Le Parlement européen et les Etats membres ont validé samedi un texte très proche du compromis trouvé entre les Vingt-Sept en décembre. Les sauvegardes automatiques voulues par Berlin sont inscrites dans le texte.
La fumée blanche est sortie samedi 10 février, peu après 2 heures du matin. Au terme d’un marathon de 16 heures de négociations mené par le ministre des Finances belge Vincent Van Peteghem, le Parlement européen et les Etats membres de l’UE ont finalement trouvé un accord sur les nouvelles règles budgétaires de l’UE. L’enjeu : garantir des finances publiques saines tout en préservant la capacité d’investissement de l’UE.
La proposition initiale de la Commission d’avril 2023 accordait une grande flexibilité aux capitales pour définir leur trajectoire budgétaire, sur la base d’une analyse de soutenabilité de la dette et en prenant comme indicateur clé les dépenses primaires nettes. Mais les Vingt-Sept avaient ajouté, en décembre dernier, des sauvegardes automatiques beaucoup plus contraignantes.
L’Allemagne et ses alliés, dits «frugaux », sont parvenus à imposer des réductions automatiques de dette et de déficit aux pays dont le ratio d’endettement dépasse 60 % du PIB (pourcentage hérité des années 1990).
Peu de marges
De nombreux eurodé-putés, notamment chez les verts et les sociaux-démocrates, voulaient revenir sur ces clauses sévères qui, selon eux, vont empêcher de procéder aux colossaux investissements dans la transition énergétique, le numérique et la défense dont l’Europe a besoin. Ils soulignent que la discipline budgétaire à laquelle Berlin s’est astreint depuis l’instauration en 2009 d’un «frein à dette » a conduit à une impressionnante dégradation des infrastructures en Allemagne et à un grand retard dans la digitalisation.
Dans les faits, les parlementaires avaient très peu de marge, l’accord entre Etats membres ayant déjà nécessité des mois de tractations entre argentiers pour aboutir. Ils ont pu obtenir des garanties sur la prise en compte de l’investissement public dans des domaines stratégiques.
Pression du calendrier
Le Parlement était aussi sous la pression du calendrier législatif. Compte tenu des délais de procédure (vérifications juridiques, traductions), il fallait absolument conclure cette semaine pour que le texte puisse être voté en session plénière à Strasbourg en avril, avant la pause parlementaire qui précédera les élections européennes de juin.
«Les nouvelles règles permettront aux pays de l’UE d’investir dans leurs atouts tout en consolidant leurs finances publiques », a salué de manière œcuménique la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sur le réseau social X.
Déficit excessif
Même son Commissaire aux Affaires économiques, Paolo Gentiloni, qui n’avait caché sa déception face à l’accord au Conseil de décembre , a fait contre mauvaise fortune bon cœur : «même si l’accord final est plus complexe que notre proposition initiale, il préserve ses éléments fondamentaux : une planification de moyen terme, une plus grande appropriation par les Etats membres de leur trajectoire dans un cadre commun, un ajustement budgétaire plus graduel qui reflète les engagements d’investissement et de réforme ».
L’accord trouvé samedi doit s’appliquer à partir de 2025. Cette année, les anciennes règles (suspendues entre 2020 et 2023 pour cause de Covid et de guerre en Ukraine) s’appliquent en théorie. La Commission examinera les budgets nationaux à la lumière des recommandations qu’elle a faites en 2023. Au printemps, Bruxelles devrait mettre une douzaine d’Etats membres en procédure de déficit excessif, dont la France.
Reste à voir si le sujet s’invitera dans la campagne des européennes de juin. L’économiste et eurodéputée socialiste Aurore Lalucq a déjà dénoncé une «erreur politique qui servira aux populistes pour taper sur l’Europe ». Selon elle, «on a besoin d’investissements dans l’industrie, dans la défense, dans la transition écologique, c’est ça l’urgence aujourd’hui, ce n’est pas de remettre au goût du jour des règles absurdes économiquement ».
Avec lesechos.fr