Le feuilleton qui se joue actuellement à l’Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo dépasse largement le simple examen de pétitions contre certains membres du Bureau. Il révèle une vérité plus crue, plus calculée : la mainmise absolue de l’UDPS, parti présidentiel, sur toutes les institutions du pays, jusqu’au cœur même du pouvoir législatif.
De bout en bout, l’opération « Kamerhe » porte la marque de fabrique de l’UDPS. Le scénario est presque parfait, trop parfait pour être le fruit du hasard. Crispin Mbindule, l’homme qui mène la charge contre son ancien mentor, n’est plus un simple député UNC en rupture de ban. Il est devenu le visage public d’une manœuvre dont les ficelles sont tirées depuis les hautes sphères du parti au pouvoir. Son serment d’avoir la peau de Kamerhe sonne moins comme une vendetta personnelle que comme l’exécution scrupuleuse d’un plan politique.
La mise en scène est d’ailleurs si parfaite qu’elle en devient transparente. Qui préside la Commission spéciale chargée de juger les mis en cause ? Un élu UDPS. Qui assure l’intérim à la tête du Bureau de l’Assemblée nationale pendant que Kamerhe est sur la sellette ? Un autre élu UDPS. Le hasard fait décidément bien les choses. Trop bien.
Cette mainmise totale sur le processus – de l’accusation à l’instruction en passant par l’intérim – n’est pas un signe de bonne santé démocratique. Elle dessine plutôt les contours d’un Parlement cadenassé, où la séparation des pouvoirs s’efface au profit d’une hégémonie présidentielle inquiétante. L’Assemblée nationale, censée être « le temple de la démocratie » et de la représentation de toutes les sensibilités, risque de n’être plus qu’une chambre d’enregistrement aux ordres.
La question qui se pose aujourd’hui n’est donc plus de savoir si Vital Kamerhe et les autres membres du Bureau sont coupables ou innocents. La vraie question est : Peut-on obtenir un débat équitable lorsque l’accusateur, le juge et le gardien sont issus du même camp ?
Le verdict de la plénière, elle-même largement influencée par la majorité présidentielle, semble déjà écrit.
Au-delà du sort de M. Kamerhe, c’est la crédibilité de toute l’institution parlementaire qui est en jeu. En transformant une procédure sérieuse en outil de règlement de comptes politique et de consolidation monopolistique, l’UDPS envoie un message dangereux : il n’y a plus de place pour une opposition, même au sein de la majorité. Cette stratégie, à court terme, peut sembler payante. Mais à long terme, elle mine les fondements mêmes de la démocratie et du contre-pouvoir.
Le peuple congolais, qui aspire à la stabilité et à l’État de droit, mérite mieux qu’un Parlement fantoche. Il mérite une institution où les débats sont libres, les procédures équitables et où la justice n’est pas rendue à la carte par le seul maître du jeu.
Econews

