqué officiel, Luanda a justifié son retrait par la nécessité de se concentrer sur sa présidence tournante de l’Union africaine (UA), entamée en février 2023.
« Après plusieurs cycles de négociations, l’Angola a décidé de transmettre ce mandat à un autre État membre de l’UA », indique le texte, précisant que les « démarches nécessaires » seront entreprises pour désigner un nouveau médiateur, assisté par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC).
Une sortie « diplomatiquement correcte », selon des observateurs, qui masque mal l’amertume angolaise.
La rencontre de Doha, élément déclencheur
La rupture trouve son origine dans un épisode diplomatique inattendu. Courant mars, Félix Tshisekedi a effectué un voyage surprise à Doha, à l’invitation de l’Émir du Qatar, pour rencontrer Paul Kagame. Une initiative perçue par Luanda comme un affront à ses efforts de médiation.
« L’Angola n’a jamais digéré ce mépris », confie une source proche du dossier, soulignant que cette démarche unilatérale a sapé la crédibilité des pourparlers pilotés par Lourenço.
Pour Kinshasa, cette rencontre devait relancer le dialogue direct avec Kigali. Mais l’absence de coordination avec l’Angola, allié historique de la RDC, a précipité la défection de Luanda. « Tshisekedi a pris tout le monde de court, y compris ses partenaires régionaux », analyse un diplomate en poste à Kinshasa.
Le retrait angolais achève de fragiliser Félix Tshisekedi, déjà en difficulté sur le front régional. Ces derniers mois, la RDC a progressivement perdu le soutien de l’EAC, dont les troupes déployées dans l’Est ont été perçues comme inefficaces, puis celui de la SADC, divisée sur la stratégie à adopter. Désormais, le chef de l’État congolais se retrouve seul pour gérer une crise multiforme, où se mêlent enjeux sécuritaires, économiques et géostratégiques.
« C’est un coup dur pour Kinshasa. L’Angola était un partenaire clé, tant sur le plan militaire que diplomatique », explique à Econews un expert en relations internationales. La RDC devra désormais composer avec un nouveau médiateur, dont l’identité reste inconnue, dans un contexte où les récents accords de cessez-le-feu sont régulièrement violés.
Quelle suite pour la médiation ?
Si Luanda assure vouloir accompagner une transition « ordonnée », les défis sont immenses. La SADC et l’EAC, aux positions souvent divergentes, devront collaborer avec le futur médiateur, probablement issu de l’UA. En attendant, les populations de l’Est de la RDC paient le prix fort : selon l’ONU, plus de 6 millions de personnes sont déplacées dans la région, et les attaques des groupes armés se multiplient.
Pour Félix Tshisekedi, l’heure est critique. Après avoir misé sur un règlement régional du conflit, le voici contraint de repenser sa stratégie, dans un isolement croissant. Reste à savoir si cette nouvelle donne poussera Kinshasa à revoir ses alliances… ou à s’enfoncer un peu plus dans la crise.
Econews